Allah lé Kabon : revoilà l’imam Nanfo Ismaël Diaby, toujours droit dans ses bottes !

Nanfo Ismaël Diaby, chroniqueur N'ko
Nanfo Ismaël Diaby, chroniquer N’ko

Peut-être que ça peut passer inaperçu. Mais, il y a de cela un an, le célèbre chroniqueur et vulgarisateur de l’écriture N’ko, faisait parler de lui en faisant prier ses ouailles en langue Maninka. C’était pendant les dix derniers jours du mois de Ramadan 2019. Une pratique qui avait suscité une vague de réactions et même des sanctions contre l’imam Nanfo, tradi-praticien, chroniqueur et vulgarisateur de l’écriture N’ko.

Un an après les faits, le principal concerné n’a toujours pas abdiqué et mieux, il a sa propre mosquée, construite dans sa concession. Dans la journée d’hier, vendredi 22 mai 2020, Nanfo Diaby a accordé une interview au correspondant de Guineematin.com basé dans la préfecture de Kankan.

Décryptage !

Guineematin.com : il y a juste un an, une vidéo dans laquelle on pouvait vous voir avec vos fidèles en train de prier en Maninka et non en Arabe avait fait le tour de la Guinée. Rappelez-nous en les raisons

Nanfo Ismaël Diaby : vous savez, moi j’ai étudié N’ko, tout ce que j’ai appris, c’est grâce à N’ko. J’ai étudié le coran en N’ko et j’ai compris l’islam à travers N’ko. C’est pourquoi, chaque année, on se regroupait pour lire le coran en N’ko. Par après, j’ai demandé à mes disciples comment est-ce qu’ils voyaient la lecture du coran en N’ko ? ils ont tous dit que c’était mieux de continuer de lire le coran en N’ko. Après, je leur ai demandé et si on priait à N’ko ? Ils ont dit que c’est une bonne idée, puisque c’est notre langue. Mais avant, il n’était pas d’accord quand je leur demandais, ils étaient dubitatifs. Donc, l’année dernière, lors de la prière de la nuit du destin, nous avons officié cette prière à N’ko. C’est notre frère, Bö Lancina Konaté qui a publié cette vidéo sur les réseaux sociaux que tout le monde a vu.

Guineematin.com : après la publication de cette vidéo sur les réseaux sociaux, plusieurs personnes se sont indignées et ont condamné cet acte. Par la suite, vous aviez été convoqué par les sages et la ligue islamique régionale à la grande mosquée de Kankan. A l’issue de la rencontre, des sanctions ont été prises contre vous. Comment est-ce que vous avez vécu tout ça ?

Nanfo Ismaël Diaby : nous avons entendu beaucoup de choses qui nous ont choquées. Nous, on a pensé que ce sont ces personnes qui devraient nous aider à vulgariser notre manière de prier. Malheureusement, elles se sont mises à nous insulter et à nous combattre. Elles ont dit que jamais nous n’allons prier dans une autre langue, sinon que l’arabe. Pourtant, elles ne nous ont jamais brandi des preuves dans le coran ou dans les hadiths, elles disaient seulement que nos ancêtres ne l’ont pas fait. Nous avons été convoqué à la grande mosquée de Kankan, les sages et l’inspection régionale de la ligue nous ont demandé, on leur a brandit nos preuves, ils sont dit que là n’est pas le problème. Ils nous ont demandé d’arrêter de prier en Maninkakan. Donc, par respect pour la notabilité et les responsables religieux, nous avons dit qu’on allait arrêter la prière publique en Maninkakan, mais qu’on pouvait, chacun prier chez lui. Donc, avec tout ce respect, ils m’ont sanctionné. J’ai été interdit de prendre la parole en public et de passer dans les radios locales.

Guineematin.com : cette sanction est-elle toujours en vigueur ou elle est levée ?

Nanfo Ismaël Diaby : Jusqu’à présent ma sanction est en vigueur. Je ne me suis pas plaint, rien. Ce que j’ai compris dans tout ça, c’est que la loi guinéenne a été violée, sinon aucune sanction ne peut aller au-delà de trois (3) mois. Mais, ceux qui m’ont sanctionné il y a un an de cela, personne n’en parle. Je ne parle plus dans les radios, mon droit est bafoué. La fois passée, un j’ai fais un communiqué, ça n’a pas été diffusé dans les radios. Je demande le monde entier de nous venir en aide, on est ségrégé dans notre propre pays.

Guineematin.com : après tout ce que vous venez de raconter, dites nous, vous continuez à prier en Maninkakan ?

Nanfo Ismaël Diaby : ce sont des gens qui sont contre nous ; sinon, nous ne prions pour personne. Personne ne nous demande de le faire et personne ne nous demandera d’arrêter. C’est comme ça que nous adorons Dieu, le Tout Puissant. On n’est pas né arabe, on est noir et malinké. Ils nous accusent, pourtant Dieu n’aime pas l’accusation.

Guineematin.com : suite à la publication de cette vidéo, vous aviez été chassé du local que vous occupiez pour votre pharmacie traditionnelle…

Nanfo Ismaël Diaby : effectivement. J’ai été chassé du local de ma pharmacie. C’est un groupe de jeunes qui se disent sounna, qui sont partis effrayer les propriétaires de ce local en leur disant, qu’ils allaient mettre à sac ce local s’il ne me chassait pas. Ces jeunes disent qu’ils veulent l’épanouissement de l’islam ; mais c’est faux, ils sont plutôt entrain de vulgariser la culture arabe. Quand j’ai compris que les propriétaires avaient peur, j’ai plié bagages et j’ai libéré le local.

Guineematin.com : On apprend aussi que vous avez construit une mosquée, dans la quelle vous faites prier vos fidèles en N’ko ?

Nanfo Ismaël Diaby : oui, c’est une mosquée qui se trouve dans ma cour, puisqu’on nous a interdit de prier dans les mosquées, donc touts ceux qui veulent prier en Maninkakan viennent prier ici. Nous l’avons même agrandi, parce qu’en plus des cinq (5) prières de la journée, nous prions les vendredis aussi ici. Nous aussi, nous n’irons nulle part et nous ne sommes contre personne. C’est Dieu que nous adorons dans notre langue, on ne laissera cela pour personne.

Guineematin.com : quel est le dernier mot ?

Nanfo Ismaël Diaby : ce que je peux dire à tout le monde, c’est de ne pas accepter de se renier. Tout ce que le noir a comme souffrance, c’est parce qu’on s’est renié. Dieu même est en colère contre nous, s’il n’accepte pas nos prières et bénédictions, c’est parce qu’on a refusé d’être ce qu’on est. Les blancs et les arabes ont accepté d’être ce qu’ils sont, ils ont été reconnaissants envers Dieu, mais pas nous, parce qu’on a refusé d’être ce que Dieu a fait de nous.

Interview réalisée par Abdoulaye N’koya SYLLA pour Guineematin.com

Facebook Comments Box