Depuis qu’il a exprimé son opposition à un 3ème mandat pour Alpha Condé, le 1er vice-maire de Matam, issu des rangs du RPG Arc-en-ciel, est passé pour un paria. A la mairie de Matam, des membres du parti au pouvoir ont barricadé le bureau d’Ismaël Condé et s’en sont pris à lui dans la journée d’avant-hier, mardi 28 avril 2020, décidés à en découdre avec leur « meilleur ennemi ».
Dans un entretien accordé à un reporter de Guineemaatin.com, Ismaël Condé a dénoncé ces agissements et annonce d’ailleurs une plainte à l’encontre des responsables locaux du RPG/AEC. Militant de première heure du RPG arc-en-ciel, le vice-maire de Matam ne veut pas entendre parler d’un 3ème mandat pour Alpha Condé.
Guineematin.com : on a appris que votre bureau a été cadenassé par des jeunes proches du RPG arc-en-ciel, un parti politique auquel vous êtes membre. Dites-nous en un peu plus.
Ismaël Condé : j’ai été informé la nuit d’avant-hier par un de mes éléments qui a infiltré le groupe de vagabonds qui m’ont attaqué hier et aujourd’hui. Ils ont tenu une réunion préparatoire pour venir m’attaquer hier. La personne qui m’a informé m’a dit de prendre des dispositions par rapport à ma présence au bureau hier. Ce qui fut fait. Je suis resté à la maison jusqu’à 14 heures. A 13 heures, mon assistant m’a dit qu’il y a des bandits qui sont venus s’attaquer à moi, malheureusement comme ils ne m’ont pas trouvé au bureau, ils ont cadenassé la porte de mon bureau. Du coup, j’ai appelé mon maire, Seydouba Sacko, pour lui demander s’il était au courant qu’il y a des éléments proches du secrétaire du RPG de Hermakono, Djoumé Sangaré et de monsieur Oumar Roland Camara de la section RPG de Mafanco et d’Ibrahima Keïta de la section Hermakono, qui ont recruté des badauds pour venir s’attaquer à moi à la commune. Le maire a dit effectivement qu’il a été mis au courant et qu’il est en train de prendre des dispositions pour ne pas qu’un tel acte se reproduise.
Guineematin.com : est-ce que vous avez saisi les autorités compétentes suite à ces événements ?
Ismaël Condé : sur le chemin de la commune, j’ai appelé le commissaire du commissariat central de Matam pour lui dire que j’ai été attaqué à mon lieu de travail et que les personnes qui ont attaqué mon bureau ne sont pas loin, ils sont dans les parages et ils attendent que je sois là pour s’attaquer à moi physiquement. Le commissaire m’a dit qu’il va envoyer des agents pour faire l’état des lieux. J’ai aussi appelé le procureur près le tribunal de première instance de Mafanco pour alerter sur ce qui est en train de m’arriver à mon lieu de travail. Je suis venu à la commune, j’ai trouvé des jeunes favorables à moi à la commune qui étaient surexcités, qui étaient prêts à en découdre avec les personnes qui étaient venues m’agresser. Je leur ai dit qu’on ne répond pas une bêtise par une bêtise, qu’on ne répond pas à la violence par la violence. J’ai ensuite appelé mon avocat, je lui ai dit de me faire parvenir un huissier de justice pour venir constater les dommages qui m’ont été causé. Comme il était 17 heures, il m’a dit d’attendre aujourd’hui mercredi. Ce matin, à 9 heures, je suis venu avec l’huissier pour constater les dégâts causés à mon bureau et on a fait appel à un menuisier pour voir si les dégâts étaient seulement extérieurs ou intérieur. Donc la porte du bureau fut ouverte et on a constaté que rien de grave n’avait eu lieu à l’intérieur du bureau. C’est seulement la porte qui avait été barricadée.
Guineematin.com : est-ce que le maire a pris des dispositions lui qui en est le premier responsable ?
Ismaël Condé : le maire avait convié une réunion des élus locaux ce matin afin de statuer sur la situation qui s’est passée hier. J’ai été appelé à 10 heures, que le quorum est atteint et que la réunion doit commencer. Je suis sorti du bureau et je me suis rencontré avec les mêmes badauds qui étaient venus m’attaquer hier avec un nombre plus élevé. Ils étaient une trentaine de personnes avec un élu local que j’ai pu identifier comme Oumar Camara dit Roland, monsieur Ibrahima Keïta et un cadre de l’administration guinéenne en la personne de monsieur Dioumé Sangaré, qui est le directeur général de l’Institut de Normalisation et de Métrologie, tous du RPG avec des badauds qu’ils ont recruté pour venir s’attaquer à ma personne. Heureusement que la gendarmerie avait mis à ma disposition un agent pour assurer ma sécurité aujourd’hui. N’eût été la présence de ce gendarme qui assurait ma sécurité et les travailleurs de la commune, je ne sais pas quelles seraient les conséquences de ce qui allait se passer aujourd’hui parce qu’ils sont venus avec des mots violents, des menaces de mort et d’autres menaces à mon encontre.
Guineematin.com : pourquoi ces jeunes du parti au pouvoir veulent à tout prix votre tête, étant donné que vous êtes aussi membre du RPG Arc-en-ciel ?
Ismaël Condé : il y a un moment, par rapport à la situation de notre pays, j’ai donné mon opinion. Mon opinion, c’était de dire que le RPG est un parti qui a combattu pendant 40 ans dans le cadre de l’émergence de la démocratie dans notre pays, un parti qui a lutté contre la confiscation du parti par un clan. Le RPG s’est battu contre le parti unique du PDG-DRA, le RPG s’est battu contre la confiscation du pouvoir et le manque de démocratie du pouvoir du Général Lansana Conté. J’ai dit qu’il est inacceptable pour nous jeunes membres du RPG, que le combat de notre président, le professeur Alpha Condé, soit souillé par certains opportunistes qui savent faire les dictateurs. J’ai donné mon opinion par rapport à cela. J’ai dit que je souhaite que le RPG travaille afin de trouver le successeur du professeur Alpha Condé au terme de son deuxième et dernier mandat. Rien que pour ces mots, je suis victime de toute sorte d’intimidation, de menaces de mort, d’injures. Je vais vous dire quelque chose, les personnes qui sont en train de faire ces actes, ne sont pas en train de le faire au nom du RPG, ni au nom de notre bureau politique national, ils ne sont pas en train de le faire au nom du président de la République. Parce que militant du RPG que je suis, depuis que j’ai commencé à donner mon opinion sur la situation politique, aucune lettre d’avertissement ne m’a été adressée par notre bureau politique national. Je n’ai reçu aucune lettre d’avertissement venant du responsable de ma section de Mafanco. S’il y a des choses que j’ai dites, qui soient contraires aux principes et à la déontologie de notre parti, moi je pense qu’il était du devoir de notre bureau politique national ou de la section de Mafanco dont je relève, de m’envoyer des lettres d’avertissement, de blâme ou de répréhension. Mais, rien de ceci n’a été effectué. Mais, des gens se lèvent aujourd’hui pour venir commettre des actes de barbarie au nom du RPG alors que le RPG est un parti qui a toujours défendu la liberté d’opinion lorsque nous étions dans l’opposition, je pense que ces actes sont à condamner avec la dernière énergie et qu’aujourd’hui menacé que je suis, je suis encore plus requinqué qu’avant pour défendre mon opinion, pour défendre la liberté et la démocratie au sein du RPG.
Guineematin.com : aujourd’hui quel est votre moral après avoir subi de tels agissements ?
Ismaël Condé : les personnes qui ont fait ça, ce sont des personnes qui étaient avec moi tous les jours dans ce bureau, ce sont des personnes avec lesquelles nous avons mené toutes les luttes lors de la campagne pour les élections législatives, ce sont des personnes qui m’ont fréquenté et que j’ai fréquenté. Que notre divergence politique aille jusqu’à une menace de mort, moi je pense que ce n’est plus dans l’état de la divergence politique. Et, c’est pourquoi d’ailleurs hier, j’ai pris contacte avec mon avocat, une plainte est en cours, qui va être bientôt déposée au niveau du procureur de la République près le tribunal de Mafanco pour que les enquêtes et investigations soient faites pour que ces personnes qui sont venues m’attaquer à mon lieu de travail et qui ont proféré des menaces de mort à mon encontre devant témoins soient jugés et condamnés. Je vais leur die ceci, toute lutte qui se fait dans le sens de l’amélioration des conditions de la démocratie de notre pays, cette lutte, c’est celle-là qui va nous guider. Le professeur Alpha Condé a lutté pendant 40 ans. Il a été condamné par contumace par le régime de feu Sékou Touré ; il a été condamné à deux ans de prison par le régime du Général Lansana Conté. Mais ces injures, ces menaces, ne lui ont pas dégourdis sur le chemin qu’il a emprunté, c’est-à-dire le chemin qui mène vers une liberté, une démocratie. Je suis encore plus requinqué, je suis encore plus dévoué pour défendre la liberté au RPG et pour défendre la démocratie en Guinée.
Guineematin.com : si ces menaces proférées à votre encontre continuent, allez-vous continuer à militer au sein du RPG surtout que la ligne de conduite du parti est galvaudée par son leader, le professeur Alpha Condé ?
Ismaël Condé : le président de la République est le président de toute la Guinée aujourd’hui. Le RPG est une formation politique qui a aidé le président à arriver au pouvoir. Le RPG est un parti politique où la liberté d’opinion est un principe incontournable dans la vie du parti. C’est pourquoi d’ailleurs, aucun membre du bureau politique ne m’a réprimandé encore par rapport à mes prises de position. C’est donc dire que ce que je suis en train de faire est en accord avec les principes et la charte de notre parti. Comme c’est la majorité qui gagne, et jusqu’à preuve de contraire, le RPG n’a pas organisé un congrès pour dire que voilà la ligne du parti. Et, tant que ce congrès n’est pas fait et que le candidat du RPG soit investi, je continuerai à donner mon opinion, tout en étant du RPG. Je souhaite que le parti travaille pour trouver un successeur au professeur Alpha Condé qui a déjà fait ses deux mandats conformément à notre constitution.
Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com
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