Face à la répression, il faut éviter le piège

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Grièvement blessé lors de la dernière manifestation de protestation contre la grève des enseignants, un deuxième élève de Lola a succombé hier, mercredi 19 février 2020, à N’Zérékoré, alourdissant ainsi le bilan de la répression dans cette petite ville à deux morts pour le moment. En l’espace d’un mois seulement, il y a eu des morts au Nord, au Sud et à l’Ouest de la Guinée. Tous liquidés de sang-froid par ceux-là dont la mission était de les protéger.

Mais, mourir par balle n’est plus une nouveauté dans ce pays. Le décompte macabre se fait semaine après semaine. Ce qui est une nouveauté, c’est la catégorisation des victimes. On parle d’une trentaine de morts depuis octobre 2019. Aussi bien en Guinée qu’à l’étranger, les acteurs et les observateurs mettent l’accent sur le nombre de morts consécutifs au projet de troisième mandat.

Pour ceux qui font ce décompte, les victimes sont de trois catégories : celles dont le décès est directement lié à ce projet de troisième mandat, celles qui sont victimes lors des récurrentes manifestations politiques et les désormais victimes de la grève des enseignants. Comme les deux enfants de Lola.

Voilà une erreur monumentale voire fatale. C’est comme si, en matière de répression aussi, chacun prêche pour sa chapelle. A l’opposition, particulièrement l’UFDG, qui tient une liste et un cimetière dédié à ceux qu’elle qualifie de martyrs de la démocratie, de s’occuper de ses morts, au FNDC de gérer les siens et enfin au SLECG d’entrer dans la danse pour établir lui aussi la liste de ses victimes. Cette catégorisation est suicidaire. Parce qu’elle creuse un fossé entre les victimes. Un mort est un mort. Quelle que soit la raison de sa mort, il ne devait pas mourir. Et si cela arrive, il ne doit pas être classé par catégorie.

Avec les victimes de Labé et désormais de Lola, l’UFDG devrait revoir sa copie. En l’occurrence celle du nombre de victimes consécutives aux manifestations. A tous ceux qui sont morts à Conakry et en particulier à Ratoma, il va falloir ajouter ceux de Labé mais aussi ceux de Lola. Tout comme le FNDC ne doit pas nous parler d’une trentaine de morts. Parce que les manifestations passées et présentes ont un objectif commun : c’est celui de réclamer plus de droits, plus de liberté et plus de démocratie.

Qu’on ne nous parle donc plus de 140 morts de l’opposition. Pas plus de 30 du FNDC. Encore moins de deux ou de trois du SLECG. Car depuis le début de la grève d’autres enfants sont tombés sous les balles de ceux qui sont nourris, habillés et payés par le contribuable guinéen. Les organisations de défense des droits de l’homme devraient s’impliquer dans le décompte macabre pour dénombrer le nombre de victimes pour toutes les causes et dans toutes les régions.

Une victime n’est pas plus importante qu’une autre. Il y a eu Zogota et Womey. Il y a eu Boké. Il y a eu récemment Labé. Et aujourd’hui nous avons Lola. Il y a eu aussi Kankan. Sans compter Conakry qui détient le triste record. L’impunité ne s’arrêtera que le jour où tous les Guinéens se lèveront comme un seul homme pour réclamer justice pour toutes les victimes, quelles que soient leurs origines ethniques, régionales ou opinions politiques.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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