Arrestation de deux leaders du FNDC : témoignage choc d’Asmaou Barry

madame Diallo Asmaou Barry, présidente de l'APAC

Comme annoncé précédemment, des agents de la Brigade de Recherche et d’Investigation (BRI) ont procédé à l’arrestation d’Ibrahima Diallo et de Sékou Koundouno, deux responsables du Front National pour la Défens de la Constitution (FNDC). Pendant leur arrestation, survenue hier vendredi, 06 mars 2020, Asmaou Barry, épouse d’Ibrahima Diallo, a été violentée par les agents qui auraient également détruit du mobilier à son domicile, au quartier Démoudoula, dans la commune de Ratoma. Interrogée par un reporter de Guineematin.com au lendemain de cette descente musclée des agents, Asmaou Barry a fustigé cette attitude avant d’annoncer qu’elle va porter plainte.

Guineematin.com : votre époux, Ibrahima Diallo, et son collègue Sékou Koundouno, ont été enlevés, s’il faut le dire ainsi, hier aux environs de 19 heures. Expliquez-nous ce qui s’est passé.

Asmaou Barry : ce que je peux dire, c’est la façon dont des agents se sont introduits à mon domicile. On a entendu du bruit au dehors et ils ont cogné le portail. Lorsqu’on a compris que c’est des gens qui voulaient entrer, personnellement j’ai élevé la voix pour dire, j’arrive pour ouvrir parce que c’était fermé. Avant que je ne prenne la clé pour venir ouvrir, il y avait déjà certains d’entre eux, des agents de la BRI (Brigade de Recherche et d’Investigation)  qui se sont introduits dans la cour en escaladant le mur. Ils avaient des gilets pare-balles, armés et certains étaient cagoulés. Ils avaient escaladé le mur dans le but de venir ouvrir le portail pour les autres ; et comme le portail n’était pas fermé avec le crochet mais avec la serrure, je leur ai dit, je prends la clé, je viens ouvrir la serrure.

Ils n’ont pas attendu que je vienne ouvrir avec la clé. Ils ont donc défoncé le portail d’entrée pour permettre aux autres de s’introduire dans la maison. Mon mari était entré dans la maison pour s’habiller parce que quand ils sont venus, il était en mode maison, il fallait qu’il s’habille. Donc, moi j’ai voulu établir le dialogue avec eux pour savoir le motif et au moins que je sois informée de quelque chose entretemps que les autres finissent de s’habiller et sortir. Et c’est là que leur chef de mission m’a brutalisé et l’un d’entre eux est venu l’appuyer. Entretemps, mon mari avait fini de s’habiller, il sortait.

Mais là, dès qu’ils l’ont aperçu, ils ont défoncé la porte du salon aussi pour entrer. C’est ainsi qu’ils ont complètement gâté la porte d’entrée de la maison, ainsi que le portail. C’est ce qui a fait que moi, j’ai dormi dans une maison non fermée. La cour n’était pas fermée, la maison ne pouvait pas être fermée. Ils ont saccagé ce qu’ils ont pu, ils ont cassé la table à manger. En me brutalisant, ils ont jeté quelques plantes. Ils les ont pris (Ibrahima et Koundouno, ndlr) sans absolument rien nous dire. Ils sont sortis les embarquer dans les pick-up. Et quand je suis sortie derrière la cour, j’ai constaté qu’il y avait trois pick-up qui étaient garés de part et d’autre de la maison. Ils les ont embarqués à l’intérieur et ils sont partis. J’ai dénombré environ 20 agents.

Guineematin.com : leur arrestation n’a obéi à aucune procédure légale. Quel sentiment vous anime aujourd’hui en tant qu’épouse d’Ibrahima Diallo ?

Asmaou Barry : c’est juste la colère, c’est juste la déception surtout, parce qu’on ne peut pas agir de telle façon contre des citoyens qui auraient pu répondre tout simplement, je pense à une convocation, si on nous avait présenté au moins un mandat du procureur de la République. Mais, on ne peut pas venir s’introduire dans la maison d’autrui, on casse tout  et qu’on ne dise absolument rien pour prendre des citoyens de ce pays et les amener comme ça manu-militari. Pour moi, c’est une violation de domicile, c’est une agression physique contre ma personne, mais aussi c’est des destructions dans ma maison.

Guineematin.com : est-ce que vous avez eu des nouvelles de votre époux et de son collègue ?

Asmaou Barry : non, je n’ai pas de nouvelles. Depuis qu’on les a emmenés, on ne nous a rien dit. Moi, j’ai tout de suite contacté les avocats pour qu’ils se mettent à leur recherche puisque j’estime qu’ils ont plus de légitimité pour aller dans un commissariat ou une brigade de gendarmerie pour chercher. Donc ce matin, je vais me diriger vers la direction centrale de la police judiciaire. Parce que selon des rumeurs, on les aurait amenés là-bas. Comme ça, si on sait au moins où on les a envoyés, c’est un ouf au moins. Si on ne peut pas les libérer, qu’on nous dise au moins où on les a envoyés. Je pense que c’est notre droit le plus absolu de connaitre où est-ce qu’on les a amenés. Eux aussi, ceux qui ont été arrêtés, c’est leur droit de se faire assister par des personnes de confiance, de la famille ou leurs avocats. Parce qu’il est absolument anormal que nous de la famille, mais aussi les avocats, ne soyons pas informés de là où on les a amenés.

Guineematin.com : vous dites que vous avez été brutalisée. Quel est votre moral aujourd’hui ?

Asmaou Barry : je suis choquée de la façon dont l’opération s’est déroulée. Et je suis choquée de l’injustice. J’ai un sentiment d’injustice, j’ai un sentiment d’insécurité. Ça veut dire que même dans ma propre maison, je ne suis pas en sécurité et dans ma propre maison, on peut violer mes droits. Donc, c’est le sentiment que j’ai et je suis malheureuse pour ce pays. Parce qu’aujourd’hui c’est moi, demain ça peut être n’importe qui ; d’ailleurs hier c’était quelqu’un d’autre. Donc, si les citoyens ne peuvent plus jouir de leurs droits, dans leur propre maison, pour moi c’est une aberration.

Guineematin.com : que comptez-vous faire face à cette situation ?

Asmaou Barry : moi, je ne compte pas me laisser faire. Ce qu’il y a entre eux et le FNDC, c’est entre eux et le FNDC. Je pense que les avocats du FNDC feront ce qu’ils doivent faire. Mais pour ma part, je ne me laisserai pas non plus faire. C’est pourquoi, dès la nuit, j’ai contacté un huissier de justice et un avocat pour venir constater les dégâts. Moi, je vais porter plainte pour agression physique contre ma personne, parce qu’ils m’ont humilié. Quand ils sont arrivés, j’étais aussi à moitié habillée, je n’avais que le pagne au niveau de ma poitrine. En me brutalisant, ils ont jeté aussi mon pagne et pour moi en tant que femme, c’est une humiliation de leur part. Où il y a une vingtaine de garçons, devant ma jeune sœur, mon époux et son ami, comment quelqu’un peut se permettre d’agir ainsi ? Donc, pour ce qui est de ma part, moi je ne me laisserai pas faire. Je compte porter plainte contre mes agresseurs.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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