Conakry : victime de kidnapping, Mamadou Kallan Diallo raconte sa mésaventure

De nombreuses familles guinéennes sont aujourd’hui sans nouvelles de leurs proches, victimes d’enlèvements de la part d’hommes en uniformes, dans une lourde atmosphère de chasse contre les opposants à un 3ème mandat pour Alpha Condé. Mamadou Kallan Diallo, président de la Coalition des Etudiants Leaders de Guinée, récemment kidnappé à Conakry, a été retrouvé inconscient vers Forécariah. Aujourd’hui, le jeune étudiant est revenu à Conakry, plus que jamais décidé à continuer le combat contre le projet de nouvelle Constitution. Il l’a dit dans un entretien avec un reporter de Guineematin.com dans la journée de ce vendredi, 28 février 2020.

Mamadou Kallan Diallo a eu plus de chance que de très nombreux autres guinéens, toujours détenus arbitrairement à travers le pays. Ils sont pourchassés pour leur opposition au projet de nouvelle Constitution qu’Alpha Condé veut faire adopter ce dimanche 1er mars 2020, en vue de s’éterniser au pouvoir.

Le président de la Coalition des Etudiants Leaders de Guinée a été enlevé le dimanche, 23 février 2020, à Hamdallaye, dans la commune de Ratoma, alors qu’il préparait activement un meeting destiné à dénoncer le projet d’Alpha Condé. « La semaine passée, nous avions un programme, celui d’organiser à Conakry un grand meeting pour montrer à l’opinion nationale et internationale que l’idée d’une nouvelle constitution et le 3ème mandat pour Alpha Condé ne sont pas partagés par les Etudiants.

Ce meeting devait avoir lieu hier jeudi. Le vendredi 21 février, nous avions effectué une réunion d’urgence entre les membres. Après on a décidé d’aller dans les sièges des partis politiques pour passer les messages afin que les jeunes étudiants viennent nous soutenir. Alors moi, on m’a dit d’aller au siège de l’UFDG, j’ai été là-bas pour passer le message. Mais dès que je suis sorti du siège de l’UFDG, j’ai reçu un appel. Au bout du fil, c’est une femme qui m’a dit Kallan, on va te traquer. Si on te prend, on va te tuer. J’étais étonné et j’ai éteint mon téléphone et j’ai continué mon combat. Je suis allé passer la nuit au quartier Lambanyi », a-t-il dit.

Poursuivant, Kallan Diallo a expliqué que c’est la nuit du lendemain qu’il a été mis aux arrêts. « Le dimanche, j’avais un programme avec un ami à Hamdallaye Pharmacie. Je l’ai appelé pour lui dire que je passerai chez lui. J’ai pris un taxi. Je suis arrivé sur les lieux. Dès que j’ai traversé, il y a un pick-up qui est venu me coincer. Il y avait des militaires cagoulés dedans. Ils m’ont dit c’est toi Mamadou Kallan ? J’ai répondu qu’est-ce que vous voulez ? Ils m’ont dit, on te cherchait. C’est ainsi qu’ils m’ont embarqué, ils ont mis la cagoule sur mon visage et nous sommes partis vers Bambéto.

Après, ils nous ont envoyé vers Sangoyah Mosquée où ils nous ont roué de coups pour ne pas qu’ont reconnaisse les lieux. Finalement, ils nous ont envoyés dans une cours fermée. Ils nous ont mis à l’intérieur d’une villa où chacun de nous a occupé une chambre avec une chaise et une table à l’intérieur. Un commandant est venu avec des papiers et il nous posait des questions, en nous demandant de répondre sur les papiers. En ce qui concerne la Coalition des Etudiants Leaders de Guinée, on nous accusait de tentative de coup d’Etat et d’attroupement illégal dans les universités. Il y avait des papiers, on m’a demandé de remplir et après ils vont nous emmener à Kankan, dans le camp de Soronkoni où ils vont nous juger. »

Au cours de son audition, Mamadou Kallan dit avoir été interrogé sur ses relations avec les politiques et comment sa structure était financée. « Ils m’ont demandé avec quel parti politique je travaille et qui finançait notre mouvement pour former un coup d’Etat. C’était ahurissant. Je me demandais où va le pays et comment un simple étudiant, qui mène un combat contre le changement constitutionnel, peut faire un coup d’Etat. C’était vraiment inexplicable. Ils nous ont torturés pendant trois jours, sans manger, ni boire », a-t-il fait savoir.

En outre, le jeune homme dit ne pas savoir comment il s’est retrouvé à Forécariah. « Depuis lundi matin, je ne supportais plus les tortures. Le mardi, j’ai perdu connaissance vers 18 heures. Et puis, je me suis retrouvé vers Forécariah. Là-bas, je me suis réveillé dans une clinique. Il y avait des seringues et de la colle sur mon corps. Je me demandais où je suis comme ça. Il y avait les parents à côté. Ils m’ont dit qu’on m’a retrouvé couché au bord de la route, pensant que c’était un corps sans vie. J’ai dit Dieu merci. Heureusement, vous êtes venus au bon moment. De là-bas, ils m’ont soigné, et on m’a ramené à Conakry », a-t-il raconté.

Malgré cette mésaventure, Mamadou Kallan Diallo a dit que la dynamique du combat va se poursuivre. « Cette arrestation ne nous fera ni chaud, ni froid. Cette torture ne nous empêchera pas de continuer le combat. Parce que notre objectif, c’est d’éveiller la conscience des jeunes étudiants afin qu’ils participent au combat contre le 3ème mandat. Ce combat n’est pas un combat d’une entité politique, d’une ethnie ou d’une région. C’est un combat de tous les guinéens épris de paix et de justice », a-t-il martelé.

Saidou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tel: 620 589 527/654 416 922

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