Décès du prisonnier Thierno Ibrahima Sow : « cela démontre l’ambiance de non-droit dans laquelle baigne la Guinée »

Thierno Ibrahima Sow, mort le lundi 16 novembre 2020 en prison, des suites des tortures après son arrestation le 24 octobre à Conakry
Thierno Ibrahima Sow, mort le lundi 16 novembre 2020 en prison, des suites des tortures après son arrestation le 24 octobre à Conakry

L’indignation est grande dans la famille des défenseurs des droits humains en Guinée suite à la mort de Thierno Ibrahima Sow, un vieil homme qui était détenu à la maison centrale de Conakry. Ce prisonnier est décédé le lundi, 16 novembre 2020, à l’hôpital Ignace Deen de Conakry, où il venait d’être évacué d’urgence. Selon ses proches, il a succombé des tortures qui lui ont été infligées par les forces de l’ordre après son arrestation. Une nouvelle qui révolte maître Frédéric Foromo Loua, président de l’ONG « Les Mêmes Droits pour Tous » (MDT).

Interrogé par Guineematin.com ce mercredi 18 novembre, l’activiste des droits de l’homme dénonce une situation de non-respect, et déplore le fait que toutes les actions menées dans le sens de l’amélioration du cadre juridique guinéen n’aient pas permis de mettre fin à la torture dans le pays.

Me Foromo Fréderic Loua, président de l’ONG Les Mêmes Droits pour Tous

« On est dans un pays qui, finalement, n’a plus de règles de jeu, où tout est permis. Nous avons travaillé depuis les états généraux de la justice pour que les lois guinéennes soient réformées. Et en 2016, il y a eu un nouveau code pénal qui a pris en son sein la plupart des conventions que la Guinée a ratifié, notamment la convention contre la torture.

Nous avons même travaillé pour que la Guinée définisse la torture conformément à l’article premier de la convention des Nations Unies contre la torture. Vous savez avant, la torture n’était pas considérée comme une infraction en Guinée. Elle était considérée comme la circonstance aggravante d’une autre infraction. Donc le travail a été fait. Et même avant ça, nous avions engagé des actions judiciaires contre des services de gendarmerie qui avaient torturé à mort des citoyens.

Nous avons intenté des actions devant le tribunal de Mafanco, nous avons intenté des actions devant le tribunal de Dixinn et même nous sommes allés devant la justice de la CEDEAO, où nous avions obtenu deux décisions condamnant l’Etat guinéen pour torture. Donc, nous avions cru que tous ces efforts en termes de réforme judiciaire, et tous ces efforts en termes d’actions judiciaires, allaient quand même amener nos forces de sécurité, à se conformer un tant soit peu à la loi. Mais hélas, ce n’est pas le cas. Nous sommes dans une situation de non-droit où tout est permis, où tous les coups sont permis.

Tous azimuts, on arrête n’importe qui, on met en prison n’importe qui, sur des motifs parfois fallacieux. On vient d’assister de façon froide et grave à la mort de ce vieil homme qui a été torturé, et qui est finalement décédé. Tout cela démontre que la violation de nos lois, tout cela démontre de l’ambiance de l’injustice et l’ambiance de non-droit dans laquelle baigne la Guinée depuis un bon moment », a estimé Me Frédéric Loua.

Originaire de Bowé, dans la sous-préfecture de Diaguissa (Dalaba), Thierno Ibrahima Sow a été arrêté le 24 novembre 2020, à son domicile, pour avoir résisté à des agents des forces de l’ordre qui se livraient à des actes de vandalisme sur les lieux. Le vieil homme a été conduit d’abord à l’escadron de gendarmerie ECO3, où il aurait subi des tortures avant d’être déféré à la maison centrale de Conakry. Il a rendu l’âme trois semaines plus tard à l’âge de 68 ans.

Ibrahima Sory Diallo pour Guineematin.com

Tél. : (00224) 621 09 08 18

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