Mamadou Barry de l’UFDG plaide : « nous ne devons pas oublier les détenus politiques »

Mamadou Barry
Mamadou Barry, secrétaire général adjoint de l’UFDG

Comme on le sait, au lendemain de la très contestée élection présidentielle du 18 octobre dernier, plusieurs citoyens et responsables politiques guinéens (en majorité de l’UFDG) ont été arrêtés et détenus à la maison centrale de Conakry. Ces détenus politiques croupissent encore en prison, sans aucun jugement encore moins une condamnation, pour leur opposition au troisième mandat d’Alpha Condé.

Aujourd’hui, plusieurs d’entre eux sont malades, certains ont même été atteints de COVID-19 entre les murs crasseux de la maison centrale surpeuplée de Conakry. Malgré l’illégalité de leur détention, toutes les tentatives d’obtention de leur libération, ne serait-ce que provisoire, sont pour le moment restées vaines. Leur situation inquiète les organisations de défense des droits humains ; mais aussi et en premier lieu, l’union des forces démocratiques de Guinée (la principale formation politique d’opposition au régime Alpha Condé).

Au cours d’un récent entretien accordé à un reporter de Guineematin.com, Mamadou Barry, le secrétaire général adjoint de l’UFDG, a plaidé pour une large et réelle implication de la société civile, des religieux et des élus locaux pour mettre fin à cette détention injustifiée de grandes figures de l’opposition et de la société civile. Ce cadre du parti de Cellou Dalein Diallo appelle à une « décrispation » de la situation en Guinée pour permettre à tout le monde d’avancer dans le bon sens.  

Décryptage !

Guineematin.com : vous avez rendu visite aux détenus politiques incarcérés à la maison centrale de Conakry. Quel a été votre constat ?

Mamadou Barry : le constat, avant d’y aller déjà, était de se rendre compte que des cadres du parti (UFDG) sont arrêtés, des anonymes aussi sont arrêtés sans jugement. Le souhait était de voir dans quelle condition ils sont et moralement comment ils se portent ; et, de voir éventuellement quelles possibilités de plaidoirie on peut obtenir pour permettre leur élargissement. Mais, voir aussi dans quelles conditions les choses vont avancer dans le bon sens pour tout le monde.

Guineematin.com : comment se portent ces détenus en prison ?

Mamadou Barry : ils se portent assez bien, quoi qu’on ne puisse pas se porter bien en prison. Après ces six mois de détention sans jugement, il est difficile de dire que quelqu’un se porte bien en prison. Mais, toujours est-il que le moral est là et il est question que le monde sache qu’ils sont là, qu’on pense à eux et qu’on voit dans quelles mesures les choses peuvent avancer dans le bon sens.

Guineematin.com : au sein de l’UFDG, comment vous vivez l’absence de ces cadres et responsables de votre formation politique ?

Mamadou Barry : c’est difficile. Quand on a des personnes, des cadres du parti et des amis ou des collègues qui sont détenus depuis si longtemps, il est toujours très difficile d’avoir un travail serein qui puisse se faire au sein du parti dans la quiétude, dans la construction des valeurs et dans la consolidation des idéaux du parti.

Guineematin.com : vous avez parlé de plaidoirie ; mais, quel genre de plaidoirie faut-il faire pour obtenir leur libération ?

Amadou Barry : la plaidoirie va au-delà de demander pardon. La plaidoirie, c’est une question de dire simplement que ceux qui sont en prison, leur place n’est pas en prison. Des cadres qui peuvent être utiles au pays, des cadres qui peuvent être utiles dans leur parti et dans leurs familles sont là (en prison). Et, c’est normal qu’on pense à ce qu’il y ait un élargissement. Ce qui me fait un peu mal, c’est qu’à une époque, en 2010, en 2013, en 2015, en 2018, on voyait des personnalités, des groupes de personnes venir plaider auprès de Cellou Dalein Diallo pour qu’il y ait la paix, la quiétude et pour qu’il y ait une harmonie au sein du pays. Aujourd’hui, on ne les voit plus et je trouve cela très dommage qu’on ne parle pas de ces détenus suffisamment. La plaidoirie n’est pas de demander pardon à qui que ce soit, c’est juste dire que leur place n’est pas en prison. Leur place est dans la société, auprès de leur famille. Il faut que les coordinations se lèvent, puisque ce sont des enfants du pays. On ne voit pas les associations des femmes. Je me souviens encore de Dr Makalé Traoré qui faisait beaucoup de mouvements, beaucoup de démarches pour qu’il y ait la paix, la quiétude sociale. En plus, il y a les élus locaux qui peuvent bien essayer, au sein de leur commune, de montrer qu’il y a un besoin de tranquillité, un besoin de solidarité envers ces détenus  pour que, au moins, en attendant le jugement, que ces personnes puissent retrouver leurs familles, que ces personnes puissent retrouver leurs familles et échanger avec elles pour voir dans quelle mesure il peut y avoir une décrispation. La question n’est pas de dire que plaider c’est demander pardon. La question est de faire en sorte qu’on voit dans quelle mesure on peut décrisper la situation et toutes les personnes de bonne volonté, les personnes qui peuvent s’impliquer pour que ces personnes (les détenus politiques) recouvrent leur liberté pour le bien de tout le monde.

Guineematin.com : vous déplorez le fait que ces organisations féminines, ces élus locaux et les religieux ne s’impliquent pas beaucoup pour obtenir la libération de ces détenus ; mais, est-ce que vous ne pensez pas que l’UFDG elle-même n’agit pas sur le terrain ? Parce que si ces personnes allaient pour demander à Cellou Dalein Diallo la paix, c’est parce qu’il y avait les manifestations. Or, aujourd’hui, sur le terrain, il n’y a aucune action. Est-ce que vous ne pensez pas que les gens se disent que puisqu’il y a la paix actuellement, il ne sert à rien d’engager des actions ?

Mamadou Barry : cette situation dépasse le statut de l’UFDG. En fait, là, on est en train de parler de la citoyenneté. Et n’oublions pas qu’il y a des cadres qui sont en prison et qui ne sont pas de l’UFDG. Il y a des cadres du FNDC qui sont en prison…

Guineematin.com : mais, ce sont ceux de l’UFDG qui sont en grand nombre.

Mamadou Barry : on est parfaitement d’accord ; mais, d’abord et avant tout, c’est des citoyens guinéens qui sont en prison. Alors, au de-là de l’UFDG, il y a des citoyens qui sont là ; et, ces organisations parlent de citoyenneté, de droit de l’homme. Donc, l’idée est de faire qu’on sorte de ce clanisme pour dire qu’on va mettre l’UFDG d’un côté et le peuple de Guinée de l’autre. On a vu comment ça fonctionne depuis longtemps. L’idée, c’est de faire en sorte qu’il y ait une mobilisation de tout un chacun là où il est. Le médiateur de la République est là. Il y avait des mobilisations avant même qu’il y ait des discussions ou bien des échanges sur les manifestations, il y avait des anticipations de ces autorités auprès de la direction de l’UFDG pour dire : non, faites attention pour la paix. Mais, aujourd’hui, il y a des gens qui sont détenus et le médiateur de la République, on ne l’entend pas. Les religieux et les organisations de la société civile, on ne les entend pas. Les élus locaux, que ça soit de l’UFDG ou bien des autres partis politiques, qui sont des citoyens à la base, sont en mesure de dire que nous sommes dans une situation où il faut quand même qu’on progresse et voir dans quelle mesure on peut alléger cette crispation. Parce qu’on ne peut pas continuer à être crispé comme ça.

Guineematin.com : mais, est-ce que l’UFDG est allée vers ces structures pour demander leur implication ?

Mamadou Barry : on est allé vers eux et on va continuer à aller pour faire en sorte que des dispositions soient prises. Mais, il y a un handicap de taille qui fait en sorte que jusqu’à présent on n’arrive pas à résoudre ce problème de fermeture des bureaux de l’UFDG. On est dans cette situation où il n’y a aucune notification, aucune justification, aucune règle de droit qui amène cette fermeture des bureaux de l’UFDG. Donc, c’est ce qui fait que même les retrouvailles et les rendez-vous sont difficiles. Quand on ferme ton bureau, il est difficile d’initier ou d’organiser quoi que ce soit ou bien de faire des rencontres avec ces élus pour voir ce qu’il y a lieu de faire. Encore une fois, il est bon qu’on ait la possibilité de se retrouver, d’échanger et de voir dans quelle mesure quelque chose peut se faire. Mais, il y a des pré-requis qui font en sorte que la décrispation puisse être valable des deux côtés.  Mais, puisqu’il y a des gens qui sont en prison et qui sont privés de liberté, il faut commencer par ça et voir comment décrisper la situation.

Guineematin.com : aujourd’hui, votre souhait, c’est l’organisation rapide d’un procès de ces détenus ou bien c’est d’obtenir leur libération pure et simple ?

Mamadou Barry : l’idée est, dans un premier temps, qu’à partir du moment où le procès est retardé, il est souhaité que ces personnes recouvrent leur liberté pour retrouver leur famille en attendant. Il faut rappeler que ces cadres dont on parle aujourd’hui se sont livrés. On n’est pas allé les chercher. A partir du moment où ils se sont livrés, ça veut dire que le procès peut avoir lieu. Mais, en attendant ce procès, qu’on les élargisse pour qu’ils puissent être aux côtés de leurs familles, pour voir comment on peut commencer à décrisper ; et, ensuite on parlera du siège de l’UFDG pour voir comment des rencontres peuvent avoir lieu afin d’améliorer les choses.

Guineeamtin.com : votre message de la fin ?

Mamadou Barry : mon message, c’est de lancer un appel à toutes les personnalités, particulièrement aux élus de l’UFDG, que ça soit à Conakry ou bien les fédérations de l’intérieur et de l’extérieur, de voir dans quelle mesure il peut y avoir une mobilisation pour essayer de sensibiliser les uns et les autres. Parce que chacun peut quelque chose quelque part parce que nous ne devons pas oublier ces détenus politiques.

Guineematin.com : merci à vous.

Mamadou Barry : c’est moi qui vous remercie.

Interview réalisée par Alpha Assia Baldé et Alpha Fafaya Diallo

Tél : 622 68 00 41

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