Les mots et les maux du ministre

Habib Yimbering Diallo
Habib Yembering Diallo

Cher ami,

Une fois n’est pas coutume, je t’adresse ces quelque lignes pour te raconter l’épreuve peu enviable que je traverse et bien évidemment solliciter ta précieuse aide pour me sortir de cette situation. Ainsi, et comme tu as dû suivre l’actualité dans notre pays, j’avais prévu tout sauf ce qui est en train de m’arriver.

En l’espace de quelques mois, je suis passé du statut d’un homme puissant à celui d’une marionnette. Comme le grand frère ainé auquel le père a donné tous les pouvoirs sur ses frères et sœurs cadets et qui, subitement est chicoté proprement par le même père et devant toute la famille, j’ai été profondément humilié par celui qui m’avait pourtant rassuré que j’avais les pleins pouvoirs.

Mais, il n’y a pas que ce désaveu qui m’a fait souffrir. Il y a eu d’autres choses dont cette fameuse modification de la nouvelle loi suprême de notre pays. La loi à laquelle j’ai consacré toute mon énergie et toutes mes forces a été modifiée sans mon avis. Encore moins mon aval. Par qui, je ne saurai le dire. Toujours est-il que la modification en question va à l’encontre d’une convention non écrite entre mon patron et moi.

Ce changement qui dépouille désormais l’équipe que je suis censé diriger de toute crédibilité, m’a profondément bouleversé. L’enchaînement de tous ces coups m’a rendu malade. Mais, comme tu me connais, je ne me laisse pas abattre par le premier coup. C’est pourquoi, je suis en train de reculer pour mieux sauter.

Au passage, j’ai lu non sans ironie l’article d’un journaliste amateur selon lequel je suis confiné chez moi. Je qualifie cet homme d’amateur parce qu’il ne met pas le mot juste à sa place. Même si le confinement a le vent en poupe dans le monde, mon cas n’est pas un confinement. Dans mon cas c’est le mot RETRANCHEMENT qui sied. Un confiné subit. Un retranché fait subir. Le premier est passif. Tandis que le second est actif.

Je suis donc tel un soldat mutin retranché quelque part et prêt non pas à subir un assaut mais à en donner. C’est vrai que j’ai donné comme prétexte le fameux confinement pour justifier mon absence sur la scène publique. Mais si les autres ignorent la réalité, mon principal protagoniste, lui, en homme averti, sait pertinemment ce qui se passe. Il sait que je suis en colère. Et, il sait pourquoi.

Pour le moment, il pense m’avoir roulé dans la farine. Mais, il ne sait pas que je pourrais le rouler dans le ciment. C’est vrai que jusqu’ici il a plutôt remporté la partie contre moi. En effet, à partir du moment où j’ai fait fondre mon parti dans le sien, j’ai commis une erreur fatale. Mais, les épreuves sont faites pour être surmontées. Je te promets que je vais surmonter celle à laquelle je suis confronté.

Cette erreur est celle d’accepter une soi-disant fusion qui n’en était pas une. Je ne t’apprends rien en te disant que dans une fusion chaque partie perd une partie de ses pouvoirs et prérogatives. Exemple, devant l’hégémonie chinoise ou indienne, deux entreprises européennes décident de fusionner. Les pertes et les profits sont partagés.

Dans notre fusion, nous, c’est l’un qui avale l’autre. Cela a été la plus grave erreur que j’ai commise dans ma vie. Car je me retrouve comme un soldat dépouillé de son arme. J’ai sacrifié mon parti. Même si je veux je ne peux pas créer un autre dans la mesure où c’est le même qui a avalé mon parti qui devra autoriser la création d’un autre. Ce qu’il ne fera jamais. Or les récents déboires d’un autre qui avait quitté son parti pour adhérer à un autre sont suffisamment dissuasifs pour tenter de récupérer un de ces nombreux partis sans militants, sans moyens, ni siège.

Il y a des cadres qui seraient prêts à me céder la présidence de leur parti ; mais, je crains que la suite ne soit à l’image d’un homme qui récupère une femme abandonnée à laquelle il apporte tous les soins du monde et qui, devenue propre et belle, abandonne le pauvre homme. Le récent cas dont je parlais plus haut est un cas d’école.

Bref, mes problèmes sont nombreux et semblent être insurmontables. Mais, c’est sans me connaître. Dans ma stratégie de riposte, comme le mot est en vogue, je souhaite obtenir ton concours. Je veux que tu ailles voir notre vieil ami, le Karamoko pour lui dire que j’ai besoin de lui. Plus que par le passé. Je souhaite qu’il m’aide à neutraliser mes ennemis. Et, surtout, à reconquérir le cœur de mon patron pour que je sois son dauphin préféré.

Je ne me fais guère d’illusion. Je sais que beaucoup d’autres travaillent pour le même objectif. Mais, comme disent nos cousins de l’autre coté, c’est parmi les balles qui ratent leur cible qu’il y a celles qui vont l’atteindre. Pour le prix de la kola, tu peux le rassurer. A condition toutefois que la situation actuelle change, que je sois à nouveau dans le cœur de mon patron qui m’a tourné le dos ces derniers temps. Et, ça, c’est notre faute nous trois : toi, mon Karamoko et moi-même. Nous avons tous dormi sur nos lauriers. Laissant le terrain favorable à l’adversaire ou plutôt aux adversaires. Car, ils sont nombreux, nuisibles et redoutables.

Pour terminer, je n’attends pas une réponse écrite de ta part. J’attends plutôt les retombées du travail du vieux. C’est-à-dire le retour à de meilleurs sentiments entre mon patron et moi.

Ton ami, le ministre confiné pour les uns et retranché pour lui-même.

Toute ressemblance entre cette histoire et une autre n’est que pure coïncidence

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

Téléphone : 664 27 27 47

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