Conflit domanial à Kindia : bagarre à Damakania, des gendarmes accusés d’exactions

Depuis un moment, un conflit domanial oppose les citoyens du secteur Kambalia à ceux du secteur Wondélaya, dans la sous-préfecture de Damakania, sur la paternité d’un domaine de plus de 554 hectares. Dans la journée d’hier, dimanche 12 avril 2020, la tension était vive sur place au point que des agents des forces de l’ordre y ont été déployés. Suite à leur intervention, deux cas de morts auraient été enregistrés à Kambalia, tout comme des arrestations et de nombreux dégâts matériels, rapporte un des correspondants de Guineematin.com basé dans la préfecture.

C’est une vieille affaire domaniale, datant d’au moins 20 ans, dans la sous-préfecture de Damakania, qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive à Kindia. Suite à des affrontements survenus sur les lieux hier dimanche, 12 avril 2020, les autorités ont fait recours aux services de sécurité pour ramener le calme. Comme c’est toujours le cas, les agents n’y sont pas allés d’une main morte. Ils sont accusés d’exactions à Kambalia.

Sur l’origine du problème, chaque camp dit avoir raison et accuse l’autre.

Ansoumane Camara, chef secteur Wondélaya

Selon Ansoumane Camara, chef secteur Wondélaya, ce sont des jeunes de Kambalia qui sont venu s’attaquer à sa famille en emportant ses biens. « Les jeunes de Kambalia son venus nous agresser. Sinon, la justice m’avait une fois donné raisons àpropos des hectares que nous occupons. Elle a même mis les bornes à travers les huissiers de justice. Mais hier (samedi, 11 avril 2020) les gens-là ont violé cette décision en venant arracher toutes les bornes. Aujourd’hui encore (dimanche, 12 avril), ils sont venus s’attaquer à nous en prenant tout ce qui est dans notre concession, notamment de l’argent, des valises, des motos (dont 3 TVS, une KTM et une moto de marque Discover). En plus de ça, ils ont blessé plusieurs personnes ».

Par ailleurs, Ansoumane Camara ajoute que les forces de l’ordre ont été appelées pour rétablir l’ordre à Wondélaya. « Entretemps, les forces de l’ordre sont venues. Les gens de Kambalia les ont lapidés. Les agents ont toutefois pu maitriser la situation en arrêtant une dizaine de personnes, des femmes et des jeunes, pour les conduire à la gendarmerie de Kindia ».

Plus loin, le chef du secteur de Wondélaya a laissé entendre que ce problème ne devrait pas opposer les deux secteurs puisque le problème est ailleurs. « A vrai dire, ce conflit qui ne date pas d’aujourd’hui. Il oppose Mamadou Saliou Barry et le président du district de Komoyah, pas entre Kambalia et Wondélaya. Mais, les gens de Kambalia sont soutenus Mamadou Saliou Barry pour qu’en cas de victoire, que ce dernier puisse partager le domaine avec eux. Or, Mamadou Saliou Barry ne lutte que pour 3 hectares du côté de Gningnima, dans Wondélaya. Maintenant, les gens de Kambalia disent que ce n’est pas ça, que c’est pour tout le domaine. Sur mon papier, il n’y a le nom d’aucun membre de Kambalia. Ils veulent seulement me mettre en mal avec mes cohabitants. Comme ils n’ont eu cette occasion, c’est eux même qui m’agressent maintenant », accuse Ansoumane Camara.

Le chef de district de Comoyah, Soriba Keita, au centre de ce conflit, soutient avoir eu raison au tribunal dans cette affaire. « L’origine, c’est le problème de terrain entre nous et les gens de Gningnima, dont le jugement a été rendu en faveur de mes frères. On a fait la remise de leur domaine devant les autorités sous préfectorales, la gendarmerie et plusieurs sages sous l’ordre du procureur de la République près le tribunal de première instance de Kindia. Donc hier, on procédait à l’exécution des travaux, les gens de Kambalia sont venus nous jeter des pierres. Ils ont cassé les portes, ils sont rentrés dans les maisons pour prendre des objets et de l’argent ».

Le doyen Fodé Issiagha Soumah

Tous ces propos sont balayés d’un revers de main par les citoyens de Kambalia, accusés d’avoir été les premiers à attaquer avant de subir l’assaut des forces de l’ordre. Regroupés sous un fromager, l’un des doyens de Kambalia, Fodé Issiagha Soumah, réclame aussi la propriété de ce domaine conflictuel. Selon ce sage, son secteur a eu raison au moins cinq fois sur ce dossier à la justice. « C’est un conflit domanial qui est entre Comoyah et nous. Ils veulent prendre toutes nos terres pour eux. Nous avions tenu des assises, des jugements, pendant 21 ans et la justice a tranché à notre faveur cinq fois. Le TPI de Kindia a rendu le verdict en notre faveur trois fois, la Cour d’Appel par 2 fois, et elle nous a donné le feu vert de faire le lotissement. Nous étions sur ça. Un papier nous est parvenu en provenance de la Cour d’Appel, nous disant d’arrêter le travail. Après cet arrêt, la brigade de recherche nous a dit de libérer le terrain, que c’est à eux désormais de garder le domaine ».

Cependant, les choses ne se seraient pas passées comme prévues, a laissé entendre Fodé Issiagha Soumah. « Dès que nous avons quitté, ils ont commencé à revendre le terrain. Je suis parti me présenter à la gendarmerie et ils ont réclamé les frais du transport judiciaire, soit la somme de 500 000 GNF. Nous avons payé cela à maintes reprises. Nous étions sur ça. Le mercredi, j’ai vu le sous-préfet de Damakania, le chef du district de Comoyah, Soriba Keita, et le procureur en train de mettre les bornes. Mais, comme il y avait là-bas plus de 50 personnes, je ne suis pas parti là-bas parce que le regroupement est interdit en cette période de pandémie. Hier (samedi, 11 avril) ils sont revenus là-bas. C’est ainsi j’ai dit aux enfants d’aller leur dire de ne pas mettre les bornes là-bas. Dès qu’ils ont vu les enfants, ils ont pris la fuite en laissant là-bas leurs motos et nous avons envoyé les motos ici. La soirée, notre huissier de justice nous a autorisé d’envoyer les motos à l’habitat et on lui a obéit. »

Le lendemain, les agents ont débarqué à Kambalia pour s’en prendre aux citoyens, affirme le vieil homme. « Ce dimanche matin, les gendarmes sont venus ici à Kambalia, ils se sont mis à frapper les gens, à casser les maisons. Ils se sont servis de gaz lacrymogènes en blessant plusieurs citoyens ici. Au moment où je vous parle, ils ont arrêtés 13 personnes de Kambalia, des innocents qui n’ont rien fait. Nous, on ne sait pas pour quel motif nos fils et nos femmes sont mis aux arrêts. En ce qui concerne ce domaine conflictuel, on se demande où nous en sommes avec le verdict rendu par la cour d’appel », a laissé entendre Fodé Issiagha Soumah.

Mohamed M’bemba Condé pour Guineematin.com

Tél. : 628 51 88 88

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