Covid-19 : « le scepticisme de certains de nos parents risque de rendre Kindia invivable » (Lettre ouverte)

Kémo Mali Fofana, coordinateur régional FNDC-Kindia
Kémo Mali Fofana, coordinateur régional FNDC-Kindia

La préfecture de Kindia a enregistré 22 nouveaux cas positifs au coronavirus. L’information a été donnée ce jeudi, 28 mai 2020, par les autorités sanitaires régionales. Malgré cette propagation inquiétante de la maladie, le respect des mesures barrières n’est pas de rigueur tout comme le doute sur l’existence de la maladie.

Conscient du danger que cela représente, Kémo Mali Fofana, coordinateur régional du FNDC, malade du coronavirus et hospitalisé, a adressé une lettre aux populations de Kindia. Sa démarche vise à attirer l’attention des citoyens en vue de rompre la chaîne de contamination, rapporte l’un des correspondants de Guineematin.com basé dans la préfecture.

Après Conakry, la région de Kindia est devenue le second foyer du coronavirus en Guinée. Une situation qui préoccupe Kémo Mali Fofana, coordinateur régional du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), malade du coronavirus, s’adresse à ses concitoyens :

« Mes chers frères et sœurs, parents, amis et voisins de Kindia.

La Covid 19 est bel et bien une réalité et non un mythe de l’allégorie de la caverne. Je viens vers vous par ce message pour vous dire que ce n’est pas un politicien qui vous parle, c’est bien un de vous et un de vos amis que vous connaissez bien actuellement, victime de la Covid 19, qui est en soin intensif au CREMS de Pastoria.

Je remercie très sincèrement Dieu de m’avoir donné le courage d’aller volontairement me faire dépister à temps. Lorsque mon résultat tombait jusqu’à mon admission au CREMS quand je venais seul dans l’ambulance et que je ne voyais que les feuillages, j’avais encore des doutes sur mon cas et je me disais peut-être, ils se sont trompés et l’origine de ce doute aussi était bien liée au fait que je croyais être en bonne santé puisque je faisais tous mes mouvements tranquillement.

Mais, à mon admission au CREMS, vous avez été nombreux partout en Guinée et dans le monde à m’exprimer votre solidarité, et cela me rend fort sur mon lit d’hôpital.

La vérité est que j’ai plus peur pour vous dans la mesure où le scepticisme de certains de nos parents et leaders d’opinion risque de rendre notre ville invivable, autrement l’épicentre de ce virus maudit. Avec ce comportement, cela ne pourrait que contribuer à la floraison des cas chez nous. Partir jusqu’à penser que les médecins se battent aujourd’hui pour pouvoir détecter plusieurs cas afin d’avoir des financements est le comble de la bêtise.

Oui, vous avez certes raison de douter dans le sens de la crise de confiance qui existe non seulement entre nous guinéens, mais et surtout celle qui existe entre nos autorités et nous autres. Mais à ce stade, nous devons croire pour une première fois que cette maladie est réelle, ce n’est pas un politicien qui parle encore moins un homme vendu, plutôt c’est votre frère malade et ami qui vous parle.

Ceux qui sont au laboratoire ici ne sont même pas des Africains. Ils sont tous des Russes et ce sont eux qui analysent les échantillons par numéro. Il n y a aucun nom là-dessus, seulement des numéros, je précise. Alors, comment peuvent-ils le faire de façon ciblée ? Arrêtez cette bêtise, s’il vous plaît. Croyez encore que la Covid-19 est une réalité.

Ces amis volontaires qui œuvrent pour sensibiliser nos parents de croire à cette maladie, je vous remercie très sincèrement. Les mêmes remerciements vont à l’endroit de tous ceux qui assistent les parents en envoyant des kits et bavettes et je ne vais jamais oublier le personnel médical qui échange sa vie pour nous sauver jour et nuit.

Ma crainte est que l’heure est grave et très grave d’ailleurs, surtout pour ma ville natale Kindia, puisque lorsque la foudre gronde, chacun met ses deux bras sur sa tête et pourquoi j’ai peur pour mes parents ? Pourquoi ? C’est à cause de ce grand mouvement qui continu en ville, les regroupements des jeunes comme d’habitude et la suspension de l’état d’urgence sanitaire, cela ne nous arrange pas.

Surtout quand je vois les gens se montrer très sceptique pour se faire dépister volontairement, cela m’effraie honnêtement. Pour cause ? Je comprends que nul ne peut être à l’abri avec de tels comportements. Si tout le monde partait de lui-même, cela pouvait nous permettre d’être tous libres dans la tête et sauver ceux qui ont le virus sans le savoir.

J’ai peur, j’ai très peur pour l’évolution de ce virus invisible dans ma Kania natale. Et je n’arrête pas d’avoir peur, car mon souhait c’est de voir vous autres sauver des vies en respectant les mesures barrière. Au début de cette maladie on peut facilement vous sauver, mais lorsque les symptômes se développent grandement dans vos organismes, vous pouvez aussi être sauvés, mais cette fatigue, vous allez la sentir et raconter comme histoire.

Donc ce n’est pas un souhait, mais une crainte en toute sincérité pour la floraison de cette maladie dans la cité. Prenez donc vos gardes et respectez les gestes barrières. Surtout, priez pour les médecins d’avoir toujours cette énergie de continuer à être disponible pour nous comme toujours, car depuis notre admission ici au CREMS, nous mangeons décemment, nous dormons bien et nous nous sentons mieux.

Ce message peut ne pas toucher toute ma cible, je le sais pertinemment. C’est pourquoi je passerai dans les médias pour expliquer en langue à nos parents, parce que vous êtes chers pour nous comme nous le sommes pour vous. Cet amour fraternel doit être fondé sur la sincérité. L’amitié est chère, mais la vérité est plus chère que l’amitié puisque c’est elle qui consolide l’amitié. C’est au nom de cette sincérité que je vous adresse ces quelques messages. Nous tenons bon ici, n’ayez pas de crainte et nous allons venir bientôt.

Cordialement

Kémo Mali Fofana, malade au covid19 en soin intensif à Pastoria. »

Lettre transcrite par Mohamed M’bemba Condé pour Guineematin.com

Tél. : 628 51 88 88

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