Attaque du domicile du Khalife, manifs du FNDC, nouvelle constitution… le préfet de Pita à Guineematin

Kalidou Keïta, préfet de Pita
Kalidou Keïta, préfet de Pita

La ville de Pita a été le théâtre de violentes manifestations les 13 et 14 janvier 2020, ayant occasionné le pillage et l’incendie d’édifices publics, notamment les locaux de la gendarmerie et du commissariat central de police. Dans une interview accordée à notre envoyé spécial, dans la soirée d’hier, jeudi 6 février 2020, Kalidou Keïta, le préfet de Pita est revenu sur le film de ces manifestations. L’occasion a été mise à profit pour parler aussi de l’attaque du domicile du khalife général du Fouta Djallon, Elhadj Bano Bah, et du contesté projet de nouvelle constitution qui est à la base de tous ces problèmes.

Décryptage !

Guineemation.com : des bâtiments administratifs ont été et pillés ici en marge des dernières manifestations organisées par le FNDC. Vous, en tant que première autorité de Pita, comment avez-vous vécu ces journées tumultueuses ?

Kalidou Keïta : j’avoue que c’est avec le cœur meurtri que je parle de ces folles journées qui ont fait que Pita a perdu sa beauté d’antan, car comme vous le savez, ces édifices publics qui ont été vandalisés et incendiés, faisaient partie de la beauté de la préfecture de Pita. Donc, c’est avec le cœur meurtri que chaque fois que je passe devant les ruines de ces deux (2) édifices publics, je sens le remord, je sens les difficultés à croire que cela soit devenu possible à Pita.

Guineemation.com : on sait que ces manifestations ont quand même été suivies par l’attaque du domicile du khalife général du Fouta-Djalon. Comment en est-on arrivé là ?

Kalidou Keïta : c’est effectif, l’attaque qu’il y a eu au domicile du grand khalife général du Fouta-Djalon a fait couler beaucoup d’encre et de salive. C’est le 14 janvier 2020 que nous avons assisté à la destruction et à l’incendie de la police et de la gendarmerie à Pita. Donc le lendemain, des renforts sont venus pour sécuriser les populations et leurs biens. Ces renforts sont arrivés le lendemain vers 16 heures 30’. D’habitude, si nous avons des étrangers : civils ou militaires, nous allons les présenter au grand khalife, car comme vous le savez, c’est une personnalité morale, religieuse, très respectée. Alors, quand ces renforts sont arrivés, nous n’avons pas eu le temps d’aller présenter ces étrangers au grand khalife. Donc, ces renforts qui sont venus, sont venus d’un peu partout et ils ne connaissent pas Pita. Donc, 15 minutes après leur arrivée, on a appris que des bandits sont allés attaquer un bâtiment de la gendarmerie, un bâtiment qui servait de logement pour certains gendarmes. C’est ainsi que tout de suite, certains membres du renfort sont allés pour empêcher les manifestants d’incendier cet autre bâtiment. De ce bâtiment, on a appris que certains bandits voulaient attaquer l’hôpital préfectoral. C’est ainsi qu’ils sont allés pour disperser les manifestants. Donc, c’est à travers cette course-poursuite, ces renforts ne connaissant pas la ville, donc ils sont allés en pourchassant ces délinquants qui leur lançaient des pierres, qu’ils étaient obligés d’user des gaz lacrymogènes pour disperser ces manifestants en colère. Donc, c’est dans ces mouvements qu’il y a eu ce qui est arrivé au domicile du khalife. Mais, puisque nous n’étions pas sur le terrain, mais selon les informations reçues, il y a eu du gaz lacrymogène qui a été lancé près de la concession du grand khalife. Donc, les choses se sont passées comme ça. Mais comme je vous l’ai dit, ce renfort qui était venu, c’était des étrangers qui ne connaissaient pas qui était qui.

Guineematin.com : quelles leçons tirez-vous de toutes ces manifestations qui ont eu lieu dans votre préfecture ?

Kalidou Keïta, préfet de Pita

Kalidou Keïta : d’abord, qu’est-ce qu’il faut dire ? Depuis que les manifestations du FNDC ont commencé, nous au niveau de la préfecture de Pita, nous avons toujours pris le soin de faire appel à toutes les parties prenantes. Nous avons eu au tour de nous, à la veille de chaque manifestation, non seulement mon cabinet, les forces de défense et de sécurité et nous avons la ligue islamique, la Direction Préfectorale de l’Education (DPE), bref toutes les parties prenantes de la ville de Pita pour prendre les dispositions, ensemble bien-sûr, avec les membres du FNDC, pour le déroulement de leur manifestation, sans heurts. Donc, toutes les fois nous avons procédé comme ça et après les manifestations, le lendemain ou le surlendemain, nous nous retrouvons pour tirer les leçons. Mais, il est à noter que pendant toutes nos rencontres, nous avons demandé aux différentes parties de privilégier la paix. Nous avons reconnu que les manifestations sont consacrées par notre constitution. Mais, on peut manifester, on peut protester contre une décision de l’Etat sans casser. C’est-à-dire faire des pétitions ou organiser des villes mortes. Mais pour ça aussi, on ne doit pas obliger les gens à la ville morte. Puisqu’on dit qu’en démocratie ta liberté s’arrête là où commence celle de ton prochain, sinon ça devient de la dictature. Quand-même, les membres du FNDC ont dit qu’il n’y a jamais eu de casses à Pita depuis que le professeur Alpha Condé est au pouvoir. Donc, c’est malgré moi qu’il y a eu des marches. Je leur ai dit qu’à Pita, à Labé, à Conakry et un peu partout, on a un groupe de personnes parmi eux il y a des Peulhs, il y a des Malinkés, il y a des Soussous, il y a des Forestiers ; dans ce groupe de personnes, il y a des femmes, il y a des hommes ; dans ce groupe de personnes il y a des chrétiens, il y a des musulmans ; ce groupe de personnes, ce sont les bandits, ce sont des délinquants. Ce groupe de bandits et de délinquants, en temps normal ne peuvent opérer que la nuit ou bien ils opèrent en se cachant. Mais, je l’ai dit ces bandits quand il y a la marche, c’est comme s’ils ont la carte blanche de faire ce qu’ils veulent en plein jour. Et c’est ce qui a fait que ce qui est arrivé est arrivé. Mais, il faut le dire que les vieux ont toujours fait tout pour éviter qu’il n’y ait des casses. Mais les bandits, les délinquants ont tenu coûte que coûte à faire des casses.

Guineematin.com : ces manifestations sont nées de l’obstination du Chef de l’Etat à faire adopter une nouvelle constitution. Le décret convoquant le referendum au 1er mars en témoigne. Est-ce que vous craignez aujourd’hui de nouvelles manifestations dans votre préfecture ?

Kalidou Keïta : il faut le dire que le Chef de l’Etat a pris un décret pour le référendum. Mais, le Chef de l’Etat n’a pas dit qu’il impose une constitution. C’est un projet de nouvelle constitution : ceux qui sont pour, votent en faveur du OUI, et ceux qui sont contre, votent en faveur du NON. Moi je pense qu’il n’y a aucun problème à cela, car l’essence même de la démocratie, c’est le vote. Et les populations ont compris et se disent que rien ne vaut de casser ce qui existe. Mais ce qui est important, c’est de préserver ce qui existe afin de chercher à augmenter. C’est ce qui va dans l’intérêt de tous et de chacun.

Guineematin.com : vous êtes préfet de Pita depuis plus d’une année. Qu’est-ce qu’on peut retenir en termes d’actions posées au bénéfice des populations de cette préfecture ?

Kalidou Keïta : j’ai effectivement fait plus d’une année à Pita. J’étais à Koubia, de là-bas je suis venu à Pita. Ici, j’ai eu la chance, quand je suis arrivé, d’avoir l’ANAFIC (Agence Nationale de Financement des Collectivités). Pita qui a l’habitude d’avoir trois à quatre milliards d’investissements, pour l’année 2019, la préfecture de Pita a eu plus de 17 milliards de francs guinéens d’investissement. Donc, comme vous le voyez, nous avons eu des investissements dans toutes les sous-préfectures, dans toutes les communes. Et cela dépendait du choix des communautés et nous avons eu beaucoup d’infrastructures réalisées dans toutes les préfectures de Pita.

Guineematin.com : quel est le mot de la fin ?

Kalidou Keïta : vous savez qu’à Pita, nous avons le khalife général de tout le Fouta-Djalon, c’est Elhadj Mamadou Bano Bah qui, comme on le sait, est un apôtre de la paix. Il se bat pour la paix à Pita. Autour de lui, nous avons des sages, des notables, qui sont là avec lui pour jouer ce rôle. Donc, c’est l’occasion pour moi de remercier toutes les populations de Pita, cela à commencer par les jeunes qui ont compris qu’il n’est pas bon de casser. Je vais aussi remercier les parents qui ont tout le temps cherché à sensibiliser leurs enfants pour qu’ils évitent la casse. Aussi, je remercie les chefs de quartiers, la commune, parce qu’il faut reconnaître qu’il y a des conseillers qui ont travaillé avec nous pour que nous ayons cette paix et remercier toutes les forces de défense et de sécurité, remercier les cadres préfectoraux, tous ceux qui se sont mis de près ou de loin à nous donner cette paix à Pita.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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