Empêché de sortir de la Guinée, Abé Sylla se confie à Guineematin : « j’ai saisi le département d’Etat américain »

Ibrahima Abé Sylla, ancien ministre de l’Energie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures
Ibrahima Abé Sylla, président de la Nouvelle Génération pour la République (NGR)

Dans un entretien qu’il a accordé à Guineematin.com, ce vendredi 6 novembre 2020, Ibrahima Abé Sylla est revenu sur l’interdiction qui lui a été faite de sortir du pays. Hier soir, le président de la Nouvelle Génération pour la République (NGR), arrivé troisième à l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, a été bloqué à l’aéroport de Conakry, où son passeport a été confisqué. L’opposant guinéen, qui voyageait avec son passeport américain, dit avoir saisi les autorités des Etats-Unis sur cette situation.

Décryptage !

Guineematin.com : vous avez été bloqué hier à l’aéroport de Conakry, où votre passeport a été confisqué pour vous empêcher de sortir du pays. Savez-vous qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

Ibrahima Abé Sylla : on ne m’a donné aucune raison. Je devais voyager hier nuit pour Washington par Air France. Mais quand je suis arrivé à l’aéroport, mon passeport a été saisi par la police, et remis à leur chef, un certain monsieur Condé. Celui-ci a disparu, on ne savait plus où il était. Donc, on n’a pas pu voyager, et nous sommes retournés à la maison.

Guineematin.com : vous êtes l’un des quatre candidats à la présidentielle du 18 octobre 2020 à avoir déposé des recours auprès de la Cour constitutionnelle pour contester les résultats publiés par la CENI. Pourquoi avez-vous décidé alors de voyager à la veille de la proclamation des résultats définitifs par cette Cour, annoncé pour demain, samedi ?

Ibrahima Abé Sylla : plusieurs raisons expliquent ce voyage. Premièrement, la Cour constitutionnelle devait rendre son arrêt au plus tard mercredi nuit d’autant plus que les derniers dossiers ont été reçus le week-end dernier. De ce fait, elle (la Cour constitutionnelle) avait 72 heures pour se prononcer. Donc, elle devait rendre l’arrêt au plus tard mercredi nuit. Cela n’a pas été fait. Je me suis dit d’attendre jeudi soir avant de voyager. Et, c’est ce que j’ai voulu faire pour aller me reposer un peu aux Etats-Unis. J’ai agi ainsi, parce que tout simplement j’ai compris que la Cour constitutionnelle n’était pas prête.

Comme vous le savez, depuis le départ de Kéléfa Sall (ancien président de l’institution), cette Cour constitutionnelle n’a que huit (8) juges en son sein. En plus de cela, il y a un juge, une dame, qui est tombée malade du Coronavirus. Ils avaient même fermé la Cour constitutionnelle jusqu’à nouvelle ordre. Donc, je voulais profiter de ce moment pour aller me reposer un peu et revenir plus tard au début de la semaine prochaine. C’était ça mon plan ; mais, les autorités m’en ont empêché.

Guineematin.com : avez-vous entrepris des démarches pour tenter de récupérer votre passeport ?

Ibrahima Abé Sylla : oui, vous savez, lorsqu’on vous retire votre passeport sans rien vous dire, c’est souvent pour deux (2) choses : soit c’est pour un cas de hold-up ou soit pour une affaire de terrorisme. Donc, dès qu’on m’a retiré mon passeport sans aucune raison valable, j’ai immédiatement saisi le département d’Etat américain pour les informer de ce que je venais de subir. Je l’ai fait en tant que citoyen américain pour la sécurité même des Etats-Unis.

Parce que si ce passeport tombe dans de mauvaises mains, les terroristes peuvent avoir accès aux Etats Unis pour faire du mal. Donc, il fallait tout de suite les informer en tant que citoyen américain, des conditions dans lesquelles mon passeport a été saisi. Ce vendredi matin, j’ai appelé l’ambassade des Etats-Unis ici à Conakry pour les informer de la situation, parce que je possédais un passeport américain.

Guineematin.com : quels sont les préjudices que vous subissez du fait du refus des autorités guinéennes de vous laisser voyager ?

Ibrahima Abé Sylla : j’ai subi beaucoup de préjudices. D’abord, le billet d’avion est perdu. Je n’ai pas respecté mon engagement ; donc, Air France va me pénaliser. En plus, j’avais des engagements là-bas (aux Etats-Unis) que je ne vais pas honorer. C’est une perte énorme. Je devais aller et revenir au plus tard lundi ou mardi prochain, après ma réunion et le petit repos que je devais avoir.

Guineematin.com : je disais tantôt que l’arrêt de la Cour constitutionnelle est attendu demain, samedi. Que fera la NGR si sa requête n’obtient pas de suite favorable ?

Ibrahima Abé Sylla : puisqu’ils ne l’ont pas fait, je ne peux pas préjuger pour le moment. Je garde ça à notre niveau. Et, tout ce que nous allons faire sera fait à travers un consensus au niveau de mon parti. Je suis président d’un parti, donc toute décision qui doit être prise, doit être une décision concertée. Deuxièmement, je ne sais pas comment cette Cour constitutionnelle va pouvoir proclamer ces résultats dans ce sens qu’elle n’a que sept (7) juges pour ce travail énorme.

Ça, c’est contraire à notre constitution qui dit qu’il faut neuf (9) juges pour faire un travail lié à l’élection du président de la République. Donc, s’il faut nommer un juge en violant la loi, c’est risqué. Donc, techniquement, ils ne peuvent pas le faire. C’est une des raisons pour lesquelles je me suis dit qu’on ne peut pas faire ce travail tant que les neuf (9) juges de la Cour ne seront pas au complet.

Entretien réalisé par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com
Tél. : (00224) 621 09 08 18

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