Démission à la NGR : voici la lettre de M. Amadou Saikou Diallo

Amadou Saïkou Diallo

A Monsieur Ibrahima Abe Sylla, Président de la NGR,

Monsieur le Président,

Selon la Déclaration Universelle sur la Démocratie, la démocratie est universellement reconnue comme un idéal et un but ; elle est basée sur des valeurs communes partagées par les peuples du monde malgré leurs différences culturelles, politiques, sociales et économiques.

Cette définition claire entraîne pourtant des confusions, dans la pratique et dans les analyses, puisque ce concept désigne trois faits différents que mêlent les uns pour des raisons politiques et les autres par soucis de performance scientifique :

• La démocratie comme processus implique les mécanismes, les procédures et les formalités de l’organisation politique aux élections ;

• La démocratie comme un état implique une société civile et sa gouvernance ; et

• La démocratie comme un résultat découle d’un état ou est un produit du processus démocratique en soi.

Martin Luther King, Jr. leader de la lutte pour les droits civiques, de sa prison de Birmingham aux Etats-Unis avait écrit un 16 Avril 1963 : « Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier. Nous sommes pris dans un réseau d’interdépendances auquel nous ne pouvons échapper, tous liés par une destinée commune, un vêtement sans couture. Tout ce qui touche l’un de nous directement touche indirectement tous les autres… » fin de citation.

Dès les premières heures, j’ai eu à joindre mes efforts à d’autres pour la mise sur pied d’une formation politique fondée sur des valeurs cardinales d’une société démocratique qu’on appelle la NGR (Nouvelle Génération pour la République). Cette appartenance était basée sur des principes et valeurs pour lesquelles nous nous étions fixés et dont le préambule du programme du Parti en fait fois à savoir : Le socle de la Gouvernance (les Quatre Roues Motrices).

Ces valeurs et principes basés sur un engagement de vous et tous les membres du Parti à mener le combat pour une Guinée unie et indivisible, la valorisation de tous les citoyens par un traitement équitable avec toute la diversité qu’elle englobe, qui représente une grande richesse pour nous, une justice sociale et une République dans laquelle on respectera la loi et la démocratie, la liberté des citoyens, aussi et surtout une opportunité pour un épanouissement de tous les Guinéens par la création du bien-être à travers la promotion du secteur privé et d’une économie du marché, le tout couronné par une solidarité nationale.

Depuis les années 1990 j’ai consacré suffisamment de temps et d’efforts en m’engageant avec des collègues Etudiants dans la lutte pour ces valeurs et principes et je suis plus que fier aujourd’hui, que je continue à croire aux mêmes valeurs et principes.

Vous conviendrez avec moi que de l’accession de notre pays à l’indépendance à nos jours, beaucoup de sacrifices de vie de la part de nos citoyens ont été consentis pour la démocratie et l’Etat de droit. Beaucoup de Guinéens ont perdu la vie et continuent de perdre la vie et voir leur dignité bafouée pour permettre à d’autres Guinéens d’être libres et respectés.

Aujourd’hui, c’est sans doute que vous et tous mes collègues de la NGR êtes convaincus que notre pays traverse un tournant difficile en matière de gouvernance démocratique avec de graves violations des lois de la République et du Droit Humain, d’une injustice sociale, de la violence politique et voir de l’ humiliation sur de paisibles citoyens; Plus grave encore la promotion d’une nouvelle constitution ouvrant la voie au Président Alpha Condé qui est à son deuxième et dernier mandat une présidence à vie,…dont notre pays ne mérite pas du tout.

Depuis l’élection présidentielle du Président Alpha Conde en 2015 vote auquel la NGR avait apporté son soutien au candidat du R.P.G, a-t-on le sentiment de vivre mieux ? A-t-on fait reculer la précarité ? A-t-on réorienté notre pays ? A-t-on enclenché une réforme fiscale pour répartir les richesses efficacement ? A-t-on réformé les institutions politiques de manière à séparer les pouvoirs réellement ? A-t-on relancé le pouvoir d’achat des guinéens ? A-t-on fait reculer le chômage en relançant la croissance ? A-t-on enclenché un processus de réconciliation nationale ? A-t-on construit des infrastructures routières dignes du nom ? Comment se portent: l’environnement, les questions d’eau potable, d’électricité, d’éducation d’aujourd’hui ? etc.

Vous conviendrez aussi avec moi que la réponse à toutes ces différentes questions est « NON ».

Mr le Président,

Face à cette situation qui prévaut aujourd’hui dans notre pays, avec de graves violations de l’Etat de droit et le non-respect des principes démocratiques, promotion d’un mandat de plus, qui peuvent plonger notre cher Pays dans un lendemain incertain, le silence de notre parti la NGR et l’accompagnement de ce système et du processus encours en restant sans pouvoir affirmer notre refus clairement pour ce projet de «Koudaisme», et longtemps absent du débat national m’inquiète et me fait peur car, cela nous éloigne complètement des valeurs et principes pour lesquels on s’est engagé face au peuple de Guinée.

Et personnellement, vous le savez pertinemment que depuis longtemps j’ai usé de toute ma capacité à attirer votre attention sur ces faits multiples à savoir que l’activité d’un Parti politique ne se limite pas seulement à prendre part aux élections nationales mais le Parti doit vivre du 1er Janvier au 31 Décembre et qu’aussi face à des actes et situation socio-politique actuelle de notre pays, mérite une affirmation de notre position et conviction entant que Parti Politique avec des discours de fermeté en condamnant tout acte anti démocratique, de violences de tout genre, de corruption, de discrimination,… et aussi en apportant de la compassion envers les citoyens victimes d’injustice, de privation de leur droit et d’humiliation. Mais très malheureusement le nombre de morts et de victimes augmente par le silence des uns et des autres.

Les enfants et adolescents ayant connu des violences collectives sont souvent témoins de la destruction de leur maison, de fouilles, de perquisitions, de harcèlement policier. Leur chambre d’enfant, leur aire de jeux favoris sont détruits, leurs jouets volés, cassés, souillés, piétinés. Ils peuvent avoir vécu, en direct ou l’apprendre beaucoup plus tard, la mort d’un ou des deux parents. La disparition d’un parent (père, mère, frère, etc…) est également un événement difficile à métaboliser pour un enfant, pour tout le monde d’ailleurs : ne sachant pas si le disparu est mort ou vivant, cela laisse une “béance” dans la vie de l’entourage du disparu. Le deuil est à jamais impossible à faire.
La vie sociale de ces enfants est aussi objet de persécutions, de violence dont ils ne parviennent pas à comprendre, ces enfants n’oseront pas souvent demander à leur parent pourquoi tout cela ? Ne pas oser demander quand on ne comprend pas : cette représentation d’une partie de la réalité va se graver dans leur vécu et va avoir des répercussions importantes sur leur capacité d’acquisition scolaire.

Les violences économiques liées aux persécutions politiques touchent également ces enfants et ces adolescents : vols lors des perquisitions, chômage des parents, etc.

Les violences idéologiques sont également très marquantes pour ces enfants : livres brûlés, écoles dévastées, bibliothèques, universités, lieux de savoirs sous contrôle policier. Il arrive fréquemment que les enfants soient utilisés comme indicateurs et soumis à de multiples chantages.

Cette part vécue d’histoire collective traumatique et qui continue fait taire. Elle fait taire les enfants qui l’ont vécue et qui n’en parlent pas, ni à l’école, ni à la maison. Elle fait taire aussi les adultes. Le gène, la honte, l’humiliation d’avoir été vu impuissants, torturés devant ses propres enfants ou devant d’autres, laisse une trace indélébile dans l’interaction des adultes avec leurs enfants. C’est là que vient se loger l’intentionnalité du système.

Assister à des tortures, des viols, des massacres peut s’avérer être plus traumatisant que de les vivre physiquement. Ceci s’explique du fait que l’enfant a vu l’impuissance et l’humiliation, il a vu un être sous emprise d’un autre, sans pouvoir agir de manière efficace pour tenter d’y mettre fin. Ces blessures peuvent rejaillir comme des bombes à retardement à plusieurs reprises au cours de leur vie d’adulte.

Mais l’espoir est plus que permis, car aujourd’hui c’est sans doute que la majorité des Guinéens se trouvent rassemblés : société civile, Partis politique et religieux dans une coalition pour mener ce combat et j’y crois à ce combat pour lequel je me suis engagé, et pour me permettre de mieux participer dans ce combat démocratique, je rends démission de la NGR (Nouvelle Génération pour la République) à compte de ce jour Dimanche, le 02 Février 2020.

Pour conclure Mr. le Président, je réaffirme à vous et à tous les collègues de la NGR toute ma fraternité, mon respect, mon amitié et mon affection ; mais je ne peux pas ouvrir mes yeux et piétiner sur plus de 25 ans de ma lutte pour la Démocratie et l’état de Droit, lequel combat je continuerai à mener. Le combat de la liberté, de l’Égalité, d’une Guinée unie, Démocratique et Prospère.

Vive La Guinée, Vive la Démocratie

Que Dieu protège la Guinée et les Guinéens

Très fraternellement

Amadou Saikou Diallo

Ex- Président de la N.G.R

Amérique du Nord

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