Guinée : à travers leur synergie les radios privées ont participé à l’enterrement de la démocratie

Les conditions de préparation du double scrutin du 22 mars avaient dissuadé les partenaires de la Guinée à envoyer des observateurs pour ces élections. Ils n’ont pas voulu cautionner cette mise en scène qui s’est passée en Guinée hier, dimanche 22 mars 2020. Sans doute qu’ils se félicitent aujourd’hui d’avoir pris la bonne décision. A cause notamment du bilan particulièrement lourd de la répression : Près de 10 morts pour la seule journée électorale. Au regard de ce bilan macabre, ceux qui ont refusé d’envoyer leurs observateurs se frottent les mains. Ils n’auront été ni témoins encore moins complices de ces crimes odieux.

Par contre, ce qui a surpris et même choqué plus d’un Guinéen, c’est la participation de certains médias guinéens à l’enterrement de la démocratie acquise au prix du sang des centaines de Guinéens par l’organisation d’une synergie électorale. Certains journalistes se défendent, arguant que le journaliste n’est pas un acteur mais un observateur dont le rôle consiste à collecter, traiter et diffuser l’information. Soit !

Mais, si les journalistes ne sont pas des acteurs, pourquoi avaient-ils accepté de siéger au Conseil national de la transition, en 2010 ? Faut-il le rappeler, la constitution qui vient d’être foulée au pied est l’œuvre de toutes les composantes de la société guinéenne. Y compris les journalistes qui étaient représentés pour ne pas justement que quelqu’un nous dise plus tard qu’il a été exclu dans la rédaction, l’adoption et la promulgation de cette constitution.

En organisant une synergie des radios privées, ces dernières ont fait exactement ce que nombre d’entre elles reprochaient à certains candidats aux élections législatives. Lesquels étaient accusés d’accompagner un coup d’Etat constitutionnel. Ces journalistes estimaient qu’à partir du moment où le pouvoir a décidé de coupler les deux scrutins, ceux qui participaient aux élections étaient de facto complices du référendum.

L’autre incohérence de certains participants à cette synergie, c’est d’avoir organisé un véritable procès d’intention contre le conseil national des organisations de la société civile lorsque celui-ci avait décidé de déployer des observateurs électoraux sur le terrain. Le CNOSC a été pulvérisé de critiques. L’indignation fut telle qu’il n’avait pas le choix que de tenir compte de l’avis de l’opinion publique et de renoncer à l’envoi de ses observateurs.

Quelle différence y a-t-il entre une équipe d’observateurs et une autre équipe de reporters ? On me dira que les médias doivent couvrir un évènement quel qu’il soit. C’est indéniable. Mais, c’est aussi vrai qu’entre un reporter solitaire, envoyé par sa rédaction, et un autre envoyé par une synergie, il y a une différence de taille. Le premier est un journaliste qui n’obéit qu’à sa conviction, voire sa rédaction. Tandis que le second est un partenaire, un accompagnateur qui obéit à la structure qui l’a envoyé.

Encore une fois, il fallait distinguer une couverture médiatique et une synergie des radios. Personne ne peut reprocher aux médias de faire leur travail. Mais, entre une couverture médiatique et une synergie radiophonique, il y a, répétons-le, une différence.

Devant certains enjeux, la neutralité est synonyme de complicité. Si le CNT avait pris les précautions pour impliquer toutes les composantes de la société guinéenne à l’élaboration de la future ancienne constitution, c’était pour éviter ce qui s’est passé ce dimanche. Malheureusement, certains Guinéens trouvent encore que la constitution est une affaire des politiques. Que d’autres, comme les journalistes, n’ont pas à fourrer leur nez dans cette affaire.

En ce qui me concerne, si le journalisme signifie traiter équitablement le bien et le mal, la vérité et le mensonge, si ce métier consiste à trouver un refuge sûr pour le voleur et accompagner sa victime à sa recherche, alors, je préfère abandonner ce métier auquel j’ai cru depuis mon adolescence.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 664 27 27 47

Facebook Comments Box