Mory Doumbouya s’installe à la tête du ministère de la justice : « vous me jugerez par les actes »

Mory Doumbouya, nouveau ministre de la justice

A la faveur d’une cérémonie organisée au ministère de la justice hier, jeudi 25 juin 2020, le désormais ancien ministre de la justice gardes des sceaux, Mamadou Lamine Fofana, a passé la main à son successeur, Mory Doumbouya, nommé la semaine dernière à la tête de cet important département. C’est le ministre secrétaire général du gouvernement, Lansana Komara, qui a présidé cette cérémonie de passation de service, en présence de plusieurs cadres de l’appareil judiciaire guinéen, rapporte un journaliste de Guineematin.com qui était sur place.

C’est dans une salle d’une vingtaine de personnes (comme recommandé par la présidence pour l’occasion) que le ministre Mamadou Lamine Fofana a passé le témoin à Me Mory Doumbouya. Il n’y a pas eu de poignets de mains, encore moins des accolades entre eux (à cause de la maladie de COVID-19 qui sévit actuellement en Guinée), mais les ministres sortant et entrant de la justice se sont mutuellement tressés des couronnes devant l’assistance.

La cérémonie de passation de service entre les deux hommes a commencé par une allocution du président de l’association des magistrats de Guinée. Dans un discours fleuve, Aly Thiam a rendu un hommage au garde des sceaux sortant. Il a ensuite interpellé le ministre entrant de la justice sur les attentes des hommes en robe noir et rouge.

Aly Thiam, président de l’association des magistrats de Guinée

« Monsieur le ministre Mory Doumbouya, des chantiers importants vous attendent. Les magistrats n’ont pas de mutuelle de santé, qui a reçu pourtant l’approbation de monsieur le président de la république depuis plus de trois années. Ils attendent avec une impatience fébrile la mise en place du service de gestion de la carrière et des pensions des magistrats, créé par le décret 152 du 1er Octobre 2013 (…) et régit par le décret 324 du 5 Décembre 2019, fixant le régime des pensions et rémunération des magistrats. Deux projets de décret sur ces questions sont élaborés et attendent d’être soumis à la signature de monsieur le président de la république… Le chef de l’Etat a eu la mansuétude de doter les présidents de chambre de la cour suprême de véhicules de service ; cependant, les magistrats du parquet général et les conseillers de ladite cour n’en sont pas encore dotés. Il en est de même des chefs de juridiction et des parquets des cours d’appel et des tribunaux de première instance. Par ailleurs, il a été admis que les crédits de fonctionnement des juridictions seraient séparés de ceux du ministère. Cette mesure a été appliquée en ce qui concerne le tribunal du commerce ; mais, tarde à l’être pour les cours d’appels et les tribunaux de première instance… La justice administrative doit bénéficier de votre attention. Nous sommes le seul pays francophone de notre sous région ne disposant ni de code des obligations de l’administration, ni du code de la justice administrative. Ces textes, si vous les mettez en chantier, et je vous encourage à le faire monsieur le ministre Doumbouya, compléteront le gigantesque œuvre de construction de l’Etat de droit opéré sous l’autorité féconde du professeur Alpha Condé… L’association des magistrats se tient à vos côtés pour apporter ou contribuer à apporter des solutions à la primauté du droit, au respect des règles de procédure et de déontologie et au nécessaire renforcement des capacités des magistrats et des greffiers…», a indiqué Aly Thiam.

Lansana Komara, ministre secrétaire général du gouvernement

Prenant la parole, le ministre secrétaire général du gouvernement a rappelé que la présente cérémonie de passation se tient dans un cadre exceptionnel où la COVID-19 est en train de sévir en Guinée. Lansana Komara a profité de l’occasion pour souhaiter bonne santé à tous et prompt rétablissement à ceux qui sont déjà malade de COVID-19. « Mes pensés vont aussi à ceux qui sont décédés suite à cette maladie de coronavirus. Que Dieu ait leurs âmes », a-t-il dit avant donner la parole au ministre Mamadou Lamine Fofana.

Dans son allocution de circonstance, le ministre sortant de la justice a remercié le président Alpha Condé de lui avoir donné l’occasion d’apporter sa part de contribution pour le « rayonnement de la justice » en Guinée. Mamadou Lamine Fofana a ensuite loué la « bonne collaboration » qu’il a entretenu avec la « famille judiciaire » durant son temps à la tête du département de la justice. « Une collaboration dont le résultat a permis de réaliser des actions phares (…) comme l’émergence et le renforcement d’une magistrature responsable. Le code civil et le code de l’enfant ont été adoptés et vulgarisés, 56 juges d’application des peines ont été nommés, les projets de textes fixant les attributions des structures du ministère de la justice ainsi que leurs cadres organiques ont été élaborés, 50 magistrats et 50 greffiers formés ont prêté serment et sont entrés en service, 50 auditeurs de justice et 50 élèves greffiers sont recrutés et ont débuté leurs cours, 18 magistrats dont 4 greffiers et 10 juges consulaires du tribunal du commerce de Conakry ont fait un stage au tribunal de commerce d’Abidjan (Côte d’Ivoire), 150 cadres pénitentiaires ont pu suivre une formation commune de base à l’école de la gendarmerie de Kaléya et sont en affectation. Le ministère de la justice a aussi bénéficié de projets d’appui en termes de renforcement de capacités et de prise en compte des besoins de l’enfant dans la reforme du système judiciaire. Grâce à ce projet, nous avons obtenu la formation de 150 acteurs de la chaîne pénale impliqués dans la protection et la promotion de l’enfant guinéen, les données sur la situation des enfants privés de liberté et en milieu carcéral ont été collectées, mises à jour et partagés avec les acteurs appropriés… A l’objectif spécifique numéro 3 (la lutte contre l’impunité), 19 magistrats ont été sanctionnés pour indélicatesse dont 6 rétrogradés, 4 avertissements, 5 blâmés et un radié du tableau d’avancement. 20 magistrats et 12 greffiers ont été désignés et formés en prélude à la tenue du procès des évènements du 28 septembre 2009, deux réunions du comité de pilotage dudit procès ont été organisées… En fin, l’objectif numéro 4 (contribution à la lutte contre la corruption, le détournement de deniers publics et les fraudes pour la restauration de la crédibilité de l’Etat), 36 magistrats des tribunaux de première instance ont été nommés pour juger les crimes économiques, 12 magistrats ont suivis des séminaires spéciaux de formation sur la lutte contre la corruption au Botswana », a cité Mamadou Lamine Fofana.

S’agissant des perspectives ; et, tout en souhaitant plein succès à son remplaçant à la tête du département de la justice, le garde des sceaux sortant a dit qu’il y a lieu de relever « la poursuite des travaux de construction du tribunal ad-hoc qui doit abriter le procès des évènements du 28 septembre 2009 et la formation des magistrats et greffiers appelés à conduire ce procès ; la poursuite des réunions du comité de pilotage pour l’organisation du procès du 28 septembre, poursuite de la formation de 150 gardes pénitentiaires à Kaléya, la poursuite des travaux de construction des tribunaux de première instance de Kindia, Mamou, Faranah, Beyla et Dubréka ; la poursuite des travaux de construction de la prison civile de Coyah et celles de Koundara et Pita ; l’achèvement des travaux de rénovation de la cour d’appel de Conakry et la continuation de ceux du centre de formation judiciaire… »

Pour sa part, le ministre entrant de la justice a tout d’abord rendu grâce au président Alpha Condé, qu’il dit avoir été « fortement inspiré par le tout puissant », en l’investissant le 19 juin 2020 dans les fonctions de ministre de la justice garde des sceaux. Mory Doumbouya a ensuite demandé qu’il soit jugé sur ses actes à la tête du département de la justice.

Mory Doumbouya, nouveau ministre de la justice

« Je voudrais réussir cette mission exaltante, redoutable, après avoir consacré quatre années à la gestion du contentieux de l’Etat, en comptant sur l’engagement et la collaboration de tous les professionnels du droit. Je ne viens pour ou contre personne. Aux justiciables et aux investisseurs à tous les niveaux, je vous donne la ferme assurance de veiller à une strict et rigoureuse application de la loi par les cours et les tribunaux. A monsieur le ministre d’Etat Mamadou Lamine Fofana, merci pour le travail remarquable accompli pendant votre passage au département de la justice. Comme un soldat qui s’apprête à déployer son arsenal de frappe au front, je préfère être jugé par des actes posés », a dit le ministre Mory Doumbouya avant d’être déclaré installé dans ses fonctions de ministre de la justice garde des sceaux.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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