Ismaël Condé ou l’exception qui confirme la règle

Ismaël Condé, premier Vice-Maire de Matam et membre du Bureau Exécutif de l’UFDG
Ismaël Condé, Vice-Maire de Matam et membre du RPG

Comme il fallait s’y attendre, le RPG arc-en-ciel a décidé d’exclure de ses rangs le vice-maire de Matam, Ismaël Condé. Le pari était risqué pour ce jeune. Et pourtant il aura maintenu sa position jusqu’au bout. Soutenant contre vents et marrées qu’Alpha Condé devait passer la main en 2020. Exprimer une telle position à un moment où le parti au pouvoir et toute l’Administration battaient campagne pour le maintien de l’homme au pouvoir après son deuxième et dernier mandat, était une position courageuse, voire suicidaire. Mais le jeune Condé aura été fidèle à ses convictions à ses risques et périls.

Même si le désormais ancien du RPG dit que cette décision est nulle et de nul effet, le divorce est consommé. Ce cas aura été l’exception qui confirme la règle. Un cas d’école qui rend plus d’un guinéen pessimiste sur l’avenir de ce pays. En effet, s’il faut se féliciter qu’un cadre du parti au pouvoir soit capable de défendre ses convictions contre l’avis général jusqu’au bout, il est tout aussi surprenant qu’aucun autre responsable n’ait osé emboîter le pas à Ismaël Condé. Alors qu’en privé beaucoup d’entre eux soutiennent sa position.

C’est vrai que depuis le début de la volonté exprimée d’accorder un pouvoir à vie à Alpha Condé les ministres Cheick Sakho, Gassama Diaby et Abdoulaye Yéro Baldé ont démissionné. Mais, seul le dernier d’entre eux a jeté l’éponge au moment où la question sur le troisième mandat avait cristallisé le débat. En outre, aucun des trois démissionnaires n’a déclaré officiellement quitter le gouvernement à cause de la violation du contrat social et politique signé en 2010.

Au sein du RPG et du gouvernement, seul Ismaël Condé a eu la témérité de dire ouvertement son opposition à une présidence à vie pour l’actuel chef de l’Etat. Et pourtant, beaucoup de Guinéens avaient parié que le jour où il sera question de troisième mandat, il y aurait une cascade de démissions. Et à commencer par les « traîtres pour les uns et convertis pour les autres » que sont Tibou Kamara, Aboubacar Sylla, Mouctar Diallo et Cie. Mais, ces derniers ont préféré sacrifier les convictions qu’on leur prêtaient (visiblement à tort) pour afficher leur préférence aux avantages et privilèges d’être membre du gouvernement.

Il n’y a pas encore longtemps, certains cadres se proclamant de l’opposition disaient que ce sont de simples intentions qui étaient prêtées à Alpha Condé. Ajoutant qu’ils préféraient attendre que l’intéressé lui-même déclare être candidat à sa propre succession en 2020 pour prendre position. Avec le forcing organisé le 22 mars dernier, il y a désormais aucun doute quant à la candidature du chef de l’Etat à la prochaine présidentielle. Mais, ceux qui attendaient qu’il clarifie sa position et son intention pour réagir ne le font toujours pas.

Ismaël Condé aura été seul contre tous. Ce qui constitue un réel motif d’inquiétude pour la démocratie en Guinée. Parce qu’il n’y aura jamais de démocratie sans démocrates. Or, l’ensemble des forces politiques et sociales du pays avaient mis les gardes-fous en 2010 pour éviter la situation actuelle. Craignant que le successeur des militaires ne dise plus tard que la constitution avait été rédigée par un groupe de copains et de coquins, ils avaient fait appel à toutes les couches sociales pour conduire la transition.

Que seuls les opposants parmi les rédacteurs de la constitution de mai 2010 expriment leur opposition au changement de cette constitution écrite avec le sang des Guinéens, particulièrement les victimes du 28 septembre au stade du même nom, il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir de la Guinée. Mais les Guinéens n’ont pas dit leur dernier mot. Comme ils l’ont fait contre une candidature en 2010, il y aura d’autres Ismaël Condé qui vont s’opposer contre une autre dix ans plus tard.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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