Les mots et les maux du ministre : campagne, argent, vote contre le président…

Habib Yimbering Diallo
Habib Yembering Diallo

Cher ami,

De l’intérieur du pays où je me trouve, je t’adresse cette lettre pour te raconter les réalités du terrain. Celles de la campagne électorale que je mène sans tambour ni trompette. Et, ce contrairement à ce que pense l’opinion publique qui estime que nous sommes en train de dépenser sans compter. C’est peut-être le cas pour certains de mes collègues. Mais, très loin de mon cas personnel.

Comme si notre patron sait que notre mission est une tâche impossible, il nous a laissés venir bredouille. L’expérience des scrutins passés a dû le dissuader de mettre la main à la poche. Se disant sans doute que c’est un combat d’avance perdu : celui d’obtenir des voix dans cette région. Du coup, il semble s’être dit à chacun de se débrouiller. Les moyens mis à notre disposition sont à la dimension des résultats que nous espérons obtenir ici.

Ce qui m’oblige à faire recours à certaines personnes de confiance comme toi pour me permettre de mener ma mission jusqu’au bout. Une fois n’est pas coutume, je souhaite donc que tu me viennes au secours à travers une assistance financière. La campagne de cette année est un véritable jeu de dupes. Notre patron fait semblant de nous accompagner pour ne pas qu’on dise qu’il a battu une campagne parcellaire. Mes collègues et moi faisons semblant de mener cette campagne pour sauver nos postes. Enfin les citoyens font semblant de nous soutenir pour se remplir les poches. Mais ils oublient l’adage populaire selon lequel « on ne se brûle deux fois que dans la sauce ».

A l’occasion des précédentes élections, nous leur avons donné suffisamment pour voter pour nous. Ils nous avaient promis. A la proclamation des résultats nous avons compris qu’ils nous ont roulés dans la farine. C’est pourquoi notre patron a décidé cette fois de les rouler dans le ciment. Cela veut clairement dire que, contrairement à ce qu’on raconte, cette année nous avons limité les dépenses. Du moins dans ma région à moi. À l’opposé, celui qui est à notre patron ce que celui qu’on appelait autrefois le petit président était à l’ancien patron, lui, n’est pas logé dans la même enseigne que nous autres. Il est suffisamment doté à la dimension de sa personnalité et de sa région.

Habituellement, après une élection comme celle qui est prévue ce mois-ci, un homme comme moi devait mettre suffisamment à côté. Malheureusement les temps ont changé. La responsabilité incombe à ceux qui, avant nous, ont préféré leur poche. Imagine le cas de celui qui a reçu un milliard de nos francs pour battre campagne dans sa région. Il dépense un tiers. Garde deux autres. En justifiant le tout bien sûr. Il revient rendre compte et dire que les bénéficiaires ont promis de voter massivement pour son candidat. A la proclamation des résultats, il estime que ceux qui ont reçu les enveloppes l’ont trahi. Pendant que ces enveloppes sont dans sa chambre ou sur son compte.

C’est cela la triste réalité. Ce sont toujours les mauvais qui torpillent tout pour les bons. Bref, je suis en train de faire les frais des faits et méfais de ceux qui, avant moi, ont abusé à la fois de leur patron et les populations. Mais en réalité, qui ne trahit pas dans cette affaire, me diras –tu ? Ce n’est pas non plus mon patron. Lorsque vous avez promis aux gens monts et merveilles une fois et deux vous et qu’ils se rendent compte que ces promesses n’engagent que ceux qui croient en elles, il va de soi qu’ils réservent un accueil glacial aux représentants de notre parton. Comme c’est notre cas en ce moment. Figure-toi, dans certaines localités, ce sont les éléments qui nous accompagnent qui sont avec nous. Ce sont eux que nous montrons à la télévision. Et ce sont les mêmes qui nous applaudissent.

Tu auras remarqué de passage que la campagne de cette année est la plus morose. En outre, elle confirme la bipolarisation de la vie politique de notre pays. À mon avis si notre principal adversaire ne s’était pas présenté on nous aurait accusés d’avoir présenté des candidats taillés sur mesure. Car tous les observateurs sont unanimes que ces candidats ménagent la chèvre et le chou. Aucun d’entre eux ne s’en prend à notre bilan. Un bilan qui est notre opposant le plus coriace que tous les opposants.

C’est à mon avis pour cette raison que notre communication est aux antipodes de ce qui devait être fait en la matière. Comment peux-tu expliquer que le directoire de notre campagne puisse inonder le pays d’effigies de notre patron. En termes de communication c’est une erreur monumentale. Pour la simple raison qu’on affiche le portrait d’un candidat encore inconnu de ses concitoyens afin que ces derniers le voient, le connaissent et le distinguent des autres.

Mais lorsque quelqu’un a milité dans l’opposition pendant près de 30 ans, il a dirigé le pays pendant 10 ans on a pas besoin de le présenter à ses concitoyens. A la place de cette photo géante, il aurait fallu présenter ses réalisations. Quelqu’un m’a fait remarquer qu’il n’existe pas des réalisations à présenter. Je dis non. Je suis certes critiques en privé. Mais je reconnais quelques réalisations qu’on aurait dû présenter à la place de la photo de noter patron. Comme les hôtels qu’il a construits. Comme le barrage qu’il a réalisé. Comme les infrastructures qu’ils faites ici et là, notamment à l’occasion des fêtes tournantes de l’indépendance.

Mais, il n’y a pas que nous qui mettons le pied dans le plat en matière de communication. Notre principal concurrent n’est pas mieux loti que nous. La dernière fois j’ai remarqué en quittant la capitale que les initiales de son parti sont écrites partout à même le sol. Cela veut dire qu’o le piétine. Pire, les mêmes initiales sont écrites en gros caractère sur les poubelles que mon gouvernement a offertes à la population. Non seulement ces poubelles sont une propriété du gouvernement, mais aussi et surtout écrire le nom du parti à la poubelle a une signification symboliquement très négative. Je te prie de ne surtout pas leur faire cette remarque. Car s’ils corrigent cette faute, je leur aurais rendu service. Or ce n’est pas ma mission.

Bref, tu te rends compte que je me suis complètement écarté de mon sujet pour parler des choses qui ne te regardent pas. Pas moi non plus. Et je ne suis pas un spécialiste de la communication. Même si je l’étais, ce sont les erreurs de mon patri qui me regardent et non celles de celui qui veut me mettre au chômage. Car sa victoire constitue notre défaite.

Attendant impatiemment ta réaction pour ma demande d’assistance, je te prie de garder celle-ci strictement entre nous deux.

Ton ami le ministre Habib Yembering Diallo

Téléphone : 664 27 27 47

Toute ressemblance entre cette histoire et une autre n’est que pure coïncidence.

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