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3ème mandat d’Alpha Condé en Guinée : quelques leçons de l’aboutissement d’un projet

Après la proclamation des résultats provisoires de la présidentielle, le principal challenger d’Alpha Condé avait déclaré « nous allons déposer un recours à la cour constitutionnelle sans se faire d’illusion ». Ce qui voulait dire que la défaite était consommée. Parce que, connaissant bien les institutions dites républicaines, Cellou Dalein Diallo savait pertinemment que la cour constitutionnelle ne donnerait pas un résultat différent de celui de la CENI.

Maintenant que cette présidentielle chaotique est derrière nous, il faut tirer quelques leçons de ce processus. Un processus qui a commencé le jour où, pour la première fois, un Directeur général de la police avait donné le ton à N’Zérékoré pour un troisième mandat. Entre la date à laquelle cette déclaration a été faite et cette autre, le pouvoir a mis tout son poids dans la balance pour ce troisième mandat qu’il qualifie subtilement de premier mandat de la quatrième république. C’est la fin qui a justifié les moyens.

Il faut donc à chaud tirer quelques leçons de cette présidentielle qui a déchainé les passions.

Première leçon : il fallait être naïf pour espérer que le pouvoir consentirait tous ces sacrifices pour perdre cette élection. Les vies humaines, les biens publics et privés, ainsi que les maigres caisses de l’Etat ont été particulièrement éprouvés pour le besoin de la cause. Ce troisième mandat était une fin soi. Il n’était pas négociable. Ceux qui l’ont compris ont gardé profil bas. Même si, comme nous allons le voir plus loin, la candidature de l’UFDG n’aura pas été totalement négative.

Deuxième leçon : une nouvelle fois cette élection a confirmé la bipolarisation de la vie politique du pays. La réalité sur le terrain ces dix dernières années donne raison a posteriori au président Lansana Conté. Lequel avait proposé un bipartisme. Sa proposition fut rejetée en bloc par l’opposition avec à sa tête un certain Alpha Condé qui avait réclamé un multipartisme intégral ou rien. Avec le recul, l’histoire pourrait donner raison à l’homme. Sachant que le multipartisme et ses corolaires de division ne nous ont apportés que malheurs et pleurs pour le moment. Il va falloir peut-être remettre à la proposition du président Conté sur la table.

Troisième leçon : Il est vrai qu’il y avait quelques individualités parmi les candidatures à cette élection. Notamment celles de deux Ousmane Kaba et Doré, de celles de Me Aboul Kabelé Camara ou d’Abé Sylla ainsi que les deux dames. Par contre, quatre autres candidatures avaient surpris les observateurs. Parce que ces candidats étaient totalement inconnus du public. A l’exception d’un seul, dont le parti a participé aux dernières élections législatives, il a fallu la campagne électorale pour que les Guinéens découvrent pour la première fois ces hommes qui veulent diriger leur pays. C’est ce qui explique en partie le fait qu’on les soupçonna à tort ou à raison d’être des candidats taillés sur mesure au cas le candidat du pouvoir n’aurait pas eu de concurrents.

Quatrième leçon : la participation de Cellou Dalein Diallo à cette élection a sans doute donné à celle-ci la dimension et les enjeux d’une véritable élection présidentielle. Cette participation a obligé le pouvoir à retrousser les manches pour battre campagne. Si l’UFDG avait emboité le pas à l’UFR, au PEDN et aux autres, cette élection n’aurait suscité aucun engouement. Mais sa participation l’a aussi légitimée. Et c’est là que certains observateurs déplorent voire dénoncent une certaine incohérence du principal parti de l’opposition. Car, à l’exception du fait que les élections législatives étaient couplées avec le référendum, il n’y avait aucune différence entre ces législatives et la présidentielle.

C’est vrai que le sacrifice aura été lourd en termes de morts et de destructions des biens, mais la participation de l’UFDG a tout de même démenti les allégations qu’on entendait après le double scrutin de mars, selon lesquelles ce parti était en perte de vitesse. Et d’ailleurs sa décision nous a rappelés l’adage selon lequel « quand les fourmis magnans entrent dans la maison les cancrelats sortent ». Alors que le président du parti politique arrivé deuxième aux législatives était qualifié pompeusement de chef de file de l’opposition, quand le vrai chef de cette opposition a décidé d’aller à la présidentielle, le chef de file désigné a préféré jeter l’éponge pour rejoindre le camp de ceux boycottent l’élection.

Cinquième leçon : les menaces dont certains candidats ont fait l’objet en Haute Guinée où ils n’ont pas pu battre campagne est la preuve, s’il en était besoin, que la compétition électorale est toujours plus équitable si le sortant n’est pas candidat à sa propre succession. A titre d’exemple, en 2010 tous les candidats avaient battu campagne partout sur le territoire national.

Enfin, la sixième leçon à tirer de cette présidentielle c’est le paradoxe de la démocratie et la duplicité de la communauté internationale. En effet, un président démocratiquement élu ne peut pas et ne doit pas toucher à un cheveu d’un citoyen. A plus forte raison l’abattre comme un gibier. Avant tout la démocratie garantit la liberté. Elle protège la vie. Un élu qui fait tirer sur ses concitoyens est pire qu’un putschiste.

Parlant justement de putsch, il faut relever la duplicité de la communauté internationale entre un coup d’Etat militaire et un coup d’Etat civil. Les exemples ne finissent pas. Le récent coup d’Etat au Mali a suscité une levée de boucliers. Les auteurs, devenus parias de la société, ont été sommés de rendre le pouvoir aux civils. Alors que leur prise de pouvoir n’a pas fait des blessés encore moins de morts, chez leur voisin de l’Ouest une modification constitutionnelle a fait une centaine de morts. Et la fameuse communauté internationale, qui a accablé la junte malienne de tous les péchés d’Israël, garde un silence de cimetière sur le drame qui se joue en Guinée.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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