Opération de déguerpissement en Guinée : entre humiliation et corruption

Dans son désir de restaurer l’autorité de l’Etat, en rapport avec l’opération de déguerpissement en cours, cet Etat devait tout mettre en œuvre pour concilier l’application de la loi et le respect du citoyen. Malheureusement, la première a largement primé sur le second. La façon dont les agents de l’Etat se comportent frise celle d’un colon. Voire l’occupant d’un territoire conquis par les armes. 

Dans son opération musclée, l’Etat, à travers ses agents, s’est comporté avec mépris vis-à-vis des citoyens guinéens. Rien que le délai accordé à ceux qui doivent déguerpir en dit long. Lorsque vous sommez quelqu’un de quitter un endroit où il vit ou travaille depuis des années en l’espace de trois jours, il va de soi que vous le mettez dans une situation difficile. 

Or, les fameuses 72 heures marquées au rouge, sont visibles partout. Que ce soit une maison d’habitation, un magasin, une boutique ou une baraque de fortune, il n’y a aucune exception. Tous ont eu ou on encore 72 heures pour quitter. A défaut les bulldozers les trouvent sur place. Ils chamboulent tôles, briques, marchandises ou meubles ensemble. 

Cette opération s’inscrit dans la logique de la déclaration du Premier ministre qui avait dit « préféré l’ordre à la loi ». L’ordre, c’est sommer le citoyen de quitter un endroit qu’il occupe parfois depuis des années dans un délai non raisonnable. Et la loi c’est le respect et la dignité du citoyen. Pour le moment c’est l’ordre de la puissance publique qui règne. Le respect et la dignité ce sera pour une autre fois. 

Or malgré le semblant de rigueur de l’opération en cours, celle-ci a une forte odeur de corruption. Dans certains endroits il y a eu une équipe qui est passée pour mettre la fameuse croix rouge, demandant aux occupants de quitter dans les délais dont on a parlé. Derrière, une équipe est passé pour marquer cette fois en gros caractère NON. Entendez non au déguerpissement. Parce qu’entre le passage de la première équipe et celui de la seconde le franc guinéen a coulé. 

Du coup, les occupants, dont la plupart sont des locataires, ne savent plus à quelle version se vouer. D’autant plus qu’une troisième équipe est passée pour confirmer la première décision. En outre, dans d’autres zones « appartenant » à l’Etat où les bâtiments avaient été marqués au rouge, ne seraient plus concernées par la décision du ministère de la ville. 

Pourquoi deux poids deux mesures ? Dans le premier cas, les propriétaires ouvrent les vannes  ou plus exactement ils vident le porte-monnaie pour le besoin de la cause. Et dans le second, il y aurait des catégories sociales hypersensibles à l’égard desquelles l’application rigoureuses de la loi serait impossible. 

Autres aspects de cette opération qui semble être peu ou pas du tout bien préparée, c’est entre autres le fait de laisser les gravats sur place. Si cette opération était « civilisée » certains endroits déjà « libérés » devaient faire l’objet d’aménagement pour montrer aux citoyens l’utilité de la décision gouvernementale. D’autant plus que le département qui pilote l’opération s’appelle ministère de la ville et de l’aménagement du territoire. 

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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