Remplacement de Me Salif Kébé à la CENI : Dansa Kourouma recadre le barreau de Guinée

Dr Dansa Kourouma, président du Conseil National des Organisations de la Société Civile Guinéenne

Dans l’une de nos précédentes publications, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Guinée confiait à Guineematin.com qu’il revient au barreau de désigner le remplaçant de Me Amadaou Salifou Kébé à la CENI. Me Djibril Kouyaté a fondé son argumentaire sur le fait que l’ancien président de la commission électorale nationale indépendante, décédé récemment des suites du coronavirus, était issu du barreau de Guinée.

Mais, Dr Dansa Kourouma, le président du conseil national des organisations de la société civile guinéenne, a tenu à recadrer l’avocat. Pour lui, seulement le CNOSCG est habilitée à désigner un représentant de la société civile à la CENI. Il l’a dit au cours d’une interview qu’il a accordée à notre rédaction.

Décryptage !

Guineematin.com : il y a aujourd’hui une polémique autour du choix de la personne qui va remplacer Me Salif Kébé à la CENI. Certains disent que c’est le barreau de Guinée dont est issu l’ancien président de la CENI qui doit désigner son représentant et d’autres pensent que c’est le CNOSCG. Qu’en est-il réellement ?

Dr Dansa Kourouma : je n’appelle pas ça polémique parce que ça concerne une corporation. La polémique est interne au barreau. Au niveau du CNOSCG, il n’y a pas de polémique possible parce que depuis que la CENI a été instituée en Guinée, en 2007-2008, le CNOSCG était la plateforme de la société civile qui a pris part aux négociations avant l’adoption de la CENI, aux côtés de la majorité présidentielle qui était le PUP (Parti de l’Unité et du Progrès) et l’opposition que vous connaissez qui était le RPG, l’UFDG et d’autres partis politiques. Côté société civile, c’est le CNOSCG qui a participé au comité tripartite et à ce titre, l’organisation a été la seule reconnue comme organisation de la société civile qui respectait les critères d’alors et qui a pris part à tout le processus politique.

La première CENI, Ben Sékou Sylla issu du CNOSCG, a été désigné comme président. Cela, sur une liste de trois personnes dont Louncény Camara et un certain Me Abass. Toutes ces trois personnes ont été désignées par le CNOSCG qui a reçu une demande de désignation par l’autorité compétente. Mais, comme le CNOSCG est une structure faîtière composée de plusieurs coalitions, nous avons fait au point de vue démocratie, une consultation à l’interne composée de 150 coalitions pour trouver les meilleurs profils pour aller à la CENI à l’époque. Chemin faisant, la CENI a été renouvelée et le même processus a été renouvelé ; le CNOSCG a reçu le courrier pour désigner les représentants de la société civile. Et également, nous avons fait la même consultation à l’interne comme vous le savez pour avoir nos représentants.

La dernière en date est celle de 2018. Après l’adoption de la loi révisée de la CENI, le nombre de place a été réduit de trois à deux et le CNOSCG a également été saisi par les autorités compétentes pour désigner les représentants. Nous avons reçu 11 dossiers internes sur la base desquels nous a avons tiré deux représentants qu’on a adressés au ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation. Et ce sont ces deux représentants qui sont partis. Il y a un débat que les Guinéens font, c’est la représentativité des structures. Ce débat-là ne peut pas se faire en Guinée en ce qui concerne le CNOSCG. Nous sommes la seule structure de la société civile qui fait le Congrès électif. Aussi, nous sommes en règle du point de vue légitimité, parce que nous remettons en cause notre gouvernance.

Le dernier congrès s’est tenu en décembre dernier à Dabola, plus un congrès d’investiture qu’on a organisé à Kindia le 11 janvier 2020. Donc, les responsables du CNOSCG sont élus. De ce point de vue, quand vous voulez être une structure interface il y a des conditionnalités. Donc, quand on nous a adressés la lettre, nous avons désigné deux de nos collègues sur la base du principe interne en 2018. Je ne dis pas que Me Kébé n’est pas un avocat et qu’il n’est pas issu du barreau, mais le courrier qui a désigné Me Kébé a été signé par moi. Je présente d’ailleurs mes condoléances à sa famille et que son âme repose en paix.

Guineematin.com : à vous écouter, c’est comme si vous remettez en cause le droit du barreau de désigner le remplaçant de Me Salif Kébé à la CENI ?

Dr Dansa Kourouma : le barreau n’a le droit de désignation qu’en étant partie intégrante d’une plateforme de la société civile reconnue par les autorités, c’est-à-dire une structure qui remplit les critères pour être structure de la société civile. Je prends un exemple, organe de média et association de média. Un organe de média est une structure privée qui est agréée comme une entreprise, on l’appelle entreprise de presse. Mais si plusieurs entreprises de presse se mettent ensemble, vous devenez dans ce cadre une association. Cette association s’affilie à la société civile. Ça donne caractère de société civile au média à travers un regroupement qui adhère à une structure de la société civile. C’est la même chose pour le barreau. Les avocats, c’est des entreprises individuelles qui font des prestations de service pour faire de la rémunération. Ceci ne leur donne pas le droit de statut d’ONG. Donc, la polémique n’a pas sa raison d’être.

Guineematin.com : en clair, comment est-ce que le choix du remplaçant de Me Salif Kébé doit se faire ?

Dr Dansa Kourouma : ça doit se faire dans les mêmes conditions que sa désignation. Je précise que c’est le remplacement pour terminer un mandat. Les textes ne sont pas les mêmes. La loi sur la CENI dispose qu’en cas de démission, de décès ou d’empêchement définitif d’un commissaire, il est remplacé dans les mêmes conditions que sa désignation. Ça veut dire quoi ? La structure qui l’a désigné, c’est cette structure qui doit le remplacer, c’est-à-dire le CNOSCG. Je suis en train de vous dire une fois encore que c’est moi qui ai signé la lettre. Si c’est la société civile qui désigne, le courrier s’adresse à une organisation de la société civile qui a qualité et celle-ci regarde en son sein les conditions de remplacement.

Ce n’est pas exclu que ça soit le barreau, ça peut être le barreau. Mais, la procédure de désignation doit être respectée. Ce n’est pas en vous détachant de la plateforme qui vous donne le droit de désignation, de représentation que vous êtes en train de respecter la loi. C’est comme lorsqu’il s’agit d’envoyer des représentants à la HAC (Haute Autorité de la Communication), ce sont les associations de presse qui envoient et non un organe de média. C’est la même chose qui s’applique à l’interne.

Guineematin.com : on apprend tout de même que vous voulez influencer la décision qui sera prise pour que le choix soit porté sur un de vos hommes.

Dr Dansa Kourouma : le CNOSCG est totalement indépendant du barreau. Eux, d’abord en leur sein (le barreau), ils ne s’entendent pas. En ce qui me concerne, je n’ai pas parlé avec un seul membre du barreau depuis que la procédure a commencé. Personne ne m’a appelé pour présenter les condoléances pour le décès de Me Kébé que je considère comme un membre du CNOSCG. J’aimerais que les lecteurs comprennent une chose, quand on parle CNOSCG, il faut éviter d’avoir un regard réducteur. Le CNOSCG est une association, un conseil qui est composé de 150 coalitions, de 5000 associations de base, de 38 conseils préfectoraux et communaux, et 304 conseils sous-préfectoraux.

Je n’ai jamais eu d’interaction avec le barreau, je n’ai pas été consulté, je ne me suis pas impliqué dans ce qui se passe au barreau, c’est un débat interne à eux parce qu’ils ont montré l’impression qu’ils ne sont pas affiliés à une structure. Sinon le débat doit se faire à l’interne de la structure à laquelle ils sont affiliés. Mais, s’ils ont décidé de faire cavalier seul comme ils ont l’agrément société civile, ils ont tout le droit d’être société civile, en ce moment ils sont libres. Je n’avais pas voulu intervenir sur le sujet, c’est l’une de mes premières interventions aujourd’hui sur cette question.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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