N’zérékoré : l’arroseur arrosé

Elhadj Sory Sanoh
Elhadj Sory Sanoh, préfet de Nzérékoré

Après l’expiration d’un premier délai de 72 heures qu’ils avaient fixé pour le départ de leur préfet, les jeunes de N’Zérékoré, toujours déterminés, étaient revenus à la charge avec un nouvel ultimatum. Ils ont exigé cette fois le départ immédiat de Sory Sanoh de la ville. C’est désormais chose faite. Dans un décret rendu public ce mardi soir, le président Alpha Condé a répondu favorablement à l’exigence de la jeunesse de la Guinée forestière en générale et celle de la ville de N’Zérékoré en particulier.

Mais, ceux qui exigeaient des sanctions contre le désormais ancien préfet de N’Zérékoré sont restés sur leur faim. Car le chef de l’Etat a ménagé la chèvre et le chou. Le préfet, qui avait mis récemment les pieds dans le plat en déclarant « si le président de la République me demande d’égorger quelqu’un je vais le faire », quitte la principale ville du sud du pays mais garde les mêmes fonctions ailleurs.

Le chef de l’Etat a Juste procédé à une permutation. Parce qu’il veut contenter la population de la Guinée forestière sans mécontenter le préfet et les siens. C’est cala aussi Alpha Condé. L’homme limoge le petit frère pour nommer le grand frère. Et vice-versa. Acculé de toutes parts par le couple FNDC et opposition, il ne souhaite pas ouvrir un autre front. Mais Alpha Condé ne veut pas non plus abandonner un préfet qui est capable d’exprimer une position aussi tranchée et aussi radicale en sa faveur.

Bref, les habitants de Guinée forestière applaudissent mais Sory Sanoh et les siens n’ont pas perdu la face encore moins les avantages et les privilèges. Malgré tout, quitter N’Zérékoré pour se retrouver à Kérouane est tout sauf une promotion. C’est plutôt une consolation. L’autre consolation c’est que le nouveau préfet de Kérouané se retrouve dans une localité censée être favorable au régime. Il n’aura donc pas de contestataires à « égorger ».

Si le préfet a réussi à sauver les meubles et l’honneur, ce n’est forcément pas le cas du chef de l’Etat. Confronté à des contestations tous azimuts, Alpha Condé a ouvert la boite à pandore. Son décret de ce mardi risque de faire tache d’huile. D’autres préfectures pourraient demander le départ de leur préfet ou gouverneur. Sans compter que l’homme qui déclarait récemment n’avoir peur de personne montre qu’il a bel et bien peur.

En outre, le régime a mis à nue sa politique deux poids deux mesures. Alors qu’il accède à la demande de la jeunesse de N’Zérékoré et remplace le préfet sur la base d’une simple déclaration- fût-elle incendiaire- à Labé la demande de départ du gouverneur a été réprimée dans le sang. Ce dernier a même reconnu implicitement la responsabilité des autorités dans les tueries en déclarant « notre intention n’était pas de les tuer. Mais de les arrêter ».

Pour monsieur Alpha Condé tout est politique. A N’Zérékoré il fait les pieds et les mains pour charmer les populations dont il a besoin des voix pour le désormais hypothétique référendum tandis que à Labé il engage une épreuve de force qui aboutit à la mort de plusieurs personnes. Malgré tout, le côté positif de l’exigence et de la satisfaction de la jeunesse de N’Zérékoré c’est que, désormais, les administrateurs locaux vont réfléchir deux fois avant d’ouvrir la bouche. Autres temps, autres mœurs.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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