Le Nigérian Tony Akpo devant le tribunal de Dixinn : « je reconnais qu’on a enlevé Elhadj Doura »

Elhadj Abdourahmane Diallo
Elhadj Abdourahmane Diallo

Ouvert le 29 mars dernier devant le tribunal criminel de Dixinn, le procès des auteurs présumés de l’enlèvement et de l’assassinat d’Elhadj Abdourahmane Diallo (communément appelé Elhadj Doura) s’est poursuivi ce lundi, 12 avril 2021, à Conakry. Sur les 20 accusés qui étaient présents dans la salle d’audience, seuls 2 ont été entendus par le tribunal.

Il s’agit du NigérianTony Akpo et du Guinéen Elhadj Mamadou Diallo (présenté comme l’un des cerveaux de cette opération qui a coûté la vie à l’opérateur économique). Mais, les dépositions de ces accusés n’ont pas permis de lever toutes les zones d’ombre sur les circonstances exactes de l’enlèvement et de l’assassinat d’Elhadj Doura. Car, tous les deux ont assuré ne rien savoir dans quelles conditions le vieil homme a été kidnappé et comment il a trouvé la mort, a constaté Guineematin.com à travers un de ses journalistes.

Tout d’abord, c’est Tony Akpo qui a été appelé à la barre pour déposer devant le tribunal. Ce jeune Nigérian-qui réside en Guinée depuis 2013- s’est tout de suite engagé à « dire la vérité ». Mais, sa déposition a sonné comme un témoignage à charge contre ses coaccusés Amadou Sacko, Oumar Barry, Elhadj Mamadou Diallo et Zimbabwe (en fuite) dans cette affaire.

« C’est Elhadj Mamadou Diallo qui m’a appelé pour me dire que quelqu’un de sa famille à Hamdallaye lui doit de l’argent. Il a sollicité que je transporte Ibro (présenté comme la tête pensante du Kidnapping et de l’assassinat d’Elhadj Doura) à Hamdallaye, à l’aube, pour récupérer cet argent. Je suis allé prendre Ibro à Yattaya-Station, et nous sommes allés à Hamdallaye. Mais, je ne savais pas qu’on partait pour kidnapper quelqu’un. Sur place, j’ai vu Zimbabwe, Amadou Sacko, Oumar Barry et Elhadj Mamadou Diallo. Il y avait aussi un véhicule BMW.

Quand Elhadj Doura est sorti de la cour, Ibro l’a suivi en parlant au téléphone. Je n’ai pas vu ensuite ce qui s’est passé. Moi, j’étais un peu loin de leur position et c’était à l’aube. Mais, je n’ai pas entendu de cris… Après, on a bougé pour rentrer. Le véhicule BMW était devant, Ibro et moi étions derrière sur la moto. Nous sommes allés jusqu’à Bambéto, le véhicule a dévié, Ibro et moi avons continué à rouler sur la route le Prince.

Nous sommes allés jusqu’à Sonfonia, dans une villa. Sur place, on a retrouvé Elhadj Mamadou Diallo. Il y avait un autre, mais je n’ai pas vu son visage. Il était de teint clair… Je reconnais qu’on a enlevé le vieux (Elhadj Doura). J’étais sur le terrain, j’ai transporté Ibro, on est allé ensemble. Mais, c’est quand on m’a arrêté que j’ai su qu’une rançon (100 mille dollars) a été payée. Et, quand j’ai appris que le vieux est mort, j’ai eu pitié, j’ai regretté », a expliqué Tony Akpo.

Selon cet accusé, certains détenus dans cette affaire sont purement et simplement innocents. Il a notamment cité trois de ses compatriotes qui n’auraient rien à voir avec l’enlèvement d’Elhadj Doura. « C’est lors de la perquisition de ma chambre après mon interpellation que mes amis (Calistus Okorom, Cibeku Ogocheuku et Uchechuku Stanley Okorom) ont été arrêtés. Donc, c’est à cause de moi qu’ils ont été arrêtés, ils ne connaissent rien dedans », a indiqué Tony Akpo devant le tribunal.

Appelé à la barre, l’accusé Elhadj Mamadou Diallo s’est lui, inscrit dans une logique de négation des faits qui lui sont reprochés. Tout d’abord, il a nié avoir participé à l’enlèvement d’Elhadj Doura et avoir joué un quelconque rôle dans le transport et la séquestration de l’opérateur économique. Cependant, il a admis avoir adhéré à « un groupe de kidnappeurs formé par Ibro ». Il a également déclaré que c’est lui qui est allé prendre la rançon (100 mille dollars) qui avait été payée par la famille du vieil homme pour obtenir sa libération. Un montant dans lequel il dit avoir bénéficié de 60 mille dollars. Mais, il assure qu’il ne savait pas que c’est Elhadj Doura qui avait été enlevé par son groupe.

« Un jour, Ibro m’a appelé pour me dire qu’il est en train de former un groupe pour enlever des gens et demander des rançons. Il m’a demandé de participer, tout en précisant qu’ils ont déjà suivi les gens pendant près d’un mois. Il m’a demandé si je peux aller chercher l’argent (la rançon) quand ils enlèvent quelqu’un. J’ai dit Oui… Un jour autre jour, Ibro m’a appelé pour me dire de venir à Lambanyi pour qu’il me présente les membres de son groupe. Je suis allé.

Petit Sow et Zimbabwe sont venus nous trouver sur les lieux. Ils étaient dans un véhicule BMW… Après, j’ai demandé où se trouvent ceux qui kidnappent les gens. Ibro m’a dit qu’ils sont au Km 66 (dans la sous-préfecture de Maférinyah, préfecture de Forécariah) et qu’il va me les présenter le lendemain. Donc, le lendemain on est allé trouver les gens là dans un bar. Ibro m’a dit que ce sont nos soldats », a confié Elhadj Mamadou Diallo.

Poursuivant sa déposition, cet accusé est revenu sur ses déplacements à Kénendé (dans la préfecture de Dubréka) pour chercher un talisman et l’appel d’Ibro lui demandant de revenir à Conakry pour participer à une opération (l’enlèvement d’Elhadj Doura), à Hamadllaye, et la récupération d’une rançon à Canadien (au quartier Lambanyi).

« Quand on est allé à Hamdallaye, j’ai dit que je ne pouvais pas opérer là-bas, c’est mon quartier. Mais, ils ont dit qu’il faut vraiment qu’on arrête le vieux ; et, c’est moi qui dois être devant. Quand le vieux est sorti de la cour, il est venu jusqu’à mon niveau, je l’ai reconnu, il m’a même bousculé un peu, mais je l’ai laissé passer sans l’arrêter. Mes amis m’ont crié dessus pour me réprimander. On est rentré, ils m’ont déposé à Yembéya. Après, Ibro m’a appelé pour me faire des reproches, je lui ai dit de laisser le vieux là.

Finalement, il m’a dit qu’il a accepté de changer de cible…Quelques jours après, Ibro m’a appelé pour me dire qu’ils ont pris quelqu’un, un constructeur de maisons. J’étais à Kénendé, je lui ai demandé d’acheter deux téléphones. Le même jour, la nuit, je suis venu à Lambanyi. Ibro avait laissé les téléphones et un véhicule BMW avec Petit Sow pour moi. Ibro m’a ensuite appelé pour me dire que c’est demain notre affaire… Je ne suis pas allé, je ne sais pas qui a kidnappé le vieux Doura, je ne sais pas qui l’a emmené à Sonfonia, je ne connais pas la maison où il a été détenu…

Mais, c’est moi qui suis allé chercher les 100 mille dollars (la rançon). Quand j’ai pris l’argent, j’ai prélevé 1000 dollars et j’ai confié le reste (99 mille dollars) à Kann. Quand je me suis vu avec Petit Sow, il m’a dit que c’est à Cam’s (absent parmi les accusés détenus dans cette affaire) que je dois donner les 1000 dollars. Ce dernier était garé tout près…C’est Oury et Samba qui m’ont aidé à trouver la maison de Kénendé, derrière l’usine de fer… Moi, j’ai eu 60 mille dollars », a indiqué Elhadj Mamadou Diallo.

Après la déposition d’Elhadj Mamadou Diallo, le président du tribunal a relevé une contradiction entre cette version et qu’il avait donnée à l’enquête préliminaire. Selon le juge, Aboubacar Maféring Camara, le procès-verbal dressé par les enquêteurs indique que l’accusé était présent sur toute la chaine, de l’enlèvement à l’assassinat d’Elhadj Doura.

« Selon votre déposition devant les agents enquêteurs, vous étiez à Hamdallaye où le vieux a été enlevé. Vous avez aussi été à Sonfonia où il a été détenu un temps, vous avez aussi été à Kénendé, ainsi que chez Oumar à Maférinyah et chez lassidant où le vieux a trouvé la mort…Après la mort du vieux, vous êtes allé à Koba, puis à Koumbia, ensuite à Télimélé. Ensuite, vous êtes revenu à Koumbia, avant d’aller en Gambie où vous avez acheté deux véhicules que vous avez finalement dédouanés en Guinée Bissau. C’est là-bas que vous avez d’ailleurs été arrêté », a dit le juge.

Des propos que l’accusé, Elhadj Mamadou Diallo, a partiellement reconnus. « C’est vrai, mais je n’étais pas Koba, ni à Sonfonia. Le vieux Doura n’est pas venu à Kénendé, je ne savais même pas qu’il a été enlevé », a rétorqué l’accusé.

Finalement, le tribunal a renvoyé l’affaire au 26 avril 2021 pour la suite des débats ».

Mamadou Baïlo Keïta pour Guineematin.com

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