Guinée ou le casse-tête de la CEDEAO

Alpha Condé

Dans une récente une interview qu’il a accordée à la presse, le chef de l’Etat guinéen a martela une nouvelle fois que la démocratie ne signifie pas seulement l’alternance. De ces propos à la fixation de la date du 22 mars pour le double scrutin, on se rend compte que l’homme est dans sa logique de se maintenir au pouvoir vaille que vaille. Ce qui met les organisations régionales et sous régionales, qui avait applaudit le report des élections du 1er mars, dans une position peu confortable.

Tout va se jouer cette semaine. Selon certaines informations, la CEDEAO compte envoyer une mission de médiation cette semaine en Guinée. Mais l’organisation sait que la tâche ne sera pas facile. Alors qu’elle peine déjà à faire accorder les violons aux protagonistes de la Guinée Bissau, cette organisation aura du mal à convaincre Alpha Condé de renoncer à son troisième mandat. Pour lui les adeptes de la limitation de mandats ne sont pas une référence.

S’il y a Mohamadou Issoufou et Alassane Ouattara qui ne sont pas tentés par le troisième mandat, il y a aussi Paul Biya, Denis Sassous N’Gessou ou encore Idriss Deby qui sont au pouvoir pour certains depuis trois décennies.
Mais celui qui dit négociation dit forcément compromis. Alpha Condé ne manquera d’évoquer le cas du Bénin.

Considéré comme le laboratoire de la démocratie en Afrique de l’Ouest après le Sénégal, ce pays a organisé des élections législatives sans la participation de l’opposition. Lui qui ne manque désormais aucune occasion pour dénoncer « la démocratie à géométrie variable » va rappeler à ses hôtes que s’il organise des élections sans l’opposition il ne sera pas le seul dans la sous-région.

Toutefois, devant les enjeux du troisième mandat, il pourrait accepter un compromis pour intégrer l’opposition dans le processus à condition qu’on le laisse organiser son référendum. Ce qui est inimaginable pour l’opposition et le FNDC. La CEDEAO pourrait-elle concilier l’inconciliable ? Ce n’est pas évident. Tant les positions sont diamétralement opposées.

D’un côté les durs du régime et les militants font pression sur le président afin qu’il organise le double scrutin sans tenir compte de l’avis de quelqu’un. De l’autre l’opposition pose trois conditions de taille : le départ de Salif Kebé à la tête de la CENI, la reprise du processus d’enrôlement des électeurs et l’abandon pur et simple du projet de nouvelle constitution.

La médiation, si elle ne pas récusée par le camp présidentiel, va tenter d’obtenir que chaque partie fasse des concessions à revoyant ses exigences à la baisse. La principale pomme de discorde étant le projet de nouvelle constitution, si Alpha Condé accepte de renoncer à ce projet, il est probable voire sûr que les deux camps parviennent à un accord. Car ce point est celui qui est non négociable pour l’opposition.

Mais en cas de refus du pouvoir de faire la moindre concession, la CEDEAO sera confrontée à un véritable casse-tête. Car la Guinée Conakry n’est pas la Guinée Bissau. Encore moins la Gambie. Contrairement à ce qui s’était passé en Gambie, où il y avait une unanimité contre Yahya Jammeh, en Guinée le président est soutenu par une partie de la population. Notamment dans son fiel en Haute Guinée.

En outre, la Guinée Conakry n’est pas n’importe qui pour envisager d’envoyer une armée étrangère pour chasser son président. Dans un pays où on use et abuse du nationalisme parfois à des fins inavouées, cela risque d’avoir un effet tout à fait contraire à celui qui est escompté. Sans compter qu’il faut que la crise s’empire pour envisager une telle hypothèse. Bref, cette semaine sera déterminante pour la suite des événements.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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