3 avril 1984 : retour sur une date historique

Lansana Conté et quelques membres du CMRN

L’Aéroport de Conakry vient de connaître un véritable  pont aérien. Les délégations étrangères venues prendre part aux funérailles du président Sékou Touré viennent de quitter la capitale.

Il y a un successeur constitutionnel du président. Mais personne ne se fait d’illusion. Ce dauphin pourrait difficilement succéder au président dont les proches sont les tout-puissants du régime.

Comme il fallait s’y attendre donc, les dignitaires n’accordent pas leurs violons. Une véritable aubaine pour la grande muette. L’une des rares du continent qui n’ont jamais tenté de renverser le régime en place sur le continent noir.

Une semaine donc après l’annonce du décès du responsable suprême  de la révolution, une autre annonce est faite sur ce qui était encore la voix de la révolution. Un officier, avec un bel accent, annonce que l’armée a décidé de prendre les destinées de la Nation en main. Il annonce toute une série de mesures dont on a jamais entendu dans ce pays : liberté, démocratie, retour des exilés, l’ouverture des prisons…

La joie des Guinéens est à la dimension de ce que le porte-parole du nouveau pouvoir appelle « les 26 ans de pèlerinage douloureux ». L’explosion de joie exprimée par les Guinéens atteste que les larmes de la semaine précédente n’étaient que des larmes de crocodile. La nouvelle équipe est bien accueillie par les Guinéens de toutes les régions et de toutes les catégories socioprofessionnelles. Il ne pouvait en être autrement.

Le comité militaire de redressement national remplace le tout puissant parti Etat, le PDG. Le nom du successeur du grand leader est connu. Un certain colonel Lansana Conté, jusqu’ici totalement inconnu des Guinéens. Le nouvel homme fort de la Guinée est tout le contraire de son prédécesseur. Sékou Touré était éloquent, cultivé et toujours entre deux avions. Lansana Conté est peu bavard. Il s’exprime comme un nouvel apprenant. Si bien qu’on finira par lui trouver un formateur. Une certaine presse panafricaine donnera à ce formateur  le nom du « Marabout Blanc de Conté ». Le nouveau président a la phobie des avions.

Le président est très sincère au départ. Il dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Dans foulée, il déclare « nous sommes arrivés au pouvoir pauvres. Si demain vous nous voyez dans de belles villas et de belles voitures, sachez qu’on a volé ». A la disparition du général, les choses parlaient d’elles-mêmes.

Qualifié  « de cancre » par certains de ses pairs, le président Conté n’était pas censé durer au pouvoir. On le disait incapable. D’autres le qualifiaient d’idiot. Il ne pardonnera jamais à ses compagnons qui l’avaient traité de ce mot. Peu à peu, le soi-disant ignorant s’est avéré être un homme intelligent. Il n’était pas que stratège  militaire. Il était un véritable animal politique.

Durant son règne, le président Conté a donné du fil à retordre à tous les cadres. S’avérant être une véritable machine à dévorer ces derniers.

Sa gestion calamiteuse de la chose publique l’empêchera de connaître une fin de règne tranquille. La mutinerie de février 1996 et la grève de janvier et février 2007, ont été quelques uns  des événements qui ont troublé la vie politique et la vie tout court de Lansana Conté.

Malgré toutes les tentatives visant à le déposer, celui qui était au départ le colonel Lansana Conté mourra au pouvoir le 23 décembre 2008. Attestant du coup ce que l’homme a toujours soutenu : « C’est Dieu qui m’a donné le pouvoir et celui qui le retirera ».

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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