Comme annoncé précédemment, une jeune femme de 26 ans a été violentée le mercredi dernier, 29 janvier 2020, par des agents de la police nationale à Wanindara, dans la commune de Ratoma. Fatoumata Bah, a été humiliée, utilisée comme bouclier humain et traînée par les forces de l’ordre. C’était en marge de l’acte III de la « résistance » du front national pour la défense de la constitution (FNDC) contre un troisième mandat du président Alpha Condé.
Et, la vidéo de la scène (filmée par des citoyens) s’est propagée comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux où elle a choqué, outré les internautes. La virulence des commentaires et la mobilisation pour soutenir la victime ont obligé les autorités guinéennes à sortir de leur silence habituel. En moins de 24 heures, elles ont identifié et arrêté un « coupable » et présenté des excuses publiques à la victime, à sa famille et à tout le peuple de Guinée. Cette « promptitude » des autorités, qui ont l’habitude de s’inscrire dans une négation systématique des bavures reprochées aux agents de sécurité, a surpris de nombreux guinéens. Et, actuellement, avec toutes les violences (dont certaines ont entraîné au moins deux morts dans la même journée du mercredi 29 janvier), une question taraude les esprits : pourquoi le cas de Fatoumata Bah a suscité plus de commentaires, d’émotions et de mobilisation, jusqu’au sommet de l’Etat ?
La question vaut son pesant d’or puisque depuis l’arrivée du président Alpha Condé au pouvoir en Guinée (en 2010), les bavures des forces de l’ordre se sont intensifiées dans le pays. Malgré les « reformes » qui ont été engagées dans le secteur de la sécurité, les hommes en uniformes excellent encore dans l’art de la violence et traumatisent le peuple qu’ils sont censés protéger. Avec un excès de zèle, ils répriment les manifestations dans le sang. Plus d’une centaine de jeunes ont été tués dans les manifestations politiques que connait la Guinée. Un nombre inconnu de personnes ont été agressées et violentées tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays. A cela, s’ajoutent les destructions de biens privés, les pillages des boutiques des commerces, les cas de dépouillement de téléphones et autres objets de valeurs…
Face à tous ces dérapages qui constituent de graves violations des droits humains et qui écornent l’image de la Guinée, les dépositaires de la force publique ont toujours clamé l’innocence des forces de l’ordre et ont cherché des coupables parmi les victimes des atrocités. « Ce sont les manifestants qui se tirent entre eux », a-t-on l’habitude d’entendre des discours officiels des autorités.
Mais, l’agression de Fatoumata Bah a amené l’Etat, notamment les autorités en charge de la sécurité, à passer aux aveux. Que s’est-il passé ? La question « genre » a-t-elle pesé dans la balance ? Les autorités veulent-elles mettre fin aux bavures policières ? Ou bien, la preuve de l’agression de madame Fatoumata est si évidente, si accablante que la seule porte de sortie était de reconnaître les faits et de présenter des excuses publiques ? Et si c’était pour « avoir la conscience tranquille » et éviter de s’embrouiller avec les partenaires techniques et financiers ?
Sur les réseaux sociaux, nombreux sont les internautes qui ne comprennent pas cette attitude des autorités. « Vous présentez des excuses au ministre de l’Action sociale parce qu’une mère est agressée ; alors, montrez-nous le ministère des morts pour présenter des excuses aux morts », a par exemple écrit Boun Malick Bah sur son compte Facebook.
De son côté, Alpha Camara estime que ces excuses ne sont qu’une démagogie de nos gouvernants : « Plus de cent jeunes ont été tués sur l’Axe, qu’est-ce que vous avez fait ? », a-t-il interrogé.
« Alors, démissionnez tout simplement si ces excuses ne sont pas de la démagogie », renchérit Lamoh Sidibé
Pour sa part, Mouhamadou Malal Diallo a écrit : « Pourquoi tout ce pola-pola (blabla) ? Combien de morts depuis octobre 2019 ? Il n’y a eu aucun cas de compassion ».
Pour l’instant, on ignore les motivations qui ont suscité un tel intérêt pour madame Fatoumata Bah. Mais, de petites choses ont fait vaciller ou fait changer de cape dans une République. Par exemple, c’est une augmentation du prix du pain au Soudan qui avait coûté le pouvoir à Omar El Bechir. Et, l’ancien dictateur est aujourd’hui en prison !
Et si l’agression de Fatoumata Bah avait-elle engendré un début d’éveil de conscience de nos dirigeants face aux atrocités que les forces de l’ordre font subir aux pauvres populations ? Attendons de voir !
Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com
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