Baïlo Barry du FNDC remobilise la troupe : « on est à deux doigts de la réussite »

Mamadou Baïlo Barry, Destin en main, membre du FNDC
Mamadou Baïlo Barry, Destin en main, membre du FNDC

Malgré la fixation d’une date pour la tenue du double scrutin législatif et référendaire au 22 mars 2020, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) ne s’avoue pas vaincu. Avec l’imminence de ce scrutin, la structure entend maintenir la pression « pour empêcher le coup d’Etat constitutionnel ». Pour évoquer les derniers réglages en cours, la suite du combat et l’état d’esprit de la troupe, Guineematin.com a reçu dans ses locaux, ce lundi 16 mars 2020, Mamadou Baïlo Barry, directeur exécutif de l’ONG Destin en Main, et chargé de communication adjoint du FNDC. Avec monsieur Barry, il a été également question du coronavirus qui sévit à travers le monde.

Guineematin.com : depuis le lundi, 14 octobre 2019, le FNDC mène un rude combat contre tout changement de la constitution. Qu’est-ce qu’on peut retenir de ce combat durant ces 5 derniers mois ?

Mamadou Baïlo Barry : le FNDC est tout d’abord un état d’esprit qui aujourd’hui, porte les aspirations de tout un peuple. Pour revenir sur ce que le FNDC a eu à faire durant ces mois passés, nous disons que beaucoup n’y croyaient pas, beaucoup de personnes qualifiaient le FNDC d’être une structure mort-née. Mais aujourd’hui, le peuple se reconnait de plus en plus à cette organisation composée des organisations de la société civile, des partis politiques, des citoyens et aujourd’hui ; des populations qui sont éprises de paix, de justice et qui aspirent vraiment à un mieux-être portent se combat. Aujourd’hui, le FNDC est devenu une inspiration pour d’autres peuples ou d’autres leaders. C’est pour vous dire que les objectifs qu’on s’était fixé, malgré la barbarie du gouvernement, ça ne nous a pas empêché d’atteindre nos objectifs parallèlement. Malgré les arrestations, malgré les tueries que monsieur Alpha Condé et son clan sont en train d’infliger au peuple de Guinée ; puisqu’une quarantaine de jeunes ont été tués par balles, on a vu des marchés brûlés, on a vu des personnes torturées, kidnappées, entre autres. Mais, tout cela ne nous étonne pas, parce que monsieur Alpha Condé à son arrivée au pouvoir a dit qu’il prendra la Guinée là où l’autre l’a laissé. Donc, il a voulu semer la terreur et penser qu’en faisant cela, le peuple allait reculer. C’était mal connaitre le peuple de Guinée parce que je vous dis aujourd’hui, le pays est à un tournant décisif de son histoire. Et, on n’avait pas le choix que de résister contre les oppresseurs, contre la barbarie de monsieur Alpha Condé et son clan. Et aujourd’hui, on comprend qu’on n’est pas loin de la victoire. Car si aujourd’hui, on n’est déjà à quatre reports des élections, je crois que c’est une première en Afrique et pourquoi pas dans le monde. On ne peut pas nous taper la poitrine et dire que c’est une victoire, car on n’a pas aimé que tous ces jeunes soient tués, que tous ces biens soient détruits, mais face à ces hommes égoïstes qui ne pensent qu’à leurs intérêts individuels, on ne pouvait faire que cela. Certes, beaucoup ont fait la prison, certains ont été tués, des biens ont été saccagés, des personnes ont été humiliées, mais ce qu’il faut dire au peuple de Guinée, ces dirigeants en voulant lancer ce projet machiavélique de 3ème mandat, ils ont voulu passer par l’ethnie, la région pour pouvoir diviser pour régner, en faisant comprendre aux populations que c’est pour un parti politique, ou que c’est pour une communauté qu’on lutte. Mais, c’était sans compter sur la maturité du peuple de Guinée qui a fait une simple analyse et qui a compris qu’au niveau du pouvoir, ceux qui nous maltraitent sont composés malheureusement ou heureusement de toutes les communautés et de toutes les ethnies. Et aujourd’hui, eu égard à ce que nous avons fait, c’est pour dire que le FNDC est sur le bon chemin et que nous sommes à un dernier virage de la victoire finale.

Guineematin.com : après 5 mois de lutte acharnée, parsemée de beaucoup d’embûches, le chef de l’Etat tient mordicus à son projet de 3ème mandat puisqu’il a déjà fixé date du double scrutin au 22 mars prochain. Est-ce que le FNDC a la possibilité d’empêcher ce scrutin ?

Mamadou Baïlo Barry, Destin en main, membre du FNDC

Mamadou Baïlo Barry : cette date, c’était une manière de réconforter un peu ses militants et sympathisants qui pleuraient un peu autour de lui en disant, donne nous une date. C’est comme quand l’enfant pleure en disant à son papa, donne-moi un bonbon, et que le papa parte prendre le bonbon même à crédit… Le FNDC étant un état d’esprit et portant les aspirations de tout un peuple, qui veut amener le pays vers une alternance démocratique, demande simplement à ceux qui n’y croyaient pas, de revenir vers la grande maison qui est le FNDC pour défendre cette constitution. Pour répondre à votre question, cette date, elle n’est pas du tout tenable. Parce que voyant tous les obstacles et tous les embûches qui sont autour de ce double scrutin, c’est que monsieur Alpha Condé veut simplement s’entêter. Je crois au-delà de ses ambitions, il a une pression et de sa communauté et de son parti et du clan qui cherche à garder son confort. Voilà ce qu’ils sont en train de traverser aujourd’hui. Et vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a de véritables problèmes dans le cadre de la succession dans le camp du président. Aujourd’hui, les requins sont en train de s’entre-bouffer, ça ne va pas du tout à l’intérieur du RPG tout comme au sein même de ces partis politiques qui sont en lice pour ces élections… On ne peut pas parler de paix sans justice ; on ne peut pas parler de paix sans transparence ; on ne peut pas parler de paix sans quiétude et sans inclusion. En faisant toutes les analyses du monde, on se rend compte que les élections du 22 mars ne se tiendront pas, ce n’est pas faisable. Il faut comprendre que la Guinée est le fusible de la stabilité de l’Afrique de l’Ouest et même de l’Afrique toute entière. Nous savons que tous les pays qui nous entourent, c’est seulement la Guinée qui n’a pas connu une guerre. Et nous savons ce que représente notre pays pour la stabilité de la sous-région. Donc, je vais vous dire, et la CEDEAO et l’Union africaine et les occidentaux, ne vont pas s’amuser avec la stabilité de la Guinée. Ils savent pertinemment qu’on ne peut pas avoir des élections en République de Guinée sans les ténors de l’Opposition, ça c’est un premier aspect. Un second aspect, vu qu’ils ont cumulé les deux élections, c’est une manière d’amener les gens vers le référendum. Parce que pas plus tard qu’avant-hier, j’échangeais avec l’un des candidats à ce double scrutin qui m’a dit, moi, je suis pour les législatives mais pas pour le referendum. C’est pour vous dire encore une fois que c’est un piège qu’ils ont tendu aux autres jeunes qui voulaient participer uniquement aux législatives et qui ont dit que voilà puisque les ténors ne sont pas là, c’est le bon moment pour nous aussi d’accéder à l’hémicycle et de bénéficier de ces véhicules et de tous ces privilèges. Il ne faudrait pas qu’on se leurre il faut qu’on respecte un peu les citoyens. Parce que si tu entends élections, c’est qu’il y a vote. Et si on parle de vote, c’est qu’il y a électeur. Donc, c’est pour vous dire qu’on est vraiment désolé de ne pas satisfaire encore nos parents qui sont auprès d’Alpha Condé et son clan. Mais, nous leur demandons pour ne pas pleurer encore une énième fois, qu’ils rejoignent le FNDC pour protéger les lois de la République parce que le 22 ne sera pas du tout tenable et il n’y aura pas de référendum en République de Guinée.

Guineematin.com : beaucoup de personnes, bien qu’ils adhèrent à l’esprit du FNDC, pensent qu’il faut arrêter le combat puisque le tribut est lourd avec le nombre élevé de morts aujourd’hui. Comment vous analyser cet état de fait ?

Mamadou Baïlo Barry : vous avez un combat contre quelqu’un, peut-être que vous avez la même force. Vous vous battez jusqu’à ce qu’il déchire vos habits, il vous enlève même votre culotte. Mais, vous voyez que vous êtes tous deux fatigués. Qu’est-ce que vous faites ? Vous allez continuer le combat ou ramasser votre honte et rentrer avec à la maison. Aujourd’hui, je ne peux pas personnellement comprendre qu’il y ait toutes ces victimes, toutes ces personnes qui ont été tuées par balles, dans l’injustice totale, toutes ces personnes humiliées, toutes ces personnes qui sont torturées dans les prisons, qu’on me dise vous êtes morts pour rien, vous êtes blessés pour rien, vous avez perdus vos biens pour rien, vous êtes torturés pour rien et vous avez fait la prison pour rien. Si on se limite à mi-chemin, c’est qu’on se fout de la gueule (excusez-moi du terme), de toutes ces personnes qui ont perdu la vie, de tous ceux qui ont perdu leurs biens bref de tous ceux qui ont été victimes de cette lutte contre le changement de la constitution. On est à deux doigts de la réussite. Et si on perd notre chance d’arriver à bout de cette lutte, dites-vous, disons-nous, que nous perdons 10 ans, 20 ans, 50 ans, peut-être un siècle encore. La Guinée va reculer. Au FNDC, nous nous sommes adossé à la loi, tout ce que nous faisons, nous le faisons conforment aux textes de loi en vigueur. Nous nous adossons à la loi pour organiser nos manifestations, et même à l’article 21, alinéa 4 de la constitution, c’est dire que lorsque l’Etat faillit, on peut nous défendre nous-mêmes. Nous allons défendre morts ou vivants, vivants ou morts, cette constitution en vigueur. Nous allons défendre les lois de la République, nous allons défendre le bien-être des populations. Nous allons lutter pour qu’il y ait l’alternance en 2020. Nous allons le faire au sacrifice de notre vie et au sacrifice de tout ce qu’on est déjà en train de faire sur le terrain.

Guineematin.com : le FNDC compte organiser de nouvelles manifestations les jours à venir, notamment à partir du 19 mars prochain. Comment cela se prépare ? A quoi les guinéens peuvent s’attendre ?

Mamadou Baïlo Barry, Destin en main, membre du FNDC

Mamadou Baïlo Barry : les guinéens ne doivent pas seulement s’attendre à quelque chose. Ils doivent s’engager dans cette lutte parce qu’il y a une chose qu’il faut faire comprendre aux citoyens guinéens, c’est que le FNDC est en train de faire, porte sur les aspirations de tout un peuple, ce que le FNDC fait, c’est le travail de tout un chacun : vous journalistes, eux simples citoyens, et toute personnes qui est éprise de paix et de justice et qui veut un bien-être pour ce pays, doit s’engager dans cette lutte. Donc, c’est pour vous dire encore une fois qu’au FNDC, tout est mis en œuvre, les derniers réglages sont en train d’être effectués pour que ce dernier virage soit réellement l’aboutissement de cette lutte pour la victoire finale. Mais, ils seront surpris de voir à partir du 19 mars que certains qui étaient avec eux, qui prenaient même la parole avec eux, être au-devant de la scène pour lutter contre ce coup d’Etat constitutionnel.

Guineematin.com : aujourd’hui, l’humanité est sous la menace du coronavirus. Au même moment, le FNDC projette des manifestations. Comment tout cela va se passer quand on sait que le gouverneur de la ville de Conakry a interdit toute mobilisation de plus de 100 personnes ?

Mamadou Baïlo Barry : parlant de coronavirus aujourd’hui, c’est une pandémie mondiale et du siècle. Moi, depuis que j’ai commencé à réfléchir et à penser, je pense que c’est la première fois qu’on enregistre une telle pandémie dans le monde. En République de Guinée je me rappelle début février 2020, une vague d’étrangers rentrés dans le pays, mais des blancs, j’ai fait un post pour alerter les gens puisqu’au niveau de l’aéroport il n’y avait pas de dispositifs. On m’a dit que je suis trop alarmiste. Mais finalement, l’histoire m’a donné raison. Aujourd’hui nous avons vu le premier cas, ça a été importé de l’Europe et c’est passé par l’aéroport. Et aujourd’hui, imaginez-vous que cette dame qui est venue, dans son institution de travail, le lieu où vivent ses enfants, partout où elle passe pour faire du shopping, le contact de ses contacts, les contacts de leur contact, vous voyez ce que ça peut faire. Et de l’autre côté, ce que j’ai remarqué dans nos écoles publiques et privées, les marchés et auprès de certaines entreprises également, il n’y a pas de dispositifs. Quand vous prenez les taxis, les bus et les munis bus, comment on fait avec cette compression de personnes ? C’est inquiétant. J’ai salué au début la mesure du gouverneur. Mais vous savez, en Guinée, on met les charrues avant les bœufs. On s’en fout des dispositifs ou des dispositions. On s’en tient à des propagandes. Il faut que le discours soit lié aux actes. Et c’est ce qui a manqué. Le gouverneur a fait son discours dans la semaine, dans la même semaine, il y a eu des assemblées générales des partis politiques, des mariages, des baptêmes et des conseils des ministres. Toutes ces rencontres ont mobilisé plus de 100 personnes. Quel est le poids du discours du gouverneur de Conakry ? Est-ce que son discours a été suivi d’actes ? Donc, c’est pour vous dire une fois encore qu’il y a de la légèreté dans la gestion des affaires publiques du pays. On pense qu’à travers le discours, on peut résoudre le problème. Pour revenir aux manifestations du FNDC en cette période, aujourd4hui, le FNDC n’est plus dans l’idée d’organisation des marches. Puisque nos marches sont régulièrement interdites par les autorités, le FNDC est dans la dynamique des manifestations dites de résistance active et permanente. Et pour ça, nous disons que c’est des manifestations dans les quartiers, secteurs, communes et villes. Chacun agit là où il est et cela ne va pas à l’encontre des mesures sanitaires prises par les autorités. Nous allons lutter jusqu’à la victoire finale qui est le renoncement d‘Alpha Condé à son projet de nouvelle constitution.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo et Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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