Vote contesté du 22 mars, fonctionnement de l’Assemblée nationale… Hon. Fodé Mohamed Soumah à Guineematin

Honorable Fodé Mohamed Soumah, député à l’Assemblée nationale et président du parti GéCi (Génération Citoyenne)

Comme annoncé dans l’une de nos précédentes publications, Honorable Fodé Mohamed Soumah, député à l’Assemblée nationale et président du parti GéCi (Génération Citoyenne), a abordé plusieurs sujets portant sur l’actualité nationale. Le fonctionnement du nouveau parlement et le vote du 22 mars dernier ont été les points dominants de cette interview, réalisée au siège de Guineematin.com dans la journée d’hier, mardi 02 juin 2020.

Nous vous proposons la suite et la fin de cet entretien.

Guineematin.com : vous êtes député à l’assemblée nationale et président du parti GéCi. Vous avez pris fonction il n’y a pas longtemps. Expliquez-nous comment cette Assemblée, précisons contestée par l’opposition et une bonne partie de la société civile, fonctionne aujourd’hui ?

Fodé Mohamed Soumah : comme vous le savez, nous avons entamé la 9ème législature, présidée par Amadou Damaro Camara, plébiscité lors de l’élection. On dira que pour certains, c’est un score à la soviétique ; mais, personnellement je suis conforté par ce début de présidence de sa part. Ce n’est plus le Amadou Damaro qu’on avait connu président du groupe parlementaire avec une attitude agressive. Non ! C’est quelqu’un qui a l’étoffe d’un présidentiable qui s’atèle à ce que cette législature soit un succès. Nous l’avons abordé, nous avons discuté et aujourd’hui, il est en train de faire quelque chose qui va aider la Guinée. Nous sommes un pays où il n’y a aucune institution qui fonctionne qui est dans ses murs. Nous sommes tous en location, toutes les institutions de la République. Donc, il y avait le problème du siège à Koloma qu’il est en train d’activer. Il a mis une commission en place. Il y a aussi le fait qu’on n’avait pas un site internet. Là aussi, il s’atèle à ce que sous la houlette de l’honorable Zenab Camara et Domani Doré, nous allons vers la digitalisation de l’Assemblée nationale. Je pense que les deux premiers chantiers là augurent d’une présidence qui, je le souhaite, sera plutôt portée sur l’action, les résultats que les débats. Je pense très sincèrement que nous allons nous mettre au travail. Nous, en tant qu’opposition parlementaire, nous sommes à l’affût, nous discutons de tout. Pour le moment, il n’y a pas matière à se disputer des rôles, des postes, des commissions. Tout est déjà fini. Donc, nous avions eu l’une des vice-présidences que j’occupe dans le bureau de l’Assemblée. Nous avons mis en place un groupe parlementaire (l’Alliance Patriotique) et nous avons la commission Santé que préside l’honorable madame Yansané. Nous aurions voulu plus surtout dans certains domaines de compétence parce que nous avons au sein de notre groupe parlementaire de 14 députés toutes les compétences. Nous avons des compétences qui auraient mérité d’obtenir la tête de certaines commissions. Maintenant que tout est fait, on va à l’essentiel. Nous sommes en train d’étudier quatre lois : la loi électorale, la Haute Autorité de la Communication, le Conseil Economique et Social et la Cour constitutionnelle. Nous allons nous atteler, d’ici la fin de la semaine, pour entériner ces dossiers qui étaient là en cours. Par rapport aux institutions, il y l’avis de Génération Citoyenne qui estime que dans le cadre d’une nouvelle constitution, on aurait pu profiter pour adapter nos textes par rapport aux aspirations du peuple. Je ne dirai pas que la Guinée n’a pas besoin de la HAC, du CES ou du médiateur de la République ; mais, je pense qu’on aurait pu allouer les budgets alloués à ces secteurs à d’autres secteurs. Par exemple, qu’est-ce que le CES a apporté aux guinéens ? Je ne le sais pas. La HAC si ce n’est pas pour créer des problèmes avec la presse. Le médiateur, malgré tout ce qui s’est passé : les assassinats, les tueries, les détournements… Cette situation sociale explosive, on l’apprend tous les jours. J’estime sincèrement qu’on aurait eu mieux à faire qu’aller vers l’installation de la Haute cour de la justice qui, à mon sens, a son importance au vu de ce qui se passe. Les scandales qui sont dans le domaine des mines, des travaux publics, de la santé, etc. Nous, à la GéCi, nous avons décidé par rapport à l’installation des institutions qu’on va mettre en place : une institution qui va combattre la corruption et une autre qui sera là pour faire en sorte que lors des nominations, qu’elle puisse donner son quitus. Aujourd’hui, nous nommons n’importe qui dans n’importe quel poste, c’est un bateau de chaise musicale, on reprend les mêmes et on recommence. Comme aux Etats-Unis, je pense qu’on a besoin d’une structure qui sera là pour dire oui, Nouhou Baldé est bon pour ce poste, non Fodé Mohamed Soumah ne peut pas faire l’affaire de ce pays dans tel domaine. En tout cas, cette 9ème législature commence sous des bons auspices et nous pensons que ça augure de résultats probants parce que depuis que les guinéens ont compris après la guéguerre liée aux élections, l’importance de l’Assemblée nationale, je pense qu’il est temps que nous puissions être comme des représentants du peuple. Maintenant à côté de ça, vous avez bien sûr ceux qui sont dans le déni. Vous savez, moi je suis un démocrate convaincu. Lorsqu’il s’agit de défendre, de combattre je suis toujours en première ligne. Mais, quand il s’agit après de reconnaître ce qui est bien fait ou bien de reconnaître prééminence de la majorité, je m’aligne.

Guineematin.com : mais ces élections que vous semblez défendre, honnêtement, vous pensez qu’elles sont le reflet de l’expression des guinéens dans leur ensemble avec l’absence de tous les grands partis de l’opposition ?

Fodé Mohamed Soumah : je dis et je le répète, à mon niveau, au niveau des guinéens, au niveau de ce que les gens partagent le plus, ces élections sont derrière nous. Attelons-nous à ce qu’il y a devant.

Guineematin.com : mais est-ce que vous n’êtes pas gêné d’être à l’Assemblée nationale face à des représentants presque uniquement de la majorité présidentielle ? Est-ce que ce n’est pas gênant ?

Honorable Fodé Mohamed Soumah, député à l’Assemblée nationale et président du parti GéCi

Fodé Mohamed Soumah : gênant ? Le mot est trop fort. Cela fait 6 ans que la GéCi se bat pour être à l’Assemblée nationale. Nous avons été un peu déçus de n’avoir qu’un seul député parce que nous avons mis le paquet pour avoir notre propre groupe parlementaire après 6 ans de travail, de réflexion, d’effort qui ont été quand même récompensés par l’objectif premier qui était d’être à l’Assemblée sous notre bannière. Maintenant, par rapport à ce qui s’est passé, souvenons-nous, j’étais déjà passé dans vos murs ici, j’ai parlé des dangers qui nous guettaient à savoir que l’opposition devait faire de la prospective pour que nous soyons assez forts pour imposer nos désiderata au pouvoir. Je leur avais dit à l’époque : écoutez, aujourd’hui le pouvoir est tout puissant parce que nous sommes dans un système présidentiel ; mais, les institutions, nous pouvons les contrôler. Comment les contrôler ? C’est de nous rendre incontrôlable. Aujourd’hui, il n’y a aucune démocratie au monde où l’opposition serait absente des institutions. La meilleure façon pour mettre la pression sur le pouvoir, c’est de nous retirer des institutions. Si on se retire de l’Assemblée nationale, on se retire de la CENI, rien ne se fera sans nous, aucune élection ne sera organisée sans nous. Et, au niveau de l’Assemblée on mettra la pression sur le pouvoir qu’il sera obligé de légiférer par ordonnance. Donc, nous avons des atouts mais si jamais nous continuons à tergiverser, à jouer avec les égos, avec les plans B, les agendas cachés, on va perdre. Aujourd’hui, la faible présence de l’opposition à l’hémicycle m’inquiète dans la mesure où le pouvoir a la majorité absolue. Mais, vous croyez que le pouvoir allait avoir la majorité absolue si l’opposition avait fait l’union sacrée ? Jamais ! Donc, moi je leur ai dis ce que ce je pensais. Au dernier moment, ils ont dit on n’y va pas, retirons-nous et personne ne va. On n’y va pas mais on est dedans. On se moque de qui ?

Guineematin.com : vous pensez qu’ils vous ont trahi ?

Fodé Mohamed Soumah : s’il n’y avait pas eu élection, qui serait à l’Assemblée aujourd’hui ? C’est eux. Déjà qu’ils ont accepté un décret de l’exécutif au vu du pouvoir législatif premièrement, et deuxièmement, nous nous retrouvons aujourd’hui avec d’énormes difficultés. Donc, c’est de leur fait. Aujourd’hui les élections sont passées, une Assemblée a été installée, reconnue mondialement et nous avançons.

Guineematin.com : mais elle est contestée ici en Guinée…

Fodé Mohamed Soumah : vous savez, la contestation, je crois que c’est dans l’ADN du guinéen. Mais, c’est la stratégie du moment. Aujourd’hui, qui peut dire qu’il n’y a pas une Assemblée nationale en Guinée si ce n’est pas quelqu’un qui est dans le déni. Il y a une Assemblée nationale qui a été installée pour 5 ans.

Guineematin.com : le problème est que l’Assemblée nationale actuelle n’est pas suffisamment représentative des guinéens…

Fodé Mohamed Soumah : C’est une autre question. Il y en a qui pose même le problème de la légitimité, la légalité de cette Assemblée. Vous savez, il ne faut pas confondre la légitimité et la légalité. Il y a ceux qui partent jusqu’à ne pas reconnaître cette Assemblée nationale. En tant que démocrate, je peux combattre un système, je peux combattre quelque chose ; mais, une fois que les guinéens se sont prononcés, une fois que les résultats ont été proclamés, je m’aligne. Personnellement, en tant que président d’un parti, je me suis souvent mis en minorité dans le bureau exécutif. C’est ça l’esprit démocratique.

Guineematin.com : est-ce que vous estimez que le 22 mars, c’est la démocratie qui s’est exprimée en Guinée avec toutes les violences, avec tout ce qui s’est passé ?

Honorable Fodé Mohamed Soumah, député à l’Assemblée nationale et président du parti Génération Citoyenne

Fodé Mohamed Soumah : vous savez, tout ce qui m’a choqué, c’est de dire qu’on va empêcher. J’ai été un acteur convaincu et convainquant du FNDC, je suis membre fondateur en tant que Génération Citoyenne ; mais, on n’empêche pas. On participe ou on ne participe pas. Et ce jour-là, je préférai voir tous ceux qui ne contestaient pas le processus dire je ne me prononce pas. C’est ça la démocratie. Mais je ne me prononce pas et j’empêche, cela ne relève pas de la démocratie. Donc, c’est ce qui m’a un peu choqué. Je vois que beaucoup d’endroits n’ont pas voté, c’est regrettable tout simplement parce que nous n’avons pas encore compris une chose : je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites ; mais je vous permettrais même de le dire pour créer le débat contradictoire. C’est ça l’esprit démocratique et c’est ça qui nous manque. Ici c’est où tu es avec moi ou bien tu es contre moi. Non ! Il faut qu’on inculque dans la culture du guinéen que même si je ne suis pas d’accord avec toi, tu es libre d’avoir ton opinion. Mais non, c’est ce qu’on a connu depuis la révolution. Aujourd’hui, celui qui n’est pas avec Paul, il est contre lui. Non ! Tu peux ne pas être d’accord avec Paul sur certains points et vous accorder sur d’autres.

Guineematin.com : est-ce que le 22 mars dernier la démocratie s’est exprimée ?

Fodé Mohamed Soumah : c’est quoi la démocratie ? La démocratie c’est le vote populaire. Une fois que vous avez voté, il y a un résultat. La démocratie, ce n’est pas je n’ai pas pu voter donc, je suis contre. La démocratie, c’est accepter le résultat des urnes, accepter le principe majoritaire. Si vous ne pouvez pas vous accorder sur l’essentiel, votez, discutez, débattez ; mais lorsqu’une majorité se dégage, même ceux qui étaient contre doivent s’aligner. Mais, ce n’est pas que je ne veux pas participer, j’empêcherai le vote et même si l’élection a eu lieu, je ne le reconnais pas. Au nom de quoi vous pouvez dire que vous ne reconnaissez pas une élection alors qu’il y a des institutions qui sont sur place pour ça ? Je crois qu’il y en a qui sont dans le déni, qui n’ont pas compris réellement la démocratie et surtout le pacte républicain qui nous lie tous.

Interview décryptée par Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

Tél : 622 68 00 41

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