Elections contestées en Guinée : 30 « manifestants » jugés et libérés

« Si la loi était respectée, on n’aurait pas assisté à une mascarade électorale. Depuis 2010, au moins 150 jeunes ont été tués par les forces de l’ordre en République de Guinée. Et, jusqu’à maintenant, aucune enquête n’a été ouverte, à plus forte raison organiser un procès… », s’est notamment plaint maître Thierno Souleymane Baldé, avocat des jeunes arrêtés sur l’axe Le Prince.

Poursuivis pour « participation à un attroupement illégale », trente (30) jeunes (interpellés à Conakry les jours précédents le très controversé double scrutin du 22 mars dernier en Guinée) ont comparu ce mardi, 31 mars 2020, devant le tribunal correctionnel de Dixinn. Et, c’est sans peine que le tribunal a renvoyé ces prévenus des fins de la poursuite pour délit non constitué. Le juge Aboubacar Mafering Camara a estimé que l’infraction pour laquelle ces jeunes sont devant lui n’est pas établie, rapporte un journaliste de Guineemtin.com qui a suivi cette audience.

Ces 30 jeunes ont été arrêtés dans des quartiers différents ; mais, tous sont situés le long de la route le « Prince » (foyer de contestation de la gouvernance du président Alpha Condé). C’était en moins de 48 heures du double scrutin du dimanche 22 mars dernier en Guinée. Un scrutin qui a été émaillé de violence ayant entraîné des morts à Conakry et dans certaines localités de l’intérieur du pays.

Ces jeunes, qui n’ont jamais cessé de clamer leur innocence, ont pourtant été placés sous mandat de dépôt pour « participation à un attroupement illégal ». Et, c’est pour cette infraction que ces jeunes mécaniciens, chauffeurs, fondeurs, menuisiers, boulangers, marchands, taxi-motards… ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Dixinn pour être jugés. Leur audience s’est tenue ce mardi, devant cette juridiction de première instance.

Appelés à tour de rôle à la barre, tous les prévenus ont réfuté les faits qui leur sont reprochés. « Il n’y avait pas de manifestation sur les lieux. Il n’y avait pas d’attroupement. Ils sont venus aux environs de zéro heure pour me mettre aux arrêts. J’étais seul. Je ne connais rien dans cette affaire », s’est par exemple expliqué Mamadou Lamarana Bah, vendeur du thé.

De son côté, Moussa Camara était en train d’aider son frère à vendre du poulet lorsque les agents sont venus dans un pick-up pour le mettre aux arrêts. « D’habitude, on passe toute la nuit à vendre du poulet. Ce jour, je suis venu aider mon frère à vendre du poulet. Deux pick-up de gendarmes sont venus me prendre. Mais, il n’y avait aucun attroupement ce jour. Ils sont venus me mettre aux arrêts seul », s’est-il plaint.

Quant à Aly Manet, chauffeur de profession, il dit toujours ignorer les raisons de son arrestation. « J’ai garé le véhicule et j’ai traversé la chaussée pour chercher l’Atiéké. C’est là qu’ils (les agents) sont venus m’arrêter », a-t-il expliqué au tribunal.

Sur la même lancée, Alpha Mamadou Diallo, chauffeur de Magbana (minibus), dit avoir été arrêté à la Cimenterie, alors qu’il n’y avait pas de manifestation. « Lorsqu’on a fini de travailler, je suis allé chercher à manger. Dès que j’ai traversé la route, les agents sont venus m’arrêter. Pourtant, il n’y avait aucun mouvement, aucun attroupement, dans le quartier », a-t-il indiqué.

A l’image de ces prévenus, tous les autres jeunes présentés au tribunal dans cette affaire ont botté en touche les charges articulées contre eux. Et, dans ses réquisitions, le ministère public a déclaré que « sept des prévenus se sont retrouvés au mauvais moment au mauvais endroit ».

« Il s’agit pour lui de : Elhadj Oumar Diallo, Moussa Diallo, Mamadou Aliou Balde et Aboubacar Camara, entre autres. Ceux-ci se sont retrouvés au mauvais endroit et au mauvais moment. Donc, nous demandons au tribunal de les renvoyer des fins de la poursuite pour délit non établi à leur rencontre », a dit le procureur audiencier, Daouda Diomandé.

Par contre, le ministère public a requis une peine de six (6) mois de prison assortie de sursis contre le reste des prévenus. « Ce vendredi 20 mars, il y avait eu des tirs au Camp Alpha Yaya. Il y a eu un mouvement de panique. Les forces de l’ordre sont sorties pour faire une patrouille afin de maintenir l’ordre. Et, ces jeunes sont sortis pour les empêcher en leur jetant des cailloux », a argumenté le procureur Daouda Diomandé.

Prenant la parole, l’avocat de la défense, Me Thierno Souleymane Balde, a demandé la relaxe pure et simple de l’ensemble des prévenus dans cette affaire.

« Si la loi était respectée, on n’aurait pas assisté à une mascarade électorale. Depuis 2010, au moins 150 jeunes ont été tués par les forces de l’ordre en République de Guinée. Et, jusqu’à maintenant, aucune enquête n’a été ouverte, à plus forte raison organiser un procès. Le vendredi 20 mars 2020, il n’y avait aucune manifestation. Et, vous venez d’écouter les prévenus un à un. Aucun d’entre eux n’a été arrêté en groupe. Donc, je vous demande de les relaxer purement et simplement pour délit non établi », a plaidé maître Thierno Souleymane Balde.

Dans son délibéré, le tribunal a déclaré les trente (30) prévenus non coupables des faits à eux reprochés. « Le tribunal renvoie les prévenus des fins de la poursuite pour délit non établi », a annoncé le juge Aboubacar Mafering Camara. Soulagement dans la salle !

Saïdou Hady Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 620 589 527

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