Plus de 300 migrants guinéens bloqués au Niger : « ils bénéficient de l’assistance nécessaire » (OIM)

Idrissa Somparé, chargé des programmes à l’OIM Guinée
Idrissa Somparé, chargé des programmes à l’OIM Guinée

La représentation de l’OIM (l’Organisation Internationale pour les Migrations) en Guinée vient de réagir à la récente sortie de certains migrants guinéens bloqués depuis début mars 2020 au Niger. L’organisation onusienne dément l’information selon laquelle ces migrants vivent dans des conditions assez précaires dans les centres où ils sont pris en charge.

Selon Idrissa Somparé, chargé des programmes à l’OIM Guinée, ces citoyens guinéens bénéficient de toute l’assistance nécessaire pour bien vivre et que des démarches sont également en cours en vue de leur retour en Guinée. Il l’a dit au cours d’un entretien qu’il a accordé à Guineematin.com, votre quotidien en ligne.

Décryptage !

Guineematn.com : des centaines de migrants guinéens sont bloqués actuellement au Niger, où ils sont pris en charge par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). Ces derniers temps, certains d’entre eux ont contacté notre rédaction pour se plaindre des conditions difficiles dans lesquelles ils vivent là-bas : ils dénoncent notamment une mauvaise alimentation, l’inexistence de soins de santé et tant d’autres problèmes. Est-ce que la représentation de l’OIM en Guinée est au courant de cette situation ?

Idrissa Somparé : oui, nous sommes au courant. Cela fait plusieurs années que nous sommes en Guinée, nous apportons de l’assistance aux migrants guinéens qui sont en détresse non seulement au Niger mais dans beaucoup de pays sur la route de la Méditerranée. Effectivement nous savons qu’il y a 348 guinéens qui sont pris en charge dans nos centres et les centres du gouvernement nigérien en République du Niger, qui souhaitent rentrer en Guinée. Mais, j’aimerais quand même préciser que ces Guinéens sont dans des facilitées : ils sont dans des structures où ils sont pris en charge, où ils reçoivent trois repas par jour, où ils reçoivent des services infirmiers qui suivent tous les aspects sanitaires liés à l’épidémie que nous vivons. Ils reçoivent des kits d’hygiène et des kits pour leurs logements et de façon hebdomadaire. Donc, ils ne sont pas abandonnés à eux-mêmes.

Guineematin.com : pourtant eux, ils soutiennent tout le contraire. Ils disent qu’ils ne mangent pas bien, ne dorment pas bien et qu’ils ne peuvent aller à l’hôpital quand ils sont malades.

Idrissa Somparé : notre ONG a des centres au Niger qui offre toute l’assistance à des migrants qui sont en détresse. Nous ne donnons pas directement de denrées parce qu’ils sont dans un cadre régulé, dans un centre. Mais comme je l’ai dit, chacun d’eux reçoit un repas trois fois par jour. En termes d’hygiène aussi, ils reçoivent des kits qui leur permettent de vivre dans le centre, sachant que les bâtiments sont-là, de vivre de la manière la plus digne qu’il soit. Donc, quand les jeunes vous disent ce genre de choses, c’est vrai que leur situation n’est pas saine, mais il faut quand même relativiser et savoir que du côté de l’OIM et du côté du gouvernement nigérien, il y a beaucoup de choses qui se font. Le jeune qui a témoigné chez vous est dans un centre pris en charge par le gouvernement nigérien. Donc, ils bénéficient de l’assistance nécessaire de manière adéquate.

Guineematin.com : ces migrants disent que l’OIM leur avait promis aussi de discuter avec les autorités guinéennes autour des conditions de leur retour en Guinée. Mais depuis, la situation ne semble pas évoluer. Qu’est-ce qui empêche leur retour ?

Idrissa Somparé : pour leur retour en Guinée, vous êtes d’accord avec moi qu’il y a quelques mois maintenant, l’ensemble de la planète se retrouve frappée par cette épidémie qui a mis fin aux mouvements transfrontaliers. C’est la même chose pour ce cas-ci. Il y a eu des restrictions qui sont imposées par les différents Etats qui sont souverains, qui ont imposé des fermetures de leurs frontières. Et il faut trouver des moyens d’alléger ces mesures afin de permettre à ces jeunes de rentrer en Guinée. Ce que nous, nous avons fait en tant qu’agence des Nations Unies qui s’occupe de la question, nous avons déjà répondu à la demande de nos Etats membres. Nous n’avons pas la latitude de décider ou de se substituer à des Etats souverains. Nous ne faisons qu’accompagner nos Etats membres. La mission de l’OIM au Niger, tout comme la mission de l’OIM en Guinée, n’interviennent qu’en appui aux Républiques du Niger et de la Guinée respectivement.

Donc, des discussions ont effectivement eu lieu, nous avons proposé à nos partenaires la mise en place d’un corridor aérien pour faciliter le retour de ces jeunes et nous sommes en train de travailler dessus. Parce que bien que ces opérations soient faisables, elles nécessitent une planification et des précautions extrêmes à cause de la situation sanitaire qui prévaut. Donc le corridor aérien est acquis de tous les deux côtés, côté guinéen comme du côté nigérien. Nous sommes en train de nous entendre maintenant sur les modalités opérationnelles de tels mouvements parce que déplacer 348 personnes dans les conditions actuelles, ce n’est pas facile. Nous sommes donc en train de discuter pour voir comment réaliser ces opérations dans le respect de la dignité humaine mais également pour garantir la sécurité sanitaire de ces migrants.

Guineematin.com : qu’est-ce qui est prévu concrètement à ce niveau ?

Idrissa Somparé : des discussions ont lieu avec le gouvernement, le ministère des affaires étrangères et le ministère de la Santé, pour voir dans quelles conditions accueillir ces jeunes. Parce qu’il faut pouvoir les accueillir et il faut pouvoir les mettre dans des conditions qui limitent les risques. Donc la première assistance commence au Niger, ce n’est pas ici. Ils vont recevoir un kit chacun ; et une fois ici, nous leur fournirons de l’argent de poche, ils auront aussi les mêmes kits pour eux et pour leurs familles. Et, nous allons aussi, en collaboration avec les autorités, faire en sorte que leur mise en quatorzaine soit garantie. Après, l’OIM se charge également de leur réintégration socio-économique, à travers des projets générateurs des revenus, grâce au fonds fiduciaire d’urgence de l’Union européenne.

Guineematin.com : en dehors du Niger, on signale aussi des problèmes similaires au Sénégal et dans d’autres pays où des Guinéens sont bloqués à cause de la fermeture des frontières. Qu’en est-il de ces cas ?

Idrissa Somparé : comme je l’ai dit plutôt, nous n’avons pas vocation à déterminer quel type de supports nécessaires pour des citoyens ans le monde. Nous n’agissons que sur la base d’une requête de notre Etat membre qui est la République de Guinée. En l’état actuel des choses, nous avons reçu une requête pour ces 348 jeunes qui sont au Niger. Et probablement pour une centaine de jeunes étudiants qui sont dans des universités nigériennes pour lesquelles l’Etat guinéen a demandé à l’OIM de mutualiser les ressources pour faciliter leur retour. Donc, lorsque nous pouvons, nous aidons les Etats membres à leur demande.

Guineematin.com : avez-vous un message à l’endroit des jeunes qui sont tentés par l’immigration clandestine ?

Idrissa Somparé : la migration irrégulière, ça fait des années qu’on en parle. C’est un sujet d’actualité surtout dans notre pays puisque c’est l’un des plus touchés par la question. Moi, je dirai aux jeunes que migrer n’est pas un crime. Au contraire, c’est une nécessité humaine. Ce que nous disons aux jeunes, c’est qu’il faut migrer mais il faut les faire dans les règles de l’art. Il faut se donner les moyens de voyager de façon sûre, de façon digne et ordonnée. Parce qu’en empruntant l’autre chemin (l’immigration clandestine), on s’expose indubitablement à toutes sortes de danger, à toutes sortes de réseaux mafieux et même à la mort. Ce qui n’est pas bon.

Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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