Interdiction de sortir de Conakry : notre constat sur les barrages de contrôle érigés sur la route de Kindia

Mamadou Samba Diallo, conducteur de taximoto

Dans le cadre de la riposte contre le coronavirus en Guinée, plusieurs mesures ont été prises par les autorités guinéennes. Et, parmi ces mesures, figure l’interdiction de sortir de Conakry (épicentre de cette maladie en Guinée) pour l’intérieur du pays. Cette mesure vise notamment à éviter une propagation du COVID-19 à travers une contamination communautaire dans tout le pays.

Mais, cette restriction qui entrave sérieusement la libre circulation des personnes et leurs biens est devenue un véritable casse tête pour les chauffeurs qui font la navette entre la capitale guinéenne et la Guinée profonde. Ces professionnels du volant se plaignent surtout de la multitude de barrages qui sont érigés sur la route.

Selon un constat fait par un reporter de Guineematin.com ce samedi, 16 mai 2020, il y a actuellement au moins trois barrages entre Coyah et Kindia. En provenance de Conakry pour la cité des agrumes, le calvaire des chauffeurs, en plus de la bataille pour le faire le test au COVID-19, commence au barrage de Kouriah. Là, le contrôle est apparemment souple, mais strict en ce concerne la régularité des papiers de véhicule. Aucune file de véhicule n’était sur place hier samedi ; mais les agents qui tiennent le barrage se penchent sur le chauffeur de chaque véhicule qui y arrive.

A ce point de contrôle très connu des usagers de la route, ce sont les conducteurs de motos qui souffrent le plus. Il faut payer dix (10) mille francs pour la « levée de barrage » pour y passer. « C’est quoi ton numéro ? », demande un agent à chaque motard qui s’y pointe. Et, le motard est obligé de dicter le numéro d’immatriculation de sa moto et payer dix mille francs pour franchir le barrage.

Mamadou Samba Diallo, conducteur de taximoto

« C’est un véritable calvaire pour nous. De Kouriah à Bangouyah, il y a deux barrages. Quand on vient, on nous dit de laver les mains, après on nous demande dix mille francs pour la levée de barrage. Ces dix mille francs, c’est pour toute la journée. Mais, des fois, on t’oblige de payer dix mille ou cinq mille francs à chaque fois que tu veille franchir le barrage », a indiqué Mamadou Samba Diallo, un conducteur de taximoto.

Mais, ce qui est surtout remarquable à ce niveau, c’est le nom respect du port obligatoire de masque. Les agents qui tiennent le barrage et les citoyens qui rodent aux alentours de ce point de contrôle compétissent, visiblement, dans le non respect de cette mesure de prévention contre le coronavirus en Guinée.

Ce constat est le même au barrage de Bangouyah-station où les agents et les citoyens se confondent dans la violation de cette mesure de prévention édictée par le président de la république. Ce barrage de contrôle sanitaire, situé à moins de deux kilomètres du barrage de Kouriah, est tenu par des militaires. Et, ce samedi, c’est à ce niveau qu’on rencontre une longue file de véhicules. Apparemment, le contrôle y est plus sévère.

A notre arrivée sur les lieux aux environs de 11 heures, une trentaine de camions en direction de Kindia étaient stationnés sur la chaussée. « Vous avez fait le test ? », demande un militaire à chaque chauffeur qui se pointe à environ 50 mètres de la ligne de contrôle.

« Oui », répondent majoritairement les chauffeurs.

« Où », interroge de nouveau le militaire.

« A Kagbélen, au camp Kwamè Krumah », répondent les chauffeurs qui disent avoir fait le test au COVID-19.

A ceux qui disent n’avoir pas fait le test pour connaitre leurs statuts par rapport au coronavirus, le militaire dit : « retournez-vous ! Sortez de la ligne et faites demi-tour ».

Mais, selon les informations, les militaires qui tiennent le barrage de Bangouyah ne se contentent pas seulement d’intimer les chauffeurs de rebrousser chemin.

Mohamed Sylla, chauffeur de camion

« Par rapport à ce barrage, les gens ont trop de problèmes ici. On ne peut pas tout dire ; mais, par rapport au passage, il y a beaucoup de difficultés. Vous voyez qu’il y a beaucoup de camions ici, on nous retarde beaucoup dans le contrôle. Moi, c’est vers 11 heures que je suis arrivé ici ; et, jusqu’à présent (14 heures), je suis là. Ils disent qu’on doit faire obligatoirement une visite. Quand tu viens ici (au barrage de Bangouyah) sans un papier de visite, on te prend pour t’envoyer quelque part pour t’obliger à faire le test. Je demande au gouvernement de revoir cette situation là parce que les gens souffrent. Nous, c’est sur la route qu’on gagne à manger. Mais, avec tous ces barrages, on arrive à peine à avoir le prix du carburant. Donc, nous demandons au président de supprimer ces barrages », a expliqué Mohamed Sylla, un chauffeur de camion trouvé sur place.

Pour espérer franchir le barrage de Bangouyah sans le fameux sésame (les résultats du test au COVID-19), certains conducteurs se font accompagner d’un agent des forces de défense et de sécurité. A la place du test au coronavirus, un homme en uniforme est un « lasser passer » digne d’une bénédiction divine. Car, quelques passes de « garde à vous » entre frères d’arme et un petit sourire suffisent pour baisser la corde. « Laisser passer, il y a un agent à l’intérieur », s’écrit un militaire qui procède au contrôle des véhicules.

Cependant, les véhicules qui viennent de l’intérieur passent sans grandes difficultés. Une présentation des papiers du véhicule et quelques échanges de mots (des plaisanteries) avec les agents suffisent au chauffeur pour y franchir.

Après Bangouyah, un autre barrage se trouve à Samayah. Nous n’avons pas pu nous y rendre ; mais, selon les informations, ce barrage est aussi tenu par des militaires. Certains citoyens de Bangouyah rapportent que le contrôle y est plus rigoureux que les précédents barrages. On raconte même que des échauffourées y ont éclaté en début de cette semaine entre les militaires et certains chauffeurs qui avaient ras-le-bol des tracasseries.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

Facebook Comments Box