Saison agricole 2020 en Guinée : les paysans attendent encore les engrais de l’Etat

Alors que la saison agricole de cette année, marquée par la pandémie de COVID-19, avance à grands enjambées, les paysans guinéens scrutent encore le chemin de l’engrais que l’Etat a pour coutume d’acheminer à l’intérieur du pays pour les agriculteurs. Un engrais qui est d’habitude disponible à partir du mois de mai et vendu à un prix abordable.

Seulement, cette année, les paysans semblent sevrés d’engrais ; et, cela suscite d’ailleurs des inquiétudes dans le monde agricole. Mais, au ministère de l’agriculture, on soutient que les engrais ont déjà été déployés dans toutes les préfectures. Et, l’indisponibilité de ces intrants au niveau des agriculteurs est due un retard enregistré au niveau de « l’itinéraire technique », rapporte Guineematin.com à travers un de ses reporters.

C’est un secret de polichinelle ! Depuis quelques années, l’Etat guinéen fait la promotion de l’agriculture et encourage le monde paysan par la distribution d’intrants agricole, notamment les engrais. Ceci, pour accroître la production nationale et développer le secteur de l’agriculture guinéen. En 2011, le gouvernement a importé 15 000 tonnes d’engrais en faveur des agriculteurs. L’année suivante, cette quantité a atteint 25 000 tonnes. Cela n’a cessé d’augmenter au fil des années. Car, pendant la campagne agricole 2017-2018, le gouvernement a mis 100 000 tonnes (tous types d’engrais confondus) à la disposition des paysans.

Pour cette année, on ignore encore la quantité d’engrais destinée aux agriculteurs. Mais, avec la saison agricole qui avance allègrement, les producteurs se plaignent de l’indisponibilité de l’engrais subventionné de l’Etat sur le marché. Et, dans la préfecture de Koundara, les paysans s’alarment sur la flambée du prix de l’engrais sur le marché noir. C’est le cas notamment de Alimou Koundara Diallo, agriculteur et premier vice-maire de la commune urbaine de Koundara.

« Pour le moment, il faut reconnaître que l’engrais n’est pas disponible pour les paysans de Koundara. On apprend de gauche à droit que Bobo Denkin (le président de la chambre nationale d’agriculture) a envoyé de l’engrais ; mais, jusqu’à présent, personne n’a pu avoir cet engrais de ses mains. Cependant, la saison est en train d’avancer. Et, c’est ce qui est inquiétant, parce que les gens ont labouré depuis presqu’un mois maintenant. Le NPK qui devait normalement être l’engrais de base pour permettre de faciliter la poussée des plants de riz n’est pas encore disponible. Donc, cela risque d’impacter sérieusement sur la rentabilité des récoltes… Chaque année, l’Etat avait l’habitude d’envoyer de l’engrais au mois de mai. Cet engrais était disponible et les gens achetaient à un prix très abordable. C’était à 135 mille francs. Mais, aujourd’hui, il y a un engrais sur le marché noir ici à Koundara. Il est vendu à un prix exorbitant qui varie entre 200 mille et 260 mille francs. Et, je me demande d’où vient cet engrais-là », a indiqué Alimou Koundara Diallo, joint au téléphone hier, mercredi 29 juillet 2020, par un de nos reporters.

Au ministère de l’agriculture, on se dit conscient de cette indisponibilité des intrants agricoles. Mais, selon le directeur national de l’agriculture, Mohamed Lamine Touré, les engrais ont déjà été déployés dans toutes les préfectures du pays. Seulement, affirme ce cadre du ministère de l’agriculture, il y a eu un retard au niveau de l’itinéraire technique.

« Il y a les engrais dans toutes les préfectures, c’est seulement qu’on n’a pas encore commencé la distribution. Mais, les engrais sont déposés dans toutes les préfectures. Je ne suis pas au bureau pour vous donner les quantités, mais les engrais sont arrivés. Evidemment, ce n’est pas en grande quantité comme avant ; parce que c’est pour boucher un peu les trous. Tu sais qu’il y a eu 100 mille tonnes il y a trois ans, quatre ans. Donc, c’est de voir les types d’engrais qui sont beaucoup plus utilisés, comme le NPK, et faire venir ces types d’engrais là pour au moins satisfaire les agriculteurs… Depuis 2011, le prix de l’engrais a été toujours 135 mille francs guinéens. Mais, c’est parce que la distribution-là n’a pas commencé, il faut reconnaître que nous sommes en retard par rapport à l’itinéraire technique, c’est pourquoi les gens qui ont commencé à utiliser les engrais préfèrent aller acheter à un prix cher (sur le marché noir). Parce qu’ils ne vont pas attendre. Ça, c’est un peu le défaut, c’est vrai. Mais, bientôt on va commencer la distribution », a dit Mohamed Lamine Touré.

En attendant le début de cette distribution des engrais, ceux qui en détiennent cet intrant sur le marché font saigner les petites économies des paysans. Des économies déjà à l’agonie à cause de la pandémie de COVID-19 qui sévit en Guinée depuis mars dernier.

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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