Covid-19 et stress : les conseils du Pr Morifodé Doukouré, psychiatre, psycho-traumatologue

Pr. Morifodé Doukouré, psychiatre, psycho-traumatologue et chef de service de la psychiatrie de l’hôpital Donka
Pr. Morifodé Doukouré, psychiatre, psycho-traumatologue et chef de service de la psychiatrie de l’hôpital Donka

L’apparition du coronavirus a provoqué un ralentissement des activés et un bouleversement des habitudes des citoyens. Déjà suffisamment éprouvés par une conjoncture sociopolitique explosive, les guinéens accusent le coup devant cette crise sanitaire inédite. Les cas de stress liés aux conditions d’existence sont lésion. Le Covid-19 vient s’ajouter à cette situation inconfortable, entraînant pas mal de risques.

Pour parler du stress, de ses causes, de ses conséquences et de la conduite à tenir pour tenir le coup, Guineematin.com a donné la parole à Professeur Morifodé Doukouré, psychiatre, psycho-traumatologue et chef de service de la Psychiatrie de l’hôpital Donka.

Guineematin.com : dites-nous c’est quoi le stress et quels types de stress il peut y avoir ?

Professeur Morifodé Doukouré : le stress, c’est la réaction de l’organisme aux différents stimuli, c’est-à-dire aux différentes stimulations. C’est ça le stress. Le stress, c’est quelque chose de quotidien. Le stress en tant que tel n’est pas un problème de santé en soi. Le stress peut être positif tout comme il peut-être négatif. Et lorsque c’est négatif, ça peut avoir des conséquences négatives sur la santé physique et mentale de la personne.

Guineematin.com : parlez-nous des conséquences que le stress en général peut avoir sur la santé ?

Professeur Morifodé Doukouré : le stress positif, même lorsque nous parlons ensemble, le fait de me poser des questions est un facteur de stress. Le stress peut être physique, ça peut être chimique, ça peut être physiologique, ça peut être également psychologique. Lorsque vous me demandez des performances, vous mettez la pression sur moi. Donc, ça peut m’obliger à réagir. Lorsqu’il y a le soleil, il fait chaud, l’organisme réagit ; lorsqu’il y a le froid, l’organisme réagit ; lorsqu’il y a des violences, l’organisme réagit ; lorsqu’il y a des conflits, l’organisme réagit. Tous ceux-ci sont des facteurs de stress. Mais il y a des stress qui stimulent. Lorsqu’on dit qu’il y a une évaluation, l’organisme stimule, vous allez vous mettre à travailler beaucoup, la capacité même de la mémoire augmente et le temps de sommeil est réduit. Maintenant, pour que le stress devient anormal ou pathologique, c’est lorsque le stress dure trop et devient trop violent. En ce moment, le mécanisme de défense et d’adaptation de l’homme peut être débordé et épuisé ; en ce moment, il peut y avoir des conséquences. Parmi ces conséquences vous avez des troubles anxieux ; et l’anxiété, c’est le sentiment d’attendre un danger mais imprécis. Lorsque ça arrive, ça peut être source de problème de santé et il peut y avoir dépression. Le stress peut aboutir à un problème de santé et il peut y avoir l’exacerbation de certaines maladies somatiques. Lorsque la personne est dans une situation de stress pathologique, la maladie peut se compliquer.

Guineematin.com : quelles pourraient être les conséquences du stress chez une personne déjà malade, une personne qui est atteinte par exemple du Coronavirus ?

Professeur Morifodé Doukouré : le stress chronique peut entraîner une diminution de l’immunité de l’organisme. Donc, entre le mental, le psychique et le somatique, on ne peut pas les séparer. Ils vont ensemble. Un problème sur le plan mental peut avoir des répercussions sur le plan somatique, un problème sur le plan somatique peut avoir des effets sur le plan mental. Vous savez, lorsqu’il y a des grands problèmes comme le Covid-19 qui entraîne un problème vital, qui touche tout le monde, tout le monde a peur, on n’est pas dans le cadre du stress, mais on est dans un problème psycho-trauma. Je le dis parce qu’on parle de problème traumatique, des problèmes qui peuvent avoir des conséquences sur la vie de l’individu, soit entraîner la mort, soit entraîner des risques pour l’intégrité physique, psychologique ou sociale. Dès qu’il y a ces facteurs-là, on parle de facteurs traumatologiques. Le stress fait la pression, mais le trauma entraîne une blessure.

Guineematin.com : que dire du cas spécifique du Covid-19 surtout que les malades savent qu’il n’y a pas de vaccins contre la maladie ?

Professeur Morifodé Doukouré : tous ceux qui ont été affectés par le Covid-19, c’est comme des gens qui ont frôlé la mort. C’est dans l’imaginaire collectif, c’est que lorsqu’on est atteint d’une maladie qui n’a pas de traitement spécifique, et qu’on en ressort vivant, on pense qu’on est passé à côté de la mort. Et lorsqu’on a été en contact avec une personne testée positive de la maladie, on se dit oui, c’est fini pour moi, on se dit qu’on est dans le viseur de la mort. Donc, c’est un facteur traumatisant. La réaction va dépendre de la constitution et des moyens de défense de la personne atteinte de la maladie. C’est ce qui fait que lorsqu’il y a des problèmes de cette nature ou d’une catastrophe liée à l’homme, il faut une cellule d’urgence psychologique. Cet aspect est extrêmement important même pour les décideurs. Parce que devant une telle situation, on peut prendre de mauvaises décisions et qui peuvent avoir des répercussions catastrophiques. Même des propos qui doivent être utilisés doivent être des propos qui n’angoissent pas. Il n’est pas dit qu’une maladie qui n’a pas de traitement peut tuer une personne. Il y a des traitements symptomatiques et l’organisme a la possibilité de se défendre. C’est pourquoi, même les décideurs ont besoin de personnes au tour d’eux qui les conseille, qui les guide dans la prise de décisions, des propos utilisés dans la prévention.

Guineematin.com : l’autre problème, c’est que les personnes stressées peuvent parfois se livrer à la prise de stupéfiants. Quels risques ils encourent et quels conseils pouvez-vous leur donner ?

Professeur Morifodé Doukouré : normalement, lorsqu’on est devant une telle situation, il faut garder son sang froid. J’ai l’habitude dire ça aux gens. Ce n’est pas la maladie qui tue, c’est la fin de vie qui tue. Mais si vous vous angoissez, si vous ne gardez pas votre calme, vous ne pouvez pas prendre la bonne décision. C’est d’abord écouter les professionnels de santé. Aujourd’hui, il y a suffisamment de messages dans le cadre de la prévention, il y a également suffisamment de messages dans le cadre de la prise en charge. Lorsque quelqu’un a ce problème, c’est de se référer au centre de traitement où se trouvent les personnels de santé qui ont suffisamment de connaissances afin qu’ils le prennent en charge. Ça, c’est extrêmement important. Parce qu’il y a deux possibilités lorsque vous venez voir les personnels de santé : d’abord quand vous venez, vous avez la bonne information sur votre maladie parce qu’ils ne vous donneront que l’information raffinée. Donc lorsqu’on n’est malade, il ne faut pas trop s’angoisser, c’est de respecter les mesures d’hygiène, et lorsqu’il y a des doutes il faut s’orienter vers les structures spécialisées.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : 621 09 08 18

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