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Après le confinement : quel choix stratégique pour l’Afrique ?

Barry IV

Libre Opinion : En plein milieu de la pandémie du Covid-19, je me permets de plaider en faveur de l’édification d’une économie industrielle moderne en Afrique. Le Coronavirus a bouleversé la planète. Tous les pays sont en état de choc. La crise sanitaire a enfanté une récession économique mondiale.

Mais, au fur et à mesure de l’atténuation de la pandémie, le grand péril pour l’Afrique serait de rester « confinée » à l’exportation des matières premières et à l’importation d’objets fabriqués. Désormais, les pays Africains doivent chercher à fabriquer sur place des objets à moindre coût et de façon plus rentable en vue de les vendre partout dans le monde.

Toutefois, ce qu’il faut comprendre, c’est que le Coronavirus va accélérer le découplage ou la désarticulation de l’économie américaine par rapport à l’économie chinoise. L’enjeu est de taille. Une bataille des plus ardues s’annonce entre les Etats-Unis d’Amérique et la Chine pour le leadership mondial.

Les Etats-Unis viennent d’apprendre à leurs dépens qu’ils avaient mis trop d’œufs dans le panier de la Chine. Aujourd’hui, les Américains regrettent d’avoir confié à un seul pays comme la Chine la fabrication de presque tout ce qu’ils utilisent dans leur vie quotidienne. Comme résultat, la liste est longue des entreprises qui vont reconsidérer leur chaine de production et d’approvisionnement à l’égard de la Chine. Ces entreprises vont, à long terme, rapatrier ou transférer leurs activités vers d’autres pays.

En d’autres termes, il y a un nombre très important d’usines à forte intensité de main-d’œuvre et donc des centaines de millions d’emplois qui pourraient être transférés de la Chine vers le reste du monde. Avec des coûts de fabrications très élevés à domicile, ces entreprises pour la plupart américaines ont besoin d’une alternative. A mon sens, avec sa main d’œuvre jeune et abondante, l’Afrique subsaharienne pourrait bien servir de base manufacturière au reste du monde.

Des crises, eh bien, il y a un dicton qui dit que ce sont toujours les pauvres qui paient le prix! En effet, les pays exportateurs de matières premières ont toujours payé le plus grand tribut aux chocs économiques. Pour ainsi dire, les pays africains n’exportent que des matières premières. De telle sorte qu’aujourd’hui, l’Afrique représente à peine 1% de l’industrie manufacturière mondiale avec plus de 15% de la population mondiale.

Avec la crise du Covid-19, le ralentissement de l’économie mondiale va entraîner une chute considérable du prix des matières premières. Par voie de conséquence, les pays africains verront leurs recettes minières diminuer. En revanche, les exportateurs de produits fabriqués comme la Chine vont en profiter avec une diminution des dépenses sur les matières premières des industries chinoises. Ce qui aboutira en fin de compte à une augmentation du pouvoir d’achat des Chinois.

La Chine consomme environ 50% des matières premières extraites dans le monde. Les économies des pays africains sont totalement tributaires de l’exportation de commodités tels que le pétrole, gaz, charbon, uranium, cobalt, minerais de fer, bauxite, cuivre, cobalt, cuivre, phosphates, manganèse, or, diamants, coton, bois, café, cacao, caoutchouc, et autres métaux industriels.

Évidemment, lorsque l’économie Chinoise ralentit, au bout du compte, ce sont les économies africaines qui, encore une fois, en font les frais. Ainsi, face à cette double-crise, la contagion économique pourrait donc être beaucoup plus rapide que la propagation du Coronavirus.

Cette dépendance excessive à l’égard des matières premières a fait de l’Afrique un continent extrêmement pauvre et très vulnérable. Les ressources minérales n’ont pas aidé l’Afrique à enrayer l’extrême pauvreté sur le continent. Au contraire, ces industries extractives ont exacerbé la pauvreté en créant un environnement favorable à la corruption, à la dictature et aux conflits armés. Sans compter que l’exploitation des ressources minérales ne génère que peu d’emplois. En réalité, l’Afrique est pauvre parce qu’elle ne fabrique rien.

L’incapacité des dirigeants africains à industrialiser le continent a coûté très cher aux populations africaines. Aujourd’hui, l’Afrique est de loin le continent le plus pauvre de la planète avec 28 des pays les plus pauvres du monde. L’accès à un logement adéquat, à l’éducation, aux soins de santé primaires, à l’électricité et à l’eau potable est loin d’être assuré pour la grande majorité des Africains.

Depuis plus de 60 ans, les pays Africains n’ont fait que régresser. Les dirigeants africains ont religieusement suivi la politique héritée de la colonisation, confinant ainsi les pays africains à l’exportation simple de matières premières.

Mais, cette fois-ci, l’Afrique pourrait bien s’en sortir. L’Afrique peut tirer le meilleur parti de cette crise inattendue du Covid-19. Pour ce faire, ne cherchons pas midi à quatorze heures, l’Afrique doit tout simplement emboîter le pas de la Chine pour devenir le centre manufacturier du monde. Nous avons les terres, les matières premières, les entrepreneurs, et la main d’œuvre. Tout ce qu’il faut c’est de construire les zones industrielles et de faire venir les entreprises avec leurs machines.

L’Afrique peut bien s’industrialiser. Mais, il faut commencer d’abord par la fabrication d’articles très simples tels que les ustensiles de cuisine, les pièces détachées, les vêtements, et les chaussures. Avec l’expérience, on pourrait passer à la fabrication des biens de plus grande valeur.

Aucun pays au monde ne s’est développé sans l’industrie légère. La fabrication a un effet multiplicateur que même l’agriculture ne dispose pas. Le secteur manufacturier se traduit par beaucoup plus d’emplois et une plus grande répartition des richesses.

Plus un pays fabrique d’objets manufacturés plus il se développe. Plus un pays exporte les matières premières plus il s’appauvrit. Les économistes connaissent depuis longtemps ce paradoxe appelé ‘Malédiction des matières premières’. Ce phénomène est une maladie économique dont on parle très peu en Afrique et pourtant bien enseignée ailleurs. À ce jour, le secteur manufacturier reste le principal moteur d’une croissance économique rapide et durable. Les usines constituent le moyen le plus efficace pour éliminer l’extrême pauvreté.

Pour la première fois, la redistribution des cartes dans le monde donne aux pays africains l’opportunité de créer une base industrielle à l’image de la stratégie adoptée par les Quatre Dragons Asiatiques (la Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong et Singapour). Aussi, à travers l’histoire, le secteur manufacturier a fait des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, du Japon et de l’Allemagne les pays les plus riches du monde. Plus récemment, l’industrialisation a propulsé la Chine au rang de l’économie la plus dynamique du monde avec une élimination exceptionnelle de l’extrême pauvreté dans le pays.

J’exhorte les africains à réorganiser sans plus tarder leurs économies pour profiter de cette unique opportunité. Sans quoi, ces nombreuses entreprises porteuses d’emplois et de revenus durables vont quitter la Chine pour s’implanter dans d’autres pays émergents comme l’Inde, le Vietnam, le Mexique, la Turquie, et le Brésil.

Pour l’Afrique, c’est l’occasion de prendre un nouveau départ. Peu importe notre situation actuelle ou notre passé. Tout ce qui compte, c’est ce que nous faisons aujourd’hui et maintenant. Nous avons là une chance unique et historique à ne pas laisser passer. Nous devons nous réveiller pour la saisir à deux mains. Tous les Africains patriotes doivent se lever et travailler très dur afin d’inonder le monde entier d’objets fabriqués au Nigeria, Ghana, Cameroun, Kenya, en Ethiopie, en Guinée… On a besoin d’une Révolution « Made in Africa ».

Nous devons relever ce défi ensemble. C’est à ce prix seulement que nous mettrons fin à l’extrême pauvreté, la soif, et la faim en Afrique. En ce moment, c’est le seul moyen efficace à notre portée de réclamer notre respect et de faire cesser le mépris, l’exploitation, la domination, et l’humiliation qui pèsent sur tous les Africains.

Par Barry IV, PDG de MI&I Partners, une entreprise privée de développement économique basée à Washington DC

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