« Kaporo-rails, histoire d’une cité ruinée ». C’est le titre d’un documentaire retraçant le déguerpissement forcé des habitants de Kaporo-rails, Kipé 2 et Dimesse, effectué en février-mars 2019 par le gouvernement guinéen. Le collectif des victimes de ce déguerpissement a projeté ce film le samedi dernier, 10 octobre 2020, à la maison des jeunes de Ratoma (Conakry). Une façon pour ces citoyens de rappeler à l’opinion nationale la tragédie qu’ils ont vécue et pour laquelle ils continuent de réclamer justice, a constaté Guineematin.com à travers un de ses reporters.
D’une durée de 30 minutes 42 secondes, ce documentaire a été réalisé par trois journalistes, en collaboration avec le collectif des victimes de Kaporo-rails, Kipé 2 et Dimesse. Il retrace l’historique de l’occupation de Kaporo-rails jusqu’au déguerpissement de la zone, où au moins 2500 bâtiments ont été rasés par les autorités guinéennes, selon des images satellites étudiées par Human Rights Watch. Plus de 1 200 familles, comprenant 19 219 personnes, ont perdu leurs maisons et leurs terres, sans aucune compensation.
A l’occasion de cette cérémonie, qui a regroupé les autorités communales de Ratoma, plusieurs défenseurs des droits de l’homme et des médias entre autres, le président du collectif des victimes Kaporo-rails, Kipé 2 et Dimesse a indiqué que beaucoup d’entre eux vivent aujourd’hui encore dans la détresse la plus totale. « Aujourd’hui, nous sommes des réfugiés dans notre pays, nous n’arrivons même pas à trouver un siège pour nous réunir en tant que collectif des déguerpis. Beaucoup se méfient de nous, craignant des représailles de l’Etat », a déclaré Elhadj Alpha Oumar Diallo.
Malgré tout, ces citoyens ne baissent pas les bras. Déboutés par la justice guinéenne dans le procès qu’ils avaient intenté contre l’Etat, ils ont saisi la Haute Cour de Justice de la CEDEAO. Elhadj Alpha Oumar Diallo et les siens espèrent que cette juridiction supranationale leur rendra justice. « Les victimes de Kaporo-rails, Kipé 2 et Dimesse ont foi en Dieu, voilà pourquoi elles vont continuer leur lutte jusqu’à ce qu’elles soient rétablies dans leurs droits. Nous attendons une justice à la CEDEAO, qui verra le jour dès après la fin du Covid-19 », a-t-il dit.
Présent à la cérémonie de projection de ce documentaire, le président de l’organisation guinéenne des droits de l’homme (OGDH) a salué cette initiative des victimes, qui les aidera dans leur lutte pour obtenir justice. « L’histoire de Kaporo-rails, ce n’est pas maintenant que ça a commencé, c’est depuis 1998. Le mérite du collectif aujourd’hui, c’est d’avoir ce documentaire qui permet de sensibiliser l’opinion nationale et internationale. Et comme vous le savez, c’est un combat que nous menons au quotidien. Nous sommes solidaires avec le collectif. Nous sommes prêts à les accompagner chaque fois que le besoin se fait ressentir », a rassuré Abdoul Ghadiri Diallo.
De son côté, le maire de la commune de Ratoma a exprimé son souhait de voir ces déguerpis avoir justice. Issa Soumah souhaite aussi qu’une telle situation ne se reproduise plus dans notre pays. « Je souhaite que tout le monde mette la balle à terre et qu’on revoie la situation des déguerpis de Kaporo-rails. C’est une situation très difficile, parce que ces citoyens ont tout perdu. Au niveau de la commune de Ratoma, nous voulons que justice soit faite. Si on fait tomber ta maison, tu n’as plus où aller, il faut bien qu’on t’aide à avoir une autre maison. Je souhaite également que cela ne se répète plus dans notre pays. Je souhaite que les citoyens soient protégés, sécurisés avec leurs biens », a dit l’autorité communale.
Les victimes de Kaporo-rails, Kipé 2 et Dimesse ont mis cette occasion à profit pour remettre des satisfécits à toutes les personnes et organisations qui leur apportent du soutien dans leur combat pour obtenir justice.
Mamadou Bhoye Laafa Sow pour Guineematin.com
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