Trois journalistes condamnés en Guinée : Mouctar Bah (RSF) dénonce un « excès de zèle »

Mouctar Bah, journaliste, représentant de RSF en Guinée

La vague d’indignation se poursuit au sein de la presse guinéenne, suite à la condamnation de trois journalistes de la radio privée Nostalgie Guinée. Il s’agit de Thierno Madiou Bah, Ibrahima Sory Lincoln Soumah et Sidi Diallo, tous animateurs de l’émission « Africa 2015 ». Le tribunal de Kaloum les a reconnus coupables de diffamation (par voie de presse) et les a condamnés mardi dernier, 12 janvier 2021, à des peines de deux mois de prison assorties de sursis et 500 000 francs d’amende chacun.

Cette décision du juge ne laisse pas indifférent Mouctar Bah, correspondant de Radio France Internationale (RFI) et représentant de Reporters Sans Frontières (RSF) en Guinée. Tout en rappelant que la loi L002 sur la liberté de la presse interdit la condamnation d’un journaliste pour un délit de presse, ce doyen du monde médiatique guinéen dénonce un « excès de zèle » de la part du magistrat qui a pris cette décision. Il l’a dit dans un entretien avec un journaliste de Guineematin.com hier, jeudi 14 janvier 2021.

« C’est dommage qu’en Guinée, en 2021, on condamne des journalistes pour des banalités de ce genre. Tout a été fait pour éviter cela. Les lois de la République sont ce qu’elles sont. Mauvaises qu’elles soient, mais elles interdisent la condamnation des journalistes pour des délits de presse. Pour ce qui est de la condamnation de ces jeunes journalistes de la radio Nostalgie, je trouve que le juge ne s’est basé sur rien pour le faire. C’est simplement un excès de zèle.

C’est tout et il n’y a rien d’autre. Sinon, je ne vois pas comment on peut condamner ces journalistes à des peines de prison pour avoir tout simplement reçu dans leur émission, un employé d’une école qui est venu raconter son aventure ou sa misère. Même si c’est assorti de sursis, ça reste quand même une condamnation qui sort du cadre de la loi sur la liberté de la presse. C’est vraiment triste et dommage », a déclaré Mouctar Bah.

Avec ce genre de décision, ajoute notre confrère, les autorités guinéennes ne doivent pas s’étonner de voir la Guinée reculer dans le classement annuel de Reporters Sans Frontières en matière de liberté de la presse. Et, il estime qu’il revient aux journalistes guinéens de se battre pour ne pas laisser passer ce dangereux précédent. Car, dit-il, cela pourrait entraîner de graves conséquences dans le futur.

« Je n’ai pas de leçon à donner aux confrères, chacun sait ce qu’il doit faire. Parce que cette condamnation de ces jeunes journalistes de la radio Nostalgie peut faire tache d’huile si ça reste comme ça. Demain, on va condamner d’autres journalistes parce que les 90% des juges guinéens prononcent des décisions fantaisistes pour faire plaisir au diable ou par excès de zèle », a laissé entendre M. Bah.

A rappeler que les journalistes et responsables des associations de presse de Guinée se sont mobilisés pour aller déposer une plainte dans la matinée de ce vendredi au conseil supérieur de la magistrature (via le ministère de la Justice) contre le juge Abdoul Gadiry Diallo du tribunal de Kaloum, qui a rendu ce verdict.

Alpha Assia Baldé pour Guineematin.com

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