Les mots et les maux du ministre

Habib Yembering Diallo
Habib Yembering Diallo

Cher ami,

Je commencerai par te féliciter pour ta vision qui a abouti aux prévisions que tu m’avais faites il y a près d’une année maintenant. Je n’ai pas oublié tes prévisions pessimistes suite à la modification de notre loi fondamentale. Je n’ai pas oublié que tu m’avais dit que, comme en 2003, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Je n’ai pas non plus oublié que tu m’avais dit que les pays sur lesquels nous comptons pour sortir la tête de l’eau ne feront rien ou pas grand –chose pour nous aider.

Tu n’as pas oublié aussi que je n’étais pas d’accord avec toi. Arguant surtout le fait que, si l’Occident nous tourne le dos, le trio – la Russie, la Turquie et la Chine- était prêt à prendre le relais. Ce à quoi tu n’étais pas d’accord. Raison pour laquelle tu étais le seul à me dire d’emboiter le pas à mes collègues qui ont abandonné le navire.

Si j’ai introduit cette lettre par un rappel c’est pour te dire que finalement, je regrette amèrement de n’avoir pas suivi tes conseils. Parce que, dans la vie, il faut parfois être opportuniste pour entrer dans l’histoire. Si je démissionne aujourd’hui c’est totalement différent que si je le fais il y a un an. Si je le fais aujourd’hui l’opinion publique dira que je suis frustré comme celui qui estime que sa récompense n’a pas été à la dimension de son sacrifice. Tu connais la suite cette affaire du fameux maillot mouillé.

Or, si j’avais démissionné il y a un an j’aurais été un héros. Du moins pour une bonne partie de nos concitoyens et pour l’histoire. Malheureusement je n’ai pas saisi l’occasion. Et pourtant devant les perspectives sombres, j’envisage de plus en plus cette démission. Pourquoi aujourd’hui et pas hier, me demanderas-tu ? Parce que je vois toutes les prémisses de la fin de la décennie 2000. Un Premier ministre qui annonce les pires difficultés. Un chef d’Etat qui estime que même les vendeurs de piment devront se préparer à payer l’impôt.

Et que dire de tous ces biens privés littéralement mis sens dessus-dessous. Et comme pour se marrer des victimes le chef dit qu’ils seront indemnisés. Dis-moi, franchement, comment peut-on évaluer un le coût d’un bâtiment devenu poussière ? Si ce discours n’était pas populiste pourquoi n’a-t-on pas commencé par identifier les propriétaires et évaluer le coût de leurs bâtiments avant de les démolir ? Malgré les apparences, je suis révolté par ce qui s’est passé. Et l’idée de rester ou de partir me donne de l’insomnie.

Mme si nous n’étions pas grands et mûrs pendant la révolution, nous nous souvenons de cette période sombre de notre histoire. Et bien cher ami, pour te dire la vérité, j’ai l’impression de revivre cette période. J’ai l’impression que le gouvernement auquel j’appartiens donne du grain à moudre à la population pour qu’elle oublie les revendications. Je te donne deux exemples seulement, comment peux-tu comprendre que pour la troisième année consécutive, la saison des pluies trouve que la route nationale numéro 1 soit toujours et encore dans le même état.

Deuxièmement, pour construire un échangeur, le ministère a prévu deux routes de déviation. Mais il n’a pas pris de bitumer cette petite distance de moins d’un kilomètre. Cala veut dire que pendant la saison sèche usagers et riverains seront enveloppés dans la poussière. Et pendant la saison des pluies ils seront embourbés. Quel manque de respect pour le citoyen !.

Le départ du ministre des Travaux publics n’a rien changé. Parce que ce n’est pas le ministre qui pose problème. C’est le système. Et c’est ce système que je veux quitter. Je veux évidemment avoir ton avis sur cette question qui me taraude l’esprit.

En lisant ces lignes, je te vois sourire. Je t’entends murmurer que c’est pire que ce qu’écrirait un opposant. Il est évident que c’est à toi seul que je peux adresser un tel pamphlet contre l’équipe à laquelle j’appartiens. C’est une confiance aveugle. Parce que j’ai l’intime conviction que tout le monde peut me trahir sauf toi. Je te prie seulement de ne pas laisser cette lettre traîner au salon ou dans la chambre pour éviter qu’elle ne tombe entre quelque main capable de la mettre sur la place publique. Imagine une telle lettre atterrir dans une rédaction où les journalistes sont à la recherche de ce qu’ils appellent un scoop, ils seront au paradis. Et moi en enfer.

Avant de terminer, je voudrais revenir rapidement sur le trio dont je parlais plus haut. Mon chef et son chef à lui croyaient que les trois pays ne laisseraient pas le nôtre tomber. Tu te souviens de cette affaire de 20 milliards de dollars qui avait fait grand bruit. Où sont-ils ? Quant à la Russie, va-t-elle faire pour nous aujourd’hui ce qu’elle n’avait pas fait pendant la guerre froide ? Il faut rappeler qu’à l’époque elle était plus grande et plus puissante.
Et que dire de la Turquie. La seule expertise que ce pays peut nous donner c’est comment museler la presse, comment affaiblir voire anéantir l’opposition et comment organiser la purge dans l’administration.

De ce point de vue-là, son exemple fait boule de neige dans notre pays. Ce qui a provoqué les courroux de la première puissance du monde. Tu as dû entendre parler de ce rapport très accablant du département d’Etat. Or l’Amérique n’est pas la France. Si c’était cette dernière on lui aurait rétorqué que nous avons pris notre indépendance en 1958. Avec l’Oncle Sam une telle réponse serait suicidaire. Même si cette prise de position pourrait apporter faire réagir l’ancien camarade soviétique. Apportant du coup de l’eau au moulin à mon gouvernement.

Ton ami le ministre dont le cœur balance entre rester ou partir.

NB : Toute ressemblance entre cette histoire est une autre n’est que pure coïncidence.

Habib Yembering Diallo, pour Guineematin.com

Tel. 664 27 27 47

 

Facebook Comments Box