Les mots et les maux du ministre : « on m’a roulé dans la farine et je risque d’être renvoyé »

Habib Yembering Diallo
Habib Yembering Diallo

Cher ami,

Je suis persuadé que tu es au courant de ce qui fait la Une des médias et surtout des réseaux sociaux dans notre pays ce weekend. Parce qu’il faut vivre dans une autre planète pour l’ignorer. Comme par miracle, un événement social a complètement occulté une actualité politique. Une affaire aussi banale qu’une augmentation de prix du pain est parvenue à voler la vedette à la nomination du chef du gouvernement.

Inutile de te dire que ce n’est ni souhaitable encore moins enviable de se trouver au centre d’un tel évènement. Malheureusement je me suis retrouvé de plain-pied comme acteur principal de l’actualité de notre pays. Avec en toile de fond cette meure mort-née qui est l’augmentation de prix de la farine et du pain. Immédiatement suivie d’une annulation. Ces mesures et contre-mesures m’ont mis du pain sur la planche.

Arrivé à ce niveau, je vois tes lèvres brûler de cette interrogation : comment est-ce possible que je prenne une telle mesure dans un contexte de démission et de remaniement du gouvernement ? La réponse est simple. Dans cette affaire, j’ai été tout simplement roulé dans la farine. Parmi tous ceux qui m’accablent de tous les péchés d’Israël aujourd’hui, notamment au sein du gouvernement, il n’y a pas un seul qui n’était pas au courant de cette mesure. Parce que celle-ci a été discutée et approuvée en haut lieu.

Après l’annonce de l’augmentation, j’ai été débordé par les appels. Mes collègues m’ont dit que le chef de l’Etat est dans tous ses états. Après eux, je te laisse deviner qui m’a appelé. Il m’a demandé si je n’ai pas lu l’ouvrage de Daniel Cohen « Richesse du monde et pauvreté des Nations ». Je lui ai répondu que c’est pour la première fois que j’entends ce nom. Lui rappelant de passage mon profil qui est aux antipodes de la littérature.

Ce fut une épreuve que je n’oublierai jamais. La seule fois que j’ai connu un moment aussi palpitant, c’est après l’attentat dont a été victime mon autre ami. Celui-là même qui m’a propulsé dans ce monde sans pitié. Mais laisse-moi revenir à cette histoire d’augmentation et d’annulation de prix. Certains s’en prennent encore à moi en disant qu’un ministre démissionnaire ne peut pas annuler une décision qu’il a prise avant sa démission. Mais, ils oublient que le même ministre que je suis est chargé d’expédier les affaires courantes. Et, il n’existe pas d’affaires plus courantes que celle du prix du pain.

Juste après ma conversation avec le grand patron, qui m’a demandé si je n’ai pas lu Daniel Cohen, j’ai vite consulté Google pour savoir c’est qui Daniel Cohen. Et je suis tombé sur cette citation qu’il a écrite « Les révolutions des palais partent toujours des émeutes des villes ». Alors, j’ai tremblé de tous mes membres. Faisant un parallèle avec le prix du pain. Et du coup, j’ai estimé que je peux être accusé de sabotage voire de complot. Après quoi, je ne me suis pas fait prier pour annuler ma décision.

Voilà, cher ami, planté le décor de la situation dans laquelle se trouve actuellement ton ami. Et cela dans un contexte où un remaniement ministériel est imminent. C’est autant dire que, comme disait mon grand-père, « l’objet que je craignais de mouiller s’est noyé ». Emporté loin par les eaux. Devant une telle situation, je souhaite que nous ne perdions pas une seconde. Il faut agir tout de suite. Chacun avec les moyens qui sont les siens.

Ici, j’ai envoyé des émissaires pour voir tous ceux qui sont susceptibles de pouvoir intervenir en ma faveur. Là-bas je veux que tu ailles immédiatement voir celui que tu étais allé voir pour ma nomination. Pour les frais, le frère du cousin de ma belle-sœur s’en occupera. Histoire de ne voir aucune trace de moi, comme d’habitude.

Pour terminer, je te prie de ne pas m’oublier dans tes prières. Parce que, si tous les temps j’ai besoin de vos prières, cette fois ce besoin est plus pressant.

Ton ami, le ministre encore pour quelques jours

Habib Yembering Diallo

Tél. : 664 27 27 47

Toute ressemblance entre cette histoire et une autre n’est que pure coïncidence.

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