COVID-19/ fermeture de mosquées : une véritable descente aux enfers pour les mendiants de la grande mosquée de Kankan

Lanciné Condé

Comme annoncé précédemment, l’épidémie de COVID-19 qui sévit actuellement en Guinée bouleverse les habitudes de la vie en société. Elle exige des mesures contraignantes comme la distanciation sociale et la fermeture des lieux de culte (Mosquées et églises). Et, ces mesures sont déjà en vigueur dans le pays. Seulement, dans la ville de Kankan, la fermeture des mosquées est décriée par les mendiants. Ces hommes et femmes démunies qui font la manche pour se nourrir traversent actuellement une période de vache maigre. Et, ceux de la grande mosquée de Kankan râlent devant cette situation difficile qui amoindrit leur chance d’avoir une miche de pain pour maintenir son estomac, rapporte le correspondant de Guineematin.com dans la capitale de la Haute Guinée.

Aussi longtemps qu’il y aura de cadenas à la porte des mosquées, aucun fidèle musulman ne s’y rendra pour prier. Et, l’absence des fidèles à la mosquée est pour les mendiants ce que le manque de clients représente pour un commerçant. Ce sont des affaires qui ne marchent pas et des économies qui s’effondrent. Et, c’est ce que vivent actuellement les mendiants qui tapissent aux abords de la grande mosquée de Kankan.

Depuis la fermeture de ce lieu de culte, « pour lutter contre la propagation du coronavirus », les mendiants qui y vivent font face à une véritable descente aux enfers. Leurs revenus journaliers ont baissé ; et, par conséquent, ils ne gagnent plus assez d’argent pour manger. Et, cela dure au moins depuis quatre vendredis maintenant.

Lanciné Condé

« Depuis la fermeture de la mosquée, on ne gagne plus d’argent comme avant. Actuellement, il faut qu’on aille marcher à travers la ville pour gagner un peu. Tout le monde est préoccupé par cette maladie ; et, nous, nous ne gagnons rien à manger. Tout ce qu’on cherche, c’est quoi manger. De nos jours, celui qui a 15 000 francs guinéens par jour peut se contenter de ça ! Moi, je pouvais gagner entre 40 000 et 50 000 francs guinéens. Je demande aux autorités et aux personnes de bonne volonté de nous venir en aide, nous souffrons ici pour trouver de quoi manger », a indiqué Lancinè Condé, mendiant.

Adama Kourouma

Habituellement, ces mendiants gagnent plus d’argent les vendredis, à l’occasion de la grande prière. Avant, Adama Kourouma, un mendiant originaire de Tokounou (une sous-préfecture située à près de 100 kilomètre de la ville de Kankan), y gagnait plus de 50 000 francs guinéens. Mais, par exemple le vendredi dernier, 17 avril 2020, il n’a gagné que 10 000 francs. Il n’est pas du tout satisfait ; et, il ne le cache pas. « Depuis qu’ils ont fermé la mosquée, rares sont les personnes qui viennent nous donner de l’argent. Donc, on est obligé d’aller marcher sous le soleil. Autrefois, je pouvais gagner ici plus de 50 000 francs, chaque vendredi. Mais, pour ce vendredi, je n’ai gagné que 10 000 francs. C’est une situation difficile pour nous », a-t-il laissé entendre.

Karamo Keïta

Pour Karamo Keïta, l’apparition du coronavirus est une colère de Dieu. Mais, ce mendiant ne manque pas d’occasion pour se plaindre d’avoir constamment les mains vides. « Nous disons Dieu merci ! C’est Lui (Dieu) qui nous a infligés cette maladie. Ceci dit, nous (les mendiants) vivons ici dans l’angoisse et la peur, actuellement. Depuis des années, cette mosquée est toujours ouverte, c’est ici que les gens viennent nous offrir de l’argent. Maintenant que les gens ne viennent plus prier ici, comment nous allons faire pour avoir de l’argent ? Nous prions Dieu de nous débarrasser de cette maladie parce qu’actuellement, la façon dont nous sortons de la maison (les mains vides), c’est de la même façon qu’on rentre. Nous n’avons nulle part où aller », s’est lamenté Karamo Keïta.

A noter qu’aucune mesure d’accompagnement de ces personnes qui vivent de la bienfaisance des autres n’a encore été annoncée par les autorités de Kankan. Et, pourtant, rien ne présage encore une ouverture des mosquées à Kankan, d’autant plus que le nombre de personnes infectées du coronavirus ne fait que grimper en Guinée.

De Kankan, Abdoulaye N’koya SYLLA pour Guineematin.com

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