Les mots et les maux du ministre

Habib Yimbering Diallo
Habib Yimbering Diallo

Cher ami,

Sachant que tu es au courant du moindre détail de ce qui se passe dans notre pays, tu as dû apprendre que j’ai une responsabilité de moins dans le gouvernement. Il s’agit de mon statut de porte-voix de ce gouvernement.

Par contre, ce que tu ne sais certainement pas, c’est que, contrairement aux supputations et spéculations, qui racontent que c’est le début de la descente aux enfers pour moi, c’est moi-même qui ai renoncé à ce, sinon à un cadeau empoisonné tout, tout au moins une patate chaude entre mes mains.

A plusieurs égards cette fonction à laquelle je viens de me débarrasser était peu enviable.  Un ami commun à nous deux m’avait fait remarquer que cette responsabilité était une reconnaissance de ma qualité de communicateur. Ajoutant que partout où je suis passé les gens m’ont fait cette confiance.

Et c’est cela qui me posait problème. Car savoir écrire et parler est une chose. Mais défendre aujourd’hui tout le contraire d’hier était un exercice qu’il fallait faire avec plus de dextérité et de subtilité. J’ai essayé, autant que faire se peut, deme tirer d’affaires sans susciter l’indignation de l’opinionpublique.

Je suis parvenu à me limiter au compte des activités du gouvernement. Ce qui, en soi, n’était pas une manière de marcher sur des œufs. Mais imagine un seul instant que si j’étais invité à des émissions radiophoniques ou télévisées pour défendre l’indéfendable. J’ai esquivé subtilement ce gendre de débats. Car il fallait renier aujourd’hui ce que je défendais hier.

Pour être franc et sincère avec toi, je pense que ceux qui avaient préconisé de me confier cette responsabilité avaient un objectif inavoué : il fallait me faire ravaler mes vomissures d’hier. Mais c’était sans connaitre ton ami. J’avais certes quitté mes anciens compagnons parce que je ne me reconnaissais plus dans ce qu’ils faisaient, mais je n’avais pas quitté mes convictions personnelles.

Si je suis devenu un converti au sens de George Clémenceau,c’était – et c’est encore aujourd’hui- parce que je crois que je peux apporter ma contribution à la construction d’une Nation forte, unie et prospère. Le jour où je me rendrais compte que cette mission est impossible je n’hésiterai au mieux à quitter et au pire à rejoindre l’autre groupe.

La seule chose qui va dicter ma conduite c’est l’intérêt de notre pays. Même si les gens ont spéculé sur un intérêt personnel, ceux qui me connaissent comme toi, savent que je sais me battre pour joindre les deux bouts et pour éviter de faire et de dire du n’importe quoi pour un intérêt pécuniaire. Contrairement à beaucoup d’hommes politiques, avant de m’engager dans une telle aventure j’ai fait mes preuves ailleurs. Notamment dans l’entreprenariat. Ce qui fait que mon départ ou mon maintient au gouvernement ne change pas fondamentalement pas mon niveau de vie.

Pour revenir à ce que certains qualifient mon éviction, qui n’est rien d’autre qu’une démission, je suis plus que soulagé de m’être libéré de cette responsabilité. Soulagé non pas parce que ce que je faisais était gênant. J’ai évité de faire les choses gênantes. Mais soulagé justement d’avoir évité de jouer le jeu de ceux qui voulaient me crucifier sur la place publique.

Imagine un seul instant ton ami sur le plateau de TV 5 ou de France 24 dire que les militants de l’opposition morts lors de manifestations ont été tués par d’autres militants de cette même opposition. Cela aurait indigné l’opinion publique. Pire mes nouveaux collègues ne m’auraient accordé ni respect ni considération. Je remercie mes parents de m’avoir donné une éducation morale qui m’a toujours permis de mettre la raison au-dessus de la passion. Je leur reste éternellementreconnaissant pour m’avoir forgé. Ils n’ont pas construit pour moi. Ils m’ont plutôt construit.

Bref, tu diras que je suis passionné. Oui. Passionné pour avoir réussi à me tirer de cette affaire sans passion. Désormais je peux me consacrer à mon travail en toute discrétion mais en toute efficacité.

Pour terminer, j’ai tenu à apporter cet éclairage afin que tu comprennes que, contrairement aux spéculations, ton ami est plutôt libéré. Sur ce, je te souhaite bon ramadan.

A bientôt.

Ton ami, l’ancien porte-voix Habib Yembering Diallo, joignable au 664 27 27 47

Toute ressemblance entre cette histoire et une autre n’est que coïncidence 

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