Fermeture des écoles : Dr Soumahila Bayo relève plusieurs conséquences négatives

Dr Soumahila Bayo, enseignant à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia et directeur de la Chaire UNESCO Paix-Démocratie-Droits de l’Homme
Dr Soumahila Bayo, enseignant à l’Université de Sonfonia et directeur de la Chaire UNESCO Paix-Démocratie-Droits de l’Homme

Le sociologue Dr Soumahila Bayo, enseignant à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia et directeur de la Chaire UNESCO Paix-Démocratie-Droits de l’Homme s’inquiète de la fermeture prolongée des écoles en Guinée. Une décision en vigueur depuis plus de deux mois dans le pays et qui vise à limiter la propagation de la pandémie du coronavirus. Pour lui, celle-ci va entraîner plusieurs autres conséquences négatives sur l’éducation des enfants. Il l’a fait savoir au cours d’une interview qu’il a accordée à Guineematin.com, ce samedi 09 mai 2020.

« Plusieurs conséquences découlent de la fermeture des écoles. L’une des premières conséquences, c’est la déperdition scolaire. On verra que beaucoup d’enfants vont redoubler puisque la fermeture des classes aura un impact sur le niveau des élèves. Également, ça peut provoquer l’abandon scolaire. Parce que la fermeture prolongée de l’école peut amener certains enfants à ne plus avoir le courage de retourner à l’école une fois la pandémie terminée. Et lorsque vous sortez à Conakry, vous constatez que de plus en plus d’étudiants ou même d’élèves commencent à apprendre d’autres métiers : soit la mécanique, la menuiserie ou la maçonnerie.

Et ça, ça a des conséquences à long terme parce qu’une fois l’école rouverte, ces enfants ou ces étudiants n’auront plus le courage de revenir à l’école ou à l’université », a-t-il souligné avant d’ajouter que les jeunes filles pourraient être particulièrement impactées. « La fermeture des classes aggrave aussi la vulnérabilité des filles. Nous sommes sans un contexte socio-culturel où généralement les filles sont défavorisées. Et avec la fermeture de l’école, de plus en plus les filles vont s’atteler aux activités domestiques. Donc ça va impacter négativement sur l’éducation de la jeune fille, ça va accroître la disparité des gens dans le secteur éducatif en Guinée. »

Face justement à cette fermeture prolongée des écoles, le gouvernement guinéen a décidé d’organiser des cours à distance. Un programme qui consiste à dispenser les cours à travers la radio, la télévision et internet afin d’éviter une année blanche. Même s’il salue cette initiative, Dr Soumahila Bayo met en doute son efficacité. « Certes, c’est une belle initiative parce que la Guinée ne pouvait pas rester sans prendre des initiatives. Mais bien que salutaire, cette initiative a des failles. Par exemple, il n’y a pas d’électricité en Guinée, rares sont les ménages qui ont l’électricité 24/24h. Et lorsque le passage des cours à la télévision intervient à un moment où il n’y a pas d’électricité dans les ménages, il va s’en dire que l’enfant risque de rater ce programme.

Une autre faille, c’est que le taux d’accès à internet ne dépasse pas les 35%. Donc, il va s’en dire que beaucoup d’étudiants et élèves surtout ceux qui appartiennent à des milieux défavorisés, je veux parler des familles pauvres, ont du mal à accéder à internet. Ils ont du mal même à acheter l’outil informatique tel que l’ordinateur ou un smartphone, parce qu’il faut avoir un smartphone de qualité pour accéder à ces cours. Et en plus de ça, ces cours ne sont pas gratuits, ce qui veut dire qu’il faut avoir les moyens nécessaires pour accéder à ces cours », a-t-il relevé.

Pour que ce programme puisse être efficace, ce sociologue propose quelques pistes de solutions aux autorités. « Au ministère de l’éducation nationale de faire tout pour qu’il y ait un partenariat avec les sociétés de téléphonie pour que le téléchargement de ces cours soit gratuit. Je pense qu’avec ça, beaucoup d’enfants pourront suivre les cours. Mais mieux que ça, est-ce que l’accès à ces cours en ligne peut permettre d’organiser les examens de fin d’année ? Je pense qu’à ce niveau, il y a un bémol.

Donc la première chose pour moi, après un mois de cours en ligne, c’est d’évaluer d’abord le taux de pénétration de ces cours au niveau de ces élèves ; si le taux est significatif, il faut évaluer également le taux d’assimilation, parce que ces cours sont tout à fait différents de ceux qui sont dispensés en classe. Parce que beaucoup d’élèves auront du mal à poser des questions sur des parties non comprises notamment en Mathématiques », a fait remarquer Dr Soumahila Bayo.

Par ailleurs, cet enseignant-chercheur exhorte le gouvernement guinéen à venir en aide aux enseignants des écoles et universités privées, qui n’ont pas de salaires depuis la fermeture des classes

Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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