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Guinée : le pouvoir passe à la vitesse supérieure à ses risques et périls

Désormais, les choses se précisent. Le gouvernent guinéen est plus que jamais décidé d’organiser le double scrutin (législatif et référendaire) le dimanche prochain, 22 mars 2020. Advienne que pourra ! Coup sur coup, le ministre de l’Administration du territoire et le Haut commandant de la Gendarmerie nationale (qui est également le nouveau patron de l’Unité spéciale de sécurisation des élections) sont montés au créneau pour d’une part rassurer le camp favorable aux élections et d’autre part mettre en garde celui qui est y opposé.

Les opérateurs de la téléphonie mobile leur ont emboîté le pas en annonçant un black-out total les 21 et 22 mars, notamment pour la connexion Internet. Aussi, un nouveau congé est accordé aux élèves pour la période allant du 19 au 24 mars. C’est autant dire que pour le pouvoir, il est hors de question de reporter à nouveau les élections. Mais aussi d’intégrer les grands partis politiques de l’opposition. Finalement, l’aile dure du régime aura eu le dessus sur les modérés.

Or, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la victoire du RPG dans le bras de fer qui l’oppose actuellement aux autres grands partis politiques de la Guinée pourrait signer l’arrêt de mort de ce parti. Il y a, en effet, de victoires qui sont pires que la défaite. Membre fondateur des forces vives de Guinée, fer de lance de la contestation politique des années 2000, le RPG a accédé au pouvoir grâce entre autres à la lutte menée par tous les partis qu’il veut écarter aujourd’hui de la vie politique nationale.

La constitution de mai 2010 est l’œuvre de tous les acteurs sociaux et politiques de la Guinée. Avec des élections dont les concurrents sont rigoureusement sélectionnés et une nouvelle constitution, celui à qui la lutte contre les régimes militaires a profité le plus veut fouler au pied cette constitution et la remplacer par une autre loi taillée sur mesure. En outre, organiser des élections législatives sans la participation des partis politiques arrivés deuxième, troisième, quatrième et cinquième lors des dernières consultations électorales discréditerait totalement l’Assemblée nationale issue de ces élections.

Ce double scrutin est donc un pari trop risqué pour le RPG. Certains responsables de ce parti en sont conscients. D’où l’opposition interne à laquelle on assiste. Pour le moment, l’appel au respect de la constitution constitue des cas isolés. Comme celui d’Ismail Condé, conseiller communal de Matam, qui a pris son courage à deux mains pour dire tout haut ce que certains murmurent tout bas.

Car, en dépit d’un semblant de sérénité et d’entente, le parti au pouvoir est actuellement confronté à des divergences, voire des divisions, qui pourraient éclater au grand jour. Surtout en cas de graves atteintes aux droits de l’homme consécutives aux élections forcées. Ainsi, on pourrait assister, à partir du 23 mars 2020, à une situation similaire à celle de fin septembre et début octobre 2009, après les massacres au stade du 28 septembre. Certains responsables, craignant de se retrouver sur les bancs des accusés, pourraient tout simplement emboîter le pas à Abdoulaye Yéro Baldé.

Au sein du RPG, il y a ceux qui pensent que le président de la République doit choisir un dauphin parmi les cadres du parti et le soutenir jusqu’à la victoire finale. Il y a aussi ceux qui estiment que dans le contexte actuel, personne ne peut remplacer Alpha Condé. Et puis, il y a ceux qui observent, attendant la suite pour prendre position.

Mais, le choix de ce dauphin est l’autre casse-tête pour le parti. Un parti où il y a – ou il y avait- un leader charismatique et des militants, voire des fanatiques. Entre les deux, il n’existe pas de classe intermédiaire. Depuis 2010, le RPG a montré qu’il manque cruellement de cadres. Si bien qu’il a fait recours aux orphelins du PUP pour constituer sa classe dirigeante. Cela le rattrape aujourd’hui avec la dénonciation de ceux qu’on qualifie de militants de la 25ème heure voire tout simplement la 5ème colonne.

A propos, rappelons cette citation de George Clémenceau sur la transhumance politique : « Un traître est un homme politique qui quitte son parti pour s’inscrire à un autre. Par contre, un converti est un homme politique qui quitte son parti pour s’inscrire au vôtre ».

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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