Déforestation, relations avec les communautés… le chef de la centrale de Garafiri à Guineematin

Barrage hydroélectrique de Garafiri
Barrage hydroélectrique de Garafiri

Le barrage hydroélectrique de Garafiri, situé dans la sous préfecture de Bangouya, à 135 km de Kindia, est un patrimoine réalisé sous le régime de feu Lansana Conté et inauguré en 1998. Actuellement, le barrage est géré à 100% par des guinéens. Mais, il est agressé par les cultures sur brûlis, la coupe abusive du bois, la fabrication du charbon et d’autres activités humaines. Une situation qui préoccupe notamment les responsables de la centrale, confrontés à d’autres difficultés internes pour faire fonctionner normalement ce barrage qui alimente Conakry en électricité.

Dans un entretien accordé récemment à l’envoyé spécial de Guineematin.com sur place, Mamadou Tounkara, le chef de la centrale du barrage hydroélectrique de Garafiri, a expliqué les difficultés rencontrées sur le terrain.

Guineematin.com : nous constatons que la population du village de Garafiri qui abrite le barrage hydro électrique utilise des ampoules incandescentes contrairement aux travailleurs de la centrale dans la cité qui utilisent les ampoules économiques. Est ce qu’il y a eu une sensibilisation pour que ça s’arrête ?

Mamadou Tounkara : ce qui est recommandé, ce sont les ampoules économiques .Ici, on est dans un village où les gens n’ont pas été sensibilisés pour pouvoir utiliser les ampoules économiques. Ils utilisent les ampoules incandescentes. Donc, il faudra nécessairement que les services compétents de la société EDG sensibilisent la population sur l’utilisation des ampoules économiques.

Guineematin.com : aujourd’hui, les habitants de Garafiri se plaignent de délestage dans leur localité. Ce n’est pas paradoxal alors qu’ils sont sous le nez et la barbe du barrage ?

Mamadou Tounkara

Mamadou Tounkara : moralement, oui. Mais du point de vue service, cela ne m’engage pas parce que j’ai remonté l’information à la hiérarchie en disant que le village a grandi. La consommation du courant devient de plus en plus importante. Sur ce, j’ai demandé à ce qu’on envoie un transformateur sur place. Cette demande n’a pas vue le jour d’abord. Tout récemment, il y a eu une équipe qui est venue à travers le ministère de l’énergie pour l’alimentation villageoise pour la réhabilitation du réseau. Donc, on espère que d’ici quelques mois, le village va être doté d’une source d’alimentation requise.

Guineematin.com: est-ce qu’il y a une bonne collaboration entre vous les populations d’ici ?

Mamadou Tounkara : j’espère que Oui. On tente de faire le maximum de nous-mêmes pour une bonne collaboration. D’abord, nous sommes venus, nous de la cité, on avait de l’eau, on avait du courant. On a tout fait pour que le village ait de l’eau et du courant. Au moment où on envoyait le courant le village était petit. Mais, comme le village est devenu grand, donc le courant qu’on envoie là-bas est devenu petit. C’est pour cela que les gens se plaignent pour avoir un transformateur afin d’être servi du bon courant. Ensuite, il n’y avait pas d’eau courante au village. On a fait également en sorte qu’on les raccorde au niveau du réseau d’adduction en eau de la cité au niveau du village. Tout cela permet d’avoir des bonnes relations avec les villageois. La collaboration avec les autorités du village se passe normalement. On participe à tous les cas sociaux du village.

Guineematin.com : aujourd’hui, il y a une réelle menace sur l’environnement avec les actions des hommes. Comment vivez-vous cette triste réalité ?

Mamadou Tounkara : il y a une inquiétude par rapport à l’environnement parce que la coupe du bois n’est pas respectée. Il y a des cultivateurs, des charbonniers qui ne respectent pas les normes. Cela constitue nos difficultés. Au début de la réalisation de ce barrage, la zone était assez humide. Maintenant, il y a une forte chaleur due à la coupe abusive du bois du pourtour et contour du barrage. Il ya les cultures au bord du barrage qui nuisent le lac parce que les eaux viennent, elles drainent la terre vers le barrage. En ce moment, on peut dire que Garafiri avait tel volume d’eau parce que le lac était bien dégagé. Maintenant, il y a eu envahissement de terre. Donc, il y a une partie de la terre qui a occupé le lac. Et c’est le même vase. Cela veut dire que si vous avez par exemple 10m³ stockés en 1998, peut être actuellement, vous avez 8m³ ou 9m³. Cela même va impacter la fourniture du courant et on tournera en fonction du niveau qu’on a. Le groupe travaille en fonction du niveau d’eau qu’on a dans le barrage. S’il ne pleut pas bien, ce n’est pas bon. Si le barrage est rempli de terre, ce n’est pas bon aussi. Tous ces facteurs affectent la vie de l’ouvrage.

Guineematin.com : monsieur Kourouma, une fois au lieu du travail ici, on vous confond aux autres travailleurs que vous commandez. Comment peut-on expliquer une telle attitude ?

Barrage hydroélectrique de Garafiri

Mamadou Tounkara : pour motiver les travailleurs, il faut que tu sois à leurs côtés et moi je n’ai pas commencé directement dans les bureaux. J’ai commencé par être ouvrier avant d’atteindre le bureau. Je suis ingénieur, je suis allé dans le Samou Donkéya par exemple, j’ai travaillé comme je travaille comme ça. Donc, ça me gêne de m’asseoir dans le bureau et voir comment mes travailleurs souffrent. Lorsque je viens, je regarde directement, je veux dire telle chose manque, il y a telle clef qui manque, les gens ont des difficultés. Mais, si tu t’assois au bureau, on ne va pas te remonter tous les problèmes qu’il y a. C’est ce qui fait que Garafiri marche bien parce que nous tous on est dans le même panier. On travaille ensemble on monte, on descend….

Guineematin.com : à force de voir cette centrale, on a tendance à croire que vous travaillez 24h/24. Quelle est la stratégie utilisée pour le bon fonctionnement du service?

Mamadou Tounkara : On travaille du lundi jusqu’au vendredi. Mais, comme nous sommes dans un service continu, on est obligé de travailler soit les vendredi après-midi ou bien les samedis ou les dimanches. Ça, c’est pour nous permettre d’avoir le courant à tout temps parce que notre objectif, ce n’est pas arrêter un groupe ici. Il faut que les groupes fonctionnent 24/24 tant qu’il y a de l’eau. Donc, dès qu’il y a une machine qui tourne qui commence à donner des signes de faiblesses, on intervient là-dessus. C’est comme ce que vous avez vu ce matin, les travailleurs sont entrain de nettoyer les radiateurs de la machine parce qu’elle a chauffé. La température était énorme. On a demandé à Conakry d’arrêter le groupe, bien sûr cela va impacter sur la population parce qu’il y a des quartiers qui vont être coupés, mais lorsqu’on va nettoyer nous tous on va être à l’aise. La machine va travailler encore pendant six mois.

Guineematin.com : quelles sont vos difficultés majeures au niveau de cette centrale ?

Mamadou Tounkara : les difficultés majeures qu’on a ici commencent par des problèmes de ressources. D’abord, l’argent pour payer les matériels, les consommables, les pièces de rechange. Ensuite, le problème de moyens de déplacement. Nous n’avons pas de bons véhicules. Les véhicules pickup qu’on a sont devenus des vieilles générations. Donc, si voyez que nous mêmes les véhicules qu’on a ici ont des crevaisons, ce sont des difficultés. C’est pourquoi un atelier de vulgarisation pour réparer au moins nos pneus parce que s’il faut coller un pneu, vous êtes obligés d’aller jusqu’à Linsan à 50 km. Parmi les travailleurs, il y en a qui ont fait ça. Donc, on leur a créé cette petite condition pour qu’ils fassent le travail là pour nous. En plus, s’il y a un malade, il faut l’évacuer à Kindia ou à Conakry. Si on n’a pas de bons véhicules, on va avoir des problèmes. C’est pour cela que les moyens de déplacement sont indispensables, l’acquisition également des pièces de rechange est indispensable. On a eu des pannes tout récemment sur les groupes. Heureusement, on avait les pièces sur place stockées dans le magasin. On a démonté, on a remplacé sinon vous alliez trouver deux groupes en arrêt s’il n’y avait pas ces pièces de rechange-là. Et s’il y a deux groupes en arrêt, cela veut dire qu’une bonne partie de la ville de Conakry allait être dans l’obscurité. Donc, il faut nécessairement que la hiérarchie nous assiste. Si on fait des demandes d’achats, qu’on nous approvisionne en pièces de rechange pour qu’on puisse intervenir dès qu’il y a une panne d’un groupe et le rendre au réseau.

Guineematin.com : quel est votre dernier mot ?

Barrage hydroélectrique de Garafiri

Mamadou Tounkara : je remercie tous ceux qui sont à Conakry, qui nous écoutent et qui nous apportent leur concours pour que cela marche. Mon dernier mot, c’est de féliciter d’abord tous mes collaborateurs qui sont là, tout le personnel, parce que depuis qu’on a reçu la centrale jusqu’à maintenant, il n’y a que des guinéens. Je demande à tout le monde de venir voir le barrage. Nous travaillons même les jours de la fête pour que les gens soient satisfaits, surtout à Conakry. Les citoyens sont libres de venir regarder le patrimoine guinéen que nous nous exploitons. Nous préférons cela qu’au lieu de sortir faire des casses ou barricader les routes. D’abord, beaucoup de vols ont été effectués sur les câbles sur les réseaux de terre parce que les fils sont en cuivre. Alors, j’en appelle à la conscience de tous les citoyens de veiller sur nos installations ; s’il n’y a pas de courant, de s’informer pour connaître les difficultés, est-ce qu’il y a de l’eau ou des pièces de rechange ? De passage, de 1998 en 2000, tous les blancs sont partis. Ils nous ont laissé seul pour la centrale parce que tout le monde avait peur que tu ne montes dans un avion ou dans un véhicule et que l’avion ou le véhicule s’arrête par suite de panne. De passage de 1999 à 2000, on a travaillé ici. Ce jour-là, le 31 décembre 1999, les gens se sont regroupés, tout le personnel s’est regroupé et chacun est venu dans un point stratégique à l’usine pour voir comment la transition va se faire. Heureusement pour nous, la transition s’est bien déroulée. Et on était tous content. Nous sommes là. Il faut savoir, ici c’est un patrimoine, Garafiri est un patrimoine de la Guinée. Si l’on entretien bien, cela veut dire que les bailleurs de fonds, en visitant, verront que c’est bien entretenu. Ils auront le courage et la volonté de nous assister. Mais si on n’entretient pas ici, c’est qu’on n’aura pas entretenu l’ouvrage de la Guinée parce que ce barrage-là est financé par le gouvernement et la population.

De retour de Garafiri (Bangouya) Amadou Baïlo Batouala Diallo pour Guineematin.com

Tél : (00224) 628 51 67 96

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