Le déguerpissement ou le drame des damnés de la Guinée

La Guinée est un pays de contraste. Un sujet banal peut déchainer les passions. Surtout lorsqu’il s’agit de la politique ou parfois un simple fait divers. A contrario, un véritable drame humain peut passer inaperçu. Comme c’est le cas actuellement avec l’opération de déguerpissement que les autorités ont déclenchée le mois dernier.

Contrairement à ce qui s’était passé il y a quelques années, ce ne sont pas seulement les emprises de la route qui ont été touchées. Non seulement l’opération touche toute la ville de Conakry et sa proche banlieue mais elle va en profondeur dans les quartiers. Ce ne sont pas non plus que les baraques qui sont concernées. Dans beaucoup d’endroits des bâtiments modernes, parfois en étage, ont été démolis. Certains partiellement d’autres entièrement.

Du coup, les victimes de cette opération se comptent par milliers. Il y a non seulement ceux qui vendaient au bord de la route dont les baraques ont été mises à sac par les agents mais aussi ceux dont les bâtiments ont été démolis. Si la situation des premiers est préoccupante parce que c’est grâce à leurs étales qu’ils posent la marmite sur le feu, celle des seconds est encore plus préoccupante. Et pour cause, de familles entières passent la nuit sous la belle étoile.

Devant une telle situation, j’allais dire un tel drame, les organisations humanitaires doivent se lever pour assister les victimes. Ces véritables damnés de leur propre pays. Lequel pays, au lieu de venir en aide aux pauvres, sévit durement et implacablement contre eux.

Il y a une crise planétaire consécutive à la pandémie. A cela s’ajoute la psychose liée à Ebola qui ressurgit dans le pays. Sans compter que la Guinée traverse une crise politique interne depuis le début du processus de modification de la constitution. A toutes ces crises les autorités en ajoutent une. Cette fois la crise des sans-abris. Lesquels devaient bénéficier de l’aide et de l’assistance des mêmes autorités.

L’autre drame de ce pays c’est que la loi est une véritable toile d’araignée. Elle attrape le faible et se fait écraser  par le fort. Sinon comment expliquer que, en ce qui concerne les bâtiments démolis dont les propriétaires avaient des papiers en bonne et due forme, les autorités ne demandent des comptes à aucun responsable. Que ce soit au niveau des communes ou du ministère de tutelle ?

S’il est vrai que le laisser-aller et la passivité des autorités ont eu pour conséquences que les citoyens pensent tout leur est permis, y compris l’occupation d’une zone d’utilité publique, il est tout aussi indéniable qu’aucun citoyen n’est venu s’installer quelque part de son propre chef. Tous ont reçu des papiers dûment signés par des représentants de l’Etat. Dans les conditions normales l’Etat devait assumer la responsabilité de ses représentants. Et si ces derniers se sont rendus coupables des délits ils devaient répondre leur forfaiture.

Mais une impunité est garantie à ces responsables. Pendant que des citoyens, dont la plupart n’attendent plus rien que la mort, voient cette mort anticipée pour eux pour ceux-là mêmes qui devaient les protéger. Dans un désespoir total, ces personnes se tournent désormais vers leur Créateur pour l’implorer et surtout pour maudire les auteurs de leur malheur.

D’où l’impérieuse nécessité pour l’Etat de rectifier le tir. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. L’Etat guinéen a un devoir de ne pas abandonner ses citoyens dans la nature.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

Téléphone : 664 27 27 47

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