Arrestations d’opposants en Guinée : Taran Diallo (ADR) dénonce et fait une proposition de sortie de crise

Alpha Oumar Taran Diallo, président du parti ADR
Mamadou Taran Diallo, président du parti ADR


Actuellement en Guinée, de plus en plus d’opposant au régime Alpha Condé font l’objet d’un acharnement politico-judiciaire. Plusieurs cadres de l’UFDG (la principale formation politique d’opposition en Guinée) et ses alliés de l’ANAD (alliance nationale pour la démocratie et le développement) sont déjà en prison à Conakry. Et, dans un contexte de crise postélectorale tendue, cette situation est de nature à exacerber les tensions et attiger les clivages. C’est pourquoi, certains acteurs de la vie sociopolitique nationale s’empressent à solliciter un apaisement. C’est le cas du président de l’alliance pour la démocratie et le renouveau (ADR) et membre actif de l’ANAD.

Dans un entretien accordé à Guineematin.com hier, samedi 14 novembre 2020, Alpha Oumar Taran Diallo a particulièrement invité le président Alpha Condé à tenir des discours qui apaisent et qui rassemblent les Guinéens.

Décryptage !

Guineematin.com : plusieurs leaders des partis politiques membres de l’UFDG et de l’ANAD font actuellement l’objet de poursuites judiciaires. Beaucoup d’entre eux sont détenus à la direction centrale de la police judicaire et à la maison centrale de Conakry. En tant que leader de parti politique et membre de l’ANAD, que vous inspire cette situation ?

Mamadou Taran Diallo, président du parti ADR

Alpha Oumar Taran Diallo : C’est avec préoccupation que nous vivons cette situation.  Puisque pour nous, c’était une situation révolue dans notre pays, surtout quand on connait le parcours qui a été celui du peuple de Guinée de l’indépendance à maintenant. Donc, à un moment donné, on avait pensé que cette situation est révolue et que ça ne se reproduirait plus dans notre pays. Malheureusement, nous avons constaté que cela revient de plus en plus et que tous les acteurs politiques et même tous les leaders d’opinion sont en insécurité. Chacun peut se retrouver avec un mandat qui est lancé sans qu’il n’ait reçu une convocation ; et, il peut se retrouver arrêté de façon arbitraire et même kidnappé. Puisque parfois, ça n’obéît à aucune procédure prescrite par la loi. Donc, tout ceci est vraiment préoccupant et c’est regrettable que cela continue à exister dans notre pays au jour d’aujourd’hui.

Guineematin.com : nombreux sont les guinéens qui pensent aujourd’hui que la justice est au service du pouvoir dans ce pays et que les arrestations ne sont dirigées que vers un seul camp. Est-ce que vous partagez cette façon de voir les choses ?

Alpha Oumar Taran Diallo : Je dirais que c’est à juste raison que les gens pensent cela. Je dis souvent que la confiance, ce n’est pas en tapant du poing sur la table qu’on l’obtient ; mais, c’est en construisant la confiance. Elle se construit par notamment l’impartialité de l’exécutif, surtout le respect que l’exécutif doit accorder aux autres institutions de la République pour entrainer une nette séparation du pouvoir. Pour que cette cloison soit étanche, il faut que chaque institution puisse exercer ses prérogatives en toute indépendance. Malheureusement, dans notre pays, souvent, on est confronté à cette situation ; parce que tout simplement les cadres qui incarnent ces institutions n’ont pas la posture adaptée, n’ont pas la posture adéquate et n’ont pas l’intégrité requise. Parce que sur le papier, selon la loi, toutes ces institutions sont indépendantes les unes des autres. Et, chacune d’elles a des prérogatives qui lui permettent d’apporter le bien-être aux populations guinéennes. Malheureusement, les cadres qui s’y trouvent s’inféodent à l’exécutif et se mettent en subordination de l’exécutif, alors qu’ils ne sont pas leurs subordonnés. La justice également, la situation que nous vivons aujourd’hui dans notre pays, c’est justement l’absence de cette indépendance de la justice guinéenne. Vous remarquerez que quand tu dénonces une mauvaise gouvernance, en tout cas une action qui n’est pas en droite ligne de la loi de la République, automatiquement tu es arrêté, ou-bien tu es persécuté, tu es inquiété. Alors que de l’autre côté, les bavures policières font légion avec mort d’hommes, des répressions brutales, et beaucoup d’exactions. Il n’y a aucune enquête qui est diligentée. Il y a trop d’injustice, les gens subissent des choses et la justice reste les yeux fermés. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui tout le monde se sent en insécurité dans notre pays. Et, c’est ce qui fait aussi que les investisseurs ne se  bousculent pas chez nous. Parce que quand tu envoies ton argent quelques part, tu as envie au moins, s’il ne se fructifie pas, que tu puisses le récupérer tel qu’il est.

Guineematin.com : Quelles solutions vous proposer pour une sortie heureuse de cette crise postélectorale ?

Alpha Oumar Taran Diallo : La première des choses, il faut qu’on reconnaisse le vote des citoyens. Il faut que quand tu t’exprimes, tu exprimes un choix, que le vote que tu as déposé dans l’urne aille à celui auquel tu l’as destiné. Vous avez suivi, la synergie des radios a sortie des résultats similaires aux résultats que nous nous avons publiés, les résultats de la compilation que nous avons faite, des résultats affichés devant les bureaux de vote. La synergie des radios a travaillé sur un échantillon de 10, 49% de votes exprimés. Ça, c’est autour de 700 mille votes pris à travers tout le pays. Donc, l’échantillon est représentatif. A travers cet échantillon, on a plusieurs enseignements qui sortent. Premièrement, le taux de participation qui n’atteint pas du tout 100% comme la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) le dit dans certaines régions. Mais, dans aucune des régions de la Guinée, le tôt de participation n’a dépassé 70%. Ensuite, les résultats de ces votes-là aux ayants droit : vous avez Cellou Dalein Diallo avec plus de 56% et Alpha Condé avec moins de 34%. En plus, il y a le nombre de bulletins nuls. Ça dépasse nettement ce que la CENI a exprimé pour certaines régions. Donc, il y a tous ces enseignements-là que nous devrions mettre en application pour apaiser la situation, et restaurer la démocratie dans notre pays. Mais aussi, il faut s’inspirer de ce qui se passe ailleurs. Dans les autres pays, ceux qui sont au pouvoir tendent la main, une main frange, parce qu’ils ont déjà eu à travailler, à s’investir pour leur pays. Quand je prends le cas de la Côte d’ivoire notamment, parce qu’actuellement la Guinée et la Côte d’Ivoire on peut faire le parallèle du point de vue crise postélectorale. En Côte d’Ivoire, vous voyez que le président Ouattara s’empresse de calmer la situation parce qu’il sait qu’il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites aujourd’hui. Le développement des infrastructures est passé par-là pendant les années passées. Donc, il ne veut pas que cela se détruise. Mais, puisque dans notre pays il n’y a eu aucun développement véritable, ni au niveau des infrastructures, ni dans le secteur de l’éducation, dans le secteur de la santé et dans les autres secteurs, en dehors de l’exportation de la bauxite qui, quand on évalue bien, on se rendra compte que ça ne nous apporte que de difficultés au lieu de nous apporter le bien-être. C’est pour cette raison que nous voyons ces discours où c’est le gourdin qui est affiché, des discours de gouvernants qui ne sont pas apaisants.C’est à se demander s’il (le président Alpha Condé) ne se croirait pas en pays conquis. Parce que quelqu’un qui s’adresse à ses patriotes doit avoir de la retenue, surtout avoir un discours mesuré. C’est là d’ailleurs que je rends hommage à l’ancien président du Mali, le Général Amadou Toumani Touré, qui disait que la première qualité que doit posséder quelqu’un qui veut aspirer à diriger, c’est la retenue, il doit être mesuré.

Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

Facebook Comments Box