62 ans d’indépendance, quel bilan pour la Guinée ? Réactions de quelques citoyens

La Guinée célèbre demain, vendredi 2 octobre 2020, le 62ème anniversaire de son accession à l’indépendance. Une indépendance proclamée le 2 octobre 1958 et qui faisait au référendum organisé quelques jours plus tôt (le 28 septembre), au cours duquel les Guinéens ont massivement voté en faveur de l’accession de leur pays à la souveraineté nationale. 62 ans après, quel bilan faut-il tirer de la gestion de la Guinée par les Guinéens ? Un reporter de Guineematin.com a posé la question à quelques habitants de Conakry. Nous vous proposons ci-dessous leurs réponses.

Alsény Barry : « 62 ans après notre accession à l’indépendance, notre pays est dans une situation très grave. Parce qu’on est en train de faire les élections en se basant sur l’ethnie, sur la communauté. Ce qui n’est pas bon pour le pays. Même pour avoir un emploi, ce n’est souvent pas le mérite qui compte. Ce sont les relations. Si tu as un parent qui est bien placé quelque part, il te trouve une place là-bas même si tu n’as pas le niveau requis pour occuper le poste. Notre pays ne peut pas se développer dans ces conditions. Il y a combien de chômeurs aujourd’hui dans le pays ? Combien de jeunes diplômés qui n’ont pas un travail ? Donc, le bilan n’est pas positif. Si nous voulons aller de l’avant, nous devons bannir l’ethnocentrisme, nous unir, et mettre en avant le mérite avant toute autre considération ».

Naby Laye Moussa Keïta : « De 1958 à maintenant, notre pays n’a pas connu d’avancées significatives sur beaucoup de plans. Si vous prenez par exemple le secteur économique, c’est vrai que l’exploitation minière a connu un boom au fil des années, les tonnes de bauxite ne cessent de quitter le pays pour l’étranger, mais cela ne se ressent pas sur la vie des Guinéens. J’ai l’impression qu’on vit encore sous le joug colonial. Notre pays est considéré comme étant un scandale géologique : nous avons la plus grande réserve de bauxite au monde, nous avons suffisamment de terres cultivables, mais nous sommes très loin encore d’atteindre l’autosuffisance alimentaire ».

Le Guinéen est perpétuellement à la recherche du quotidien. Et dans beaucoup de familles, ce sont les mamans qui souffrent chaque jour pour gagner le quotidien. Sur le plan éducatif, le système a foiré depuis longtemps. Si vous prenez quelqu’un qui a étudié au temps de Sékou Touré (le premier président de la Guinée) jusqu’en 6ème année, vous verrez que son niveau dépasse celui de beaucoup d’étudiants aujourd’hui. Il y a eu une démission collective au niveau de l’éducation. Donc, je me dis que notre pays n’avance vraiment pas ».

Lamine Sylla : « Moi, je suis déçu du comportement de toutes les autorités de la Guinée. Les gens ne pensent qu’au pouvoir sans penser à comment ils sont venus. Aujourd’hui, on ne parle presque pas de la fête nationale marquant l’accession de notre indépendance, parce que tout le monde est concentré sur la politique pour avoir seulement son intérêt. Donc, pour moi, le bilan des 62 ans d’indépendance de notre pays est négatif. Au temps de Sékou Touré, c’était beaucoup mieux que maintenant là. Je prends un seul exemple dans le domaine de la pêche.

A l’époque, les gens achetaient le moteur hors-bord à 15.000 Syli. Il te suffisait de payer 10 litres de carburant pour aller en mer et tu revenais avec beaucoup de poissons. Aujourd’hui, pour avoir le moteur de 15 chevaux, il faut payer jusqu’à 27 millions de francs guinéens. Et, tu peux consommer une centaine de litres de carburant sans avoir grand-chose. Donc en résumé, le bilan est vraiment négatif, même si on parle de souveraineté ».

Mamadou Saidou Diallo : « A travers les livres d’histoire, mais aussi tout ce qu’on nous a raconté et ce qu’on a vécu, on a compris un peu ce qui s’est passé depuis l’accession de notre indépendance jusqu’à nos jours. Et, on peut dire qu’il y a eu des hauts et des bas. Quand je prends le premier régime, le régime de feu Ahmed Sékou Touré, il a posé beaucoup d’actes : il y a eu des industries, il y a eu des routes, il y a eu l’administration. Il y a eu également des progrès dans le secteur de l’éducation et sur le plan culturel. Le deuxième régime, celui du feu Général Lansana Conté, a également contribué au devenir de la Guinée à travers notamment la libéralisation des ondes et le désenclavement du pays.

Parce qu’il faut le reconnaître, c’est grâce au Général Lansana Conté que nous avons pu avoir une presse libre et indépendante en République de Guinée. Il y a eu également le pluralisme politique, le prolongement du réseau routier à travers tout le pays. Donc, lui aussi il a posé des jalons. Ensuite, il y a eu Capitaine Moussa Dadis Camara et le Général Sékouba Konaté, qui ont dirigé la transition de 2009-2010 en posant des actes salutaires. Ensuite, ce fut au tour d’Alpha Alpha Condé qui est actuellement au pouvoir, et qui a fait aussi des prouesses sur le plan énergétique.

Cependant, il faut reconnaître que beaucoup de choses qui sont essentielles restent encore à faire dans notre pays. Si nous prenons aujourd’hui le réseau routier, il y a vraiment un besoin pressant à ce niveau. Parce que beaucoup de routes du pays sont impraticables à cause de leur mauvais état. Nous avons également besoin d’un réseau ferroviaire, un réseau fluvial pour davantage améliorer la circulation des populations. Donc sur le plan des infrastructures en général, il y a un réel besoin qui se fait sentir. Il revient donc au gouvernement de redoubler d’efforts pour satisfaire les attentes des populations ».

Aboubacar Diesto Camara : « Pour parler du bilan de la gestion de la Guinée par les Guinéens, je vais parler seulement du secteur de la santé. Après 62 ans d’indépendance, nos gouvernants prennent encore des avions pour aller se soigner à l’étranger lorsqu’ils sont malades. Donc, cela constitue un facteur qui démontre aisément que le bilan n’est pas reluisant. Parce que nous n’avons pas de structures sanitaires adéquates qui permettent de traiter les gouvernants et les gouvernés dans le pays, sans recourir à des évacuations sanitaires à l’étranger ».

Propos recueillis par Mohamed DORE pour Guineematin.com

Tel : +224 622 07 93 59

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