Violences de N’zérékoré, FNDC, coordinations régionales… Bogola HABA à Guineematin

Keamou Bogola HABA, président d'honneur de l'UGDD
Keamou Bogola HABA, président d’honneur de l’UGDD

Les affrontements meurtriers survenus à N’zérékoré en marge du contesté double scrutin législatif et référendaire du 22 mars dernier suivis de nombreuses arrestations préoccupent les ressortissants de la Guinée forestière. De nombreux observateurs ont dénoncé le parti pris dans les enquêtes menées sur le terrain. C’est le cas de Kéamou Bogola Haba, président d’honneur du parti Union Guinéenne pour la Démocratie et le Développement (UGDD) et membre du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC).

Dans une interview accordée à un reporter de Guineematin.com dans la journée d’hier, vendredi 03 avril 2020, monsieur Haba a également évoqué d’autres sujets relatifs au combat du FNDC, aux coordinations régionales et à sa formation politique.

Décryptage !

Guineematin.com : des violences intercommunautaires meurtrières ont eu lieu à N’Zérékoré pendant et après le controversé vote du 22 mars dernier. En tant que ressortissant de cette région, comment avez-vous analysé ces violences qui ont également fait des dégâts matériels importants ?

Kéamou Bogola HABA : je voulais présenter mes condoléances aux familles endeuillées et également présenter mes compassions à tous ceux qui sont malades, qui sont à Soulé, à l’hôpital régional, mais aussi ceux qui sont dans l’anonymat. Les violences qui se sont passées le 22 et le 23 mars ne m’étonnent pas, parce que nous étions tous préparés à cela. Le problème de N’zérékoré, nous le connaissons tous, c’est un problème important. C’est une ville cosmopolite et nous l’avons prévu. C’est pourquoi dès le début, les membres du FNDC, les sages, les religieux et tous ceux qui comptent dans la ville, ont décidé de signer un pacte ; mais malheureusement, le gouverneur de la région et le gouvernement ont décidé d’annuler ce pacte. Ils disent non, le pacte ne peut pas être au dessus de l’autorité de l’Etat. Donc, c’est le fait de casser ce pacte-là qui est à l’origine de tout ce qui s’est passé à N’Zérékoré. Et donc pour moi, ça ne m’étonne pas, on savait déjà ce qui allait se passer. Dès les premières manifestations, vous avez vu ce qui s’est passé à N’Zérékoré, il y a eu un mort. Donc, le fait de casser ce pacte-là, on savait que la tension allait être forte parce que les populations autochtones étaient contre ce 3ème mandat.

Guineematin.com : est-ce que vous avez espoir que des enquêtes sérieuses seront menées du côté de N’Zérékoré afin d’arrêter les auteurs de ces violences et leurs commanditaires ?

Kéamou Bogola HABA : d’abord la première des choses, c’est d’arrêter ce qui se passe à N’Zérékoré. Et je crois que chaque leader pris individuellement au niveau national, au niveau international, a pris des dispositions pour que les violences s’arrêtent. Malheureusement, des actes sont en train d’être posés qui me font dire qu’il est très dangereux, si le gouvernement ne prend pas ses dispositions, nous risquons de vivre les mêmes situations. Au moment où je vous parle, des leaders du FNDC, en l’occurrence Georges Mokas, Cécé Loua, Cécé Théa, le vice-coordinateur du FNDC monsieur Diaouné, Louis Haba, Sékouba Lamah, sont tous convoqués, et d’autres comme Fassou Gomou sont en prison depuis le 22 mars dernier. C’est une situation qui démontre que s’ils continuent à intimider et à arrêter les leaders du FNDC, les leaders pour lesquels les populations de N’Zérékoré se reconnaissent, il y a vraiment un risque énorme pour que les violences reprennent. Donc, ce que nous demandons aux autorités, c’est d’arrêter les arrestations des leaders locaux du FNDC. Les populations se reconnaissent aux leaders du FNDC, s’ils continuent de les arrêter, cela va créer de nouveaux problèmes. Dans une situation où les populations ont été endeuillées, certains ont été enterrées dans les fosses communes, ils n’ont pas bénéficiés de deuils, c’est le moment de chercher plutôt à calmer la situation. Donc, à une période de Coronavirus, il est vraiment important de faire une trêve à ces arrestations-là. Ils doivent libérer ceux qui sont en prison et s’occuper des malades. L’attitude du gouverneur de région et de Thiégboro m’écœure. J’ai appris que ces deux personnes sont allées demander une procuration à monsieur le procureur afin de procéder à l’arrestation manu-militari les leaders du FNDC. Je pense que ce n’est pas la justice cela.

Guneematin.com : les quatre coordinations régionales, appuyées par la diaspora forestière, ont fait de leur mieux pour empêcher la tenue de ce double scrutin du 22 mars. Malgré tout, le Chef de l’Etat à organisé ces élections contestées par une frange importante de guinéens. Aujourd’hui, selon vous, quelle attitude les coordinations régionales et la diaspora forestière, dont vous êtes aussi membre, devront adopter dans les prochains jours ?

Keamou Bogola HABA, président d’honneur de l’UGDD

Kéamou Bogola HABA : vous savez dans une République, il y a les lois, il y a également les organisations qui maintiennent la paix dans la société. Et ici en Guinée, à l’absence des chefferies traditionnelles reconnues par la loi et par les institutions, nous avons les coordinations régionales qui jouent ce rôle. Mais malheureusement, le chef de l’Etat a aussi divisé ces coordinations. Les leaders religieux ont invité ces coordinations régionales à la mosquée, on était très fiers car on pensait que la solution allait être trouvée et qu’on allait éviter ces morts. Si le président de la République et ceux qui l’entourent avaient compris le message des religieux et des 4 coordinations régionales, ça serait important, on n’en serait pas arrivé là. Malheureusement, nous avons constaté que le président de la République a regroupé un certain nombre de coordinations qu’il a créé de toutes pièces : il a crée une coordination au Fouta pour lui-même, il a crée une coordination en Basse Guinée pour lui-même et qui est dirigée par Souna Yansané ; de l’autre côté dirigée par Samba Diallo contre la coordination des Foulbhé et Haali Poular et contre Elhadj Sékhouna Soumah que tout le monde reconnait comme Kountigui de la Basse Côte. Et donc, il les a regroupés pour faire des déclarations contre les autres. Donc, il a créé deux autres coordinations en Haute Guinée et en Guinée Forestière qui se sont ajoutées à celles du Fouta et de la Basse Côte. Nous disons attention, il faut la paix dans ce pays. On était ensemble avant Alpha Condé, on sera encore ensemble après Alpha Condé. Donc, ces quatre coordinations originelles travaillent pour la paix et nous avons encore de l’espoir.

Guneematin.com : le référendum constitutionnel, qui pourrait permettre à Alpha Condé de briguer un 3ème mandat, a été organisé et la Cour Constitutionnelle a validé ces élections. Quelle attitude le FNDC devra adopter maintenant ou-bien vous pensez que la bataille est terminée ?

Kéamou Bogola HABA : je profite de cette occasion pour féliciter tous les Guinéens qui ont crû au combat du FNDC. Nous sommes au mois d’avril, et nous célébrons l’an un du FNDC. Il y a maintenant un an que les Guinéens se sont mobilisés pour dire non au coup d’Etat constitutionnel. Imaginez que nous nous retrouvions en 1984 où nous avons qu’un seul parti unique. C’est pourquoi je vais parler de la Chine et la Russie qui ont tous un parti unique et qui ont appelé le gouvernement guinéen pour le féliciter pour ce qu’il vient de faire. Et donc, nous avons complètement perdu ce qu’on avait comme acquis démocratique et nous pensons que la lutte n’est pas perdue parce que le peuple de Guinée est resté debout pour empêcher ces élections et que nous restons un peuple démocratique. Nous voulons un pays où l’alternance est possible, où chacun peut devenir député ou chacun peut être président. C’est seulement avec ça qu’on peut avoir la paix. Nous n’avons pas perdu espoir. Nous savons qu’ils ont fait un coup d’Etat, ils ont fait un forcing, il n’y a pas eu 15% de participation à ces élections. Soit ce qui s’est passé à la CENI n’a étonné personne, puisqu’elle est inféodée au pouvoir, donc ce qui s’est passé à la cour constitutionnelle ne va étonner personne aussi puisqu’ils ont tout fait pour éliminer le frère Kéléfa Sall pour aboutir à ce qu’on voit actuellement. Donc, la lutte du FNDC continuera. Nous ne reconnaîtrons pas la constitution qui va découler de ce scrutin.

Guineealmtin.com : vous êtes le président d’honneur de l’UGDD. Quel avenir pour ce parti dans le paysage politique en Guinée ?

Kéamou Bogola HABA : notre travail de fond est en train d’être fait par ce grand parti que vous connaissez et qui a décidé de rejoindre le FNDC et nous allons continuer ce combat. Ce que je peux dire à l’ensemble des militants et au peuple de Guinée, c’est que nous sommes dans une logique où les petits partis n’auront plus de place. Il faut de l’union. Et donc, nous sommes en train de travailler dans le cadre d’une coalition forte pour que les Guinéens puissent se retrouver parce que 200 partis dans un pays, ce n’est pas quelque chose de sérieux. Et donc, tous les partis qui sont au sein du FNDC, je crois qu’il est important de faire une coalition pour que nous puissions nous retrouver en Guinée avec au maximum deux ou trois partis. Et nous y travaillons.

Entretien réalisé par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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