
A l’occasion de la journée mondiale de l’environnement, célébrée ce vendredi, 5 juin 2020, Elhadj Chérif Abdallah, président de l’association des amis de l’environnement, a accordé une interview à Guinematin. Enseignant de profession, maître coranique et imam, il soutient qu’on ne peut pas parler de religion sans parler de la protection de l’environnement. Une affirmation qu’il explique à travers des versets du coran.
Décryptage !
Guineematin.com : vous êtes imam et vous dirigez aussi une association qui évolue dans le cadre de la protection de l’environnement. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous lancer dans ce domaine ?
Elhadj Chérif Abdallah : d’abord, je peux vous dire qu’on ne peut pas parler de religion sans parler de l’environnement, parce que la plupart des pratiques religieuses dépendent du milieu dans lequel l’Homme vit. Pour expliciter cela, on peut revenir sur des mérites de certains éléments de l’environnement que Dieu lui-même, exalté soit-il, a vanté. On peut parler par exemple du mérite de l’arbre. Dieu a vanté le mérite de l’arbre dans le saint Coran, dans la Bible comme dans la Tora et dans toutes les écritures saintes qu’il a fait descendre. Quand nous prenons le mérite de l’arbre dans le saint Coran, vous prenez la sourate « An-Nour » (La Lumière). Dans cette sourate, aux versets 34-35, Dieu s’est qualifié en tant que lumière. Il dit ceci : Dieu est la lumière de la terre et du ciel.
Il ajoute que sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe, et la lampe est dans un récipient de Crystal comme s’il était une comète qui éclatait ou un lampadaire. Il dit que le combustible de cette lumière vient d’un arbre béni, un olivier qui n’est ni oriental, ni occidental, dont l’huile semble éclairée sans même que le feu ne la touche. Dieu ajoute : lumière sur lumière, Dieu donne l’exemple pour les Hommes comme il veut. Ici, regardez les mérites de l’arbre quand Dieu lui-même, décrit sa lumière et qu’il accroche ou confie cette lumière à un arbre. Parmi tant de créatures : les cieux, la terre, les océans, il dit que c’est comme si cette lampe qui émet la lumière provenait d’un arbre. C’est le premier mérite de l’arbre si nous voulons parler de l’environnement.
Dans la sourate « Al-Waqiah » (L’événement), Dieu a posé une question aux hommes. Il dit : regardez cet arbre qui vous sert de combustible pour maîtriser le feu et la lumière, c’est vous qui avez planté cet arbre ou bien c’est nous qui en sommes les planteurs ? Dieu pouvait encore confier cette combustion à une autre créature qui ne soit pas l’arbre. Si on veut vanter les mérites de l’arbre dans les écritures saintes, on peut passer toute une journée. Pour rappel, dans un des hadiths du prophète Mohamed (PSL), tellement que planter un arbre a un mérite religieux, il a dit : si on annonçait le dernier jour et qu’une personne a une plante en main, s’il se décourage et ne va pas planter cet arbre, il aura des pêchés et il sera jugé le jour de la résurrection. Voilà tant d’exemples qu’on aurait à donner pour vanter les mérites de planter un arbre dans sa vie.
Le second élément de l’environnement, c’est la biodiversité. Si vous regardez dans le saint coran, tellement que Dieu accorde de l’importance à la biodiversité, il a donné les noms de beaucoup de sourates à des animaux. Nous avons par exemple la sourate « Al-Baqara » (La vache), « An-Naml » (Les fourmis). Vous savez, les fourmis vivent toujours en colonie. Au temps de l’envoyé de Dieu Souleymane (Salomon), il était de passage dans un village et la fourmi qui était le chef du village de la communauté a alerté toutes les autres fourmis pour dire de rentrer dans leurs casernes pour ne pas qu’elles soient massacrées par l’envoyé de Dieu et son armée. Ce n’est pas seulement le fait que les fourmis soient protectrices, mais regardez leur importance dans les sols. Les abris qu’elles construisent contribuent à la fertilité des sols.
Il y a également la sourate Al-Ankabut » (L’araignée). Là encore, Dieu vante les mérites de la biodiversité en parlant de l’araignée à laquelle il a donné le pouvoir de construire son abri avec des fils et fait des pièges pour avoir ses proies sans que ça ne soit un fait de l’Homme. Vous avez la sourate An-Nahl » (Les abeilles) que Dieu a instruit de survoler les montagnes, fréquenter les fleurs, sucer le nectar et fabriquer le miel qui constitue un aliment et un remède pour beaucoup de maladies. Il y a aussi une sourate qui englobe la biodiversité en général. La sourate « Al-An’am » (Les bestiaux). Dans cette sourate, il y a les ovins, les bovins, les caprins, les hominidés, etc. C’est-à-dire les animaux domestiques et les animaux sauvages. Ceux qui sont licites pour la consommation et ceux qui sont illicites à la consommation.
Parce qu’il il y a un verset qui a rendu illicite la consommation de certains animaux. Dans la même sourate Dieu a dit : nous avons interdit au peuple juif, ça c’est depuis le temps de Moïse, de consommer les animaux à griffes. Que ça soit les souris, les rats, les chiens, les chats, etc. Voilà l’importance que Dieu accorde à la biodiversité. Dans la sourate « Al-Fil », Dieu a parlé de l’éléphant. Là aussi, regardez comment, à travers la miséricorde, un éléphant refuse d’aller combattre le peuple de la Mecque pour démolir la Kaaba. Et vous savez, tous ces animaux, Dieu a vanté leurs mérites parce que dans certains versets, il dit : nous vous avons dompté des animaux qui vous servent de monture, qui portent vos bagages, qui vous permettent de voyager loin, d’atteindre des villages et des villes que vous auriez atteintes avec toutes les peines. Donc, cela rentre dans le cadre du mérite de la biodiversité.
Pour résumer, il y a un verset où il accorde des droits aux animaux comme il accorde des droits aux Hommes. Dans ce verset, il dit ceci : il n’y a pas d’être vivant, qu’il soit virus, microbe, bactérie, ver, oiseau, éléphant jusqu’à la baleine, qui ne soit pas des communautés comme vous les Hommes parce que les animaux ont droit à la vie. On ne doit pas les abattre parce que ce sont des animaux. Ils ont droit à la provision. Donc, les animaux ont droit à l’alimentation et à la protection. Là, je vais saisir cette opportunité pour lancer également un appel, à l’occasion de cette journée mondiale de l’environnement, à tous les hommes de bonne volonté de sensibiliser pour qu’on cesse d’abattre innocemment les animaux parce qu’ils ont leurs droits et ils ont leur importance dans notre vie.
Le 3ème élément, nous voulons parler de l’eau. Souvent, on dit que sans l’eau, il n’y a pas de vie. Mais scientifiquement et religieusement, c’est démontré que c’est les arbres qui donnent de l’eau. Si on ne plante pas les arbres, si on continue avec la coupe abusive du bois sans reboiser, on va rester un jour sans eau et on ne pourra pas vivre. C’est pour cela que Dieu a dit dans le saint coran : c’est lui qui fait descendre du ciel de l’eau qui vous sert de boisson. Et de cette même eau, il fait pousser des plantes, des herbes qui vous permettent de développer votre élevage. C’est par cette même eau qu’il fait la germination de vos champs. De cette même eau, il fait pousser les cultures et toute sorte de fruits. Donc, on ne peut pas parler de l’environnement sans parler de reboisement qui favorise les pluies, la protection des têtes de sources. Il ajoute ceci : de cette eau nous avons créé toute âme vivante pour ceux qui croient.
Guineematin.com : qu’est-ce que votre organisation compte justement faire à l’occasion de cette journée mondiale de l’environnement ?

Elhadj Chérif Abdallah : d’abord, la première chose que nous avons prévue, c’est de rendre visite à la rédaction de Guineematin.com pour lancer un appel à l’opinion nationale et internationale de protéger l’environnement. Dire aux institutions d’encourager l’Etat dans ses projets de reboisement parce que ces dernières années, nous constatons qu’au début de chaque saison pluvieuse, l’Etat organise des campagnes de reboisement. Donc, nous les encourageons et nous leur disons que nous sommes là aussi pour les accompagner. Après ici, nous allons planter des arbres, et nous savons que Guineematin.com va nous honorer en nous aidant à planter le premier arbre de cette journée à son siège ici. Ensuite, nous irons planter d’autres arbres à la grande mosquée Fayçal pour ce qui est de Conakry. A Télimélé également, il y a nos membres qui sont en train de préparer des pépinières et le repiquage de certains arbres au bord de la rivière Samankou.
Guineematin.com : ça veut dire que c’est Conakry et Télimélé qui sont vos zones d’intervention ?
Elhadj Chérif Abdallah : avec l’appui de l’Etat, nous avons eu notre agreement national. Nous n’avons pas des zones ciblées, c’est la Guinée qui nous intéresse. De Conakry à N’Zérékoré, de Siguiri à Yomou, partout où les moyens nous permettent d’atteindre pour reboiser, pour protéger l’environnement, nous y serons. Par exemple, dans notre plan d’action pour les années à venir, nous voulons appuyer les communautés de la Haute Guinée pour reboiser la mare de Baro, parce que nous avons entendu les appels de ces communautés sur le tarissement de cette mare. Nous allons tendre la main à des bonnes volontés, monter des projets pour aller reboiser cette mare qui a un rôle à jouer sur le plan culturel dans le renforcement du tissu social de la Haute Guinée.
Guineematin.com : vous avez évoqué tout à l’heure l’importance de la biodiversité, aujourd’hui quel est votre constat sur le terrain dans le cadre justement de la protection de l’environnement ?
Elhadj Chérif Abdallah : le constat est amer. Quand je prends l’exemple de Télimélé ou bien quand vous voyagez, aux abords des routes, vous voyez toujours les braconniers qui suspendent des animaux qui sont même impropres à la consommation, mais qu’ils sont en train de vendre. Et ceux qui vendent aussi des biches ou des antilopes, ils exagèrent dans l’abattage. Ils ne respectent pas la période déterminée par l’Etat pour permettre à ces animaux de se reproduire. Dans la plupart des préfectures, nous constatons la consommation abusive des singes et des chimpanzés. Il y avait même un marché à Conakry, spécialisé dans la vente de la viande de brousse. Ce qui n’est pas normal.
Guineematin.com : que dites-vous de la coupe abusive du bois dans laquelle certaines autorités sont souvent citées comme complices ?
Elhadj Chérif Abdallah : tout récemment, j’ai même lu un article sur votre site concernant la préfecture de Tougué où en un seul abattage, on a coupé 500 madriers. Ce qui n’est pas normal. Nous demandons que des dispositions, des sanctions soient prises pour mettre fin à de telles pratiques. En plus, l’un des facteurs de la déforestation chez nous, c’est l’agriculture traditionnelle ou sur brûlis qui ne résout pas nos problèmes. Nous, nous n’avons pas les moyens, mais nous avons des idées pour attirer l’attention de l’Etat pour qu’il aménage des bas-fonds pour l’agriculture pour qu’il y ait une agriculture moderne. Travailler en peu de surface pour récolter beaucoup. A force de continuer à dévaster des surfaces, c’est alarmant. On va couper des milliers d’arbres, tuer des millions de micro-organismes, retarder l’avancer de la végétation. Cela va entraîner le tarissement des cours d’eau et des rivières. Donc, nous tendons une main franche pour un échange d’idées parce qu’on n’a pas une agriculture moderne intensive.
Guineematin.com : c’est vrai que vous êtes une nouvelle association qui a commencé récemment ses activités sur le terrain. Comment vous trouvez ce terrain, est-ce qu’il y a des difficultés ?

Elhadj Chérif Abdallah : les difficultés ne manquent pas. L’exemple frappant qui est là, avec la rivière Samankou qui attire la jeunesse et qui contribue au développement socio-économique des populations de Télimélé. C’est sur cette rivière que la Société des Eaux de Guinée (SEG) a réalisé son forage de captage. C’est sur cette même rivière qu’on a réalisé le barrage qui donnait le courant, jadis à Télimélé. Le barrage ne marche plus parce qu’il n’y a pas suffisamment d’eau. Actuellement, il y a un envahissement de Samankou par certains citoyens de Télimélé qui sont allés ériger des bâtiments à 5 mètres du lit de la rivière. A l’heure qu’il fait, monsieur le préfet a arrêté l’évolution des chantiers des gens qui envahissent cette rivière. Lorsqu’on a commencé à reboiser la zone, on a été mal vus, mais ce n’est pas cela qui nous intéresse, c’est la protection de l’environnement. Le service de l’habitat est là avec les autorités. Quiconque veut ériger un bâtiment d’habitation ou de loisir, ce n’est pas dans le lit de la rivière. Nous sommes farouchement opposés à cela.
Guineematin.com : votre mot de la fin pour clôturer cette interview ?
Elhadj Chérif Abdallah : la première des choses, je demande à ce que la rédaction de Guineematin.com soit membre de l’association des amis de l’environnement compte tenu de ses ressources humaines et de son expérience en matière de presse. Ensuite, nous demandons à ce que d’autres médias adhèrent à notre association. Nous n’excluons personne. Nous voulons que tout le monde, de quelle que nationalité qu’on soit, accompagne cette association pour la réalisation de ses objectifs, parmi lesquels il y a également la protection de la petite enfance, la sensibilisation sur les droits des femmes qu’on appelle genre et équité. Nous allons nous impliquer également dans l’assainissement. Aujourd’hui par exemple, très peu de communes ont des poubelles avec des véhicules qui ramassent les ordures ou bien des domaines qui peuvent servir de dépotoirs d’ordures. Donc, nous travaillons dans tous ces secteurs.
Interview réalisée par Alpha Assia et Laafa Sow pour Guineematin.com
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