Les mots et les maux du ministre

Habib Yembering Diallo
Habib Yembering Diallo

Cher cousin,

Sachant que tu suis à la seconde tout ce qui se passe dans notre pays, je suis persuadé que tu es courant des derniers développements de l’actualité chez nous. Une actualité marquée par la bourde de ce néophyte, arrogant et ignorant contre mon patron. Ce qui s’est passé à cette rencontre est plutôt inédit. C’est pour la première fois qu’un chef d’Etat est directement pris à partie par un autre.

Mais cet incident diplomatique n’est pas le sujet de ma lettre. Je voulais juste te faire savoir que je ne suis pas insensible à tout ce qui touche à notre pays. Particulièrement à sa souveraineté. Parce que mon patron incarne cette souveraineté. Tout ce qui le touche directement à tout le pays.

Même si, et c’est déplorable, cette frasque a une nouvelle fois mis à nue la profonde division de nos concitoyens. Pendant que les uns, comme moi, condamnent l’acte, les autres applaudissent. Ce qui relève d’un autre acte qu’on pourrait qualifier d’apatride. Mais, je ne suis pas un homme qui verse dans l’ostracisme au point de qualifier certains compatriotes d’apatrides. Mais j’ai la profonde conviction que devant certaines situations, nous devons oublier nos différends et nos différences pour faire face à l’épreuve.

Décidément, tu te rends compte que j’ai une rage contre cet homme dont l’attitude et le comportement sont aux antipodes de la gestion d’un Etat. Pour me calmer, ma femme m’a fait observer que ce n’est pas ce bouillant général qui est le problème. Selon elle, c’est mon patron. Lequel, ajoute-t-elle, a toujours joué les perdants en soutenant le camp du vaincu. Ce fut le cas en Gambie comme ce fut le cas en Guinée Bissau. Elle est allée plus loin en me rappelant la sagesse populaire qui dit que c’est l’arrogance de l’ainé qui cause l’irrespect du cadet.

Mais, encore une fois, ce n’est pas mon sujet. J’ai le défaut de sortir souvent de mon sujet pour aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Comme ce cas d’offense à mon patron. D’ailleurs avant d’aborder mon sujet, je voudrais que tu me donnes des idées sur l’attitude que devrait adopter notre pays vis-à-vis de ce voisin impulsif. L’objectif pour moi est d’avoir des idées à proposer au cas où le problème serait posé en conseils interministériel. Car dans pareil cas, on marche sur des œufs.

Si tu fais des propositions trop conciliantes les collègues vont dire que tu n’es pas patriote. Et si tu es trop extrémiste, tu pourrais être désavoué. C’est pourquoi, dans pareil cas,  j’ai toujours besoin de l’avis de quelqu’un qui est neutre. Comme toi. A ton avis, quelle est la réponse la plus appropriée à apporter à cette offense ? Une déclaration de guerre ou un silence ? Ou quoi d’autre ?

Sachant que depuis quelques temps certains collègues cherchent des poux dans mon cran nu, je n’entends pas jouer les seconds rôles dans cette affaire. Je voudrais défendre mon patron et mon pays jusqu’au bout. Moins par conviction que pour sauver mon poste. Et à travers lui ma tête. Je ne t’apprends rien en te disant que les crises constituent toujours une aubaine pour des membres du gouvernement menacés de limogeage.

Les crises, surtout lorsqu’elles touchent directement le chef de l’Etat, apportent de l’eau au moulin aux ministres pour se montrer plus royalistes que le roi. C’est pourquoi, je voudrais profiter de cette occasion pour me distinguer dans la défense de mon patron. Je voudrais que, à l’issu de la discussion sur la réponse à apporter à cette offenseur, que ma proposition soit celle qui est retenue. Cela n’est possible que si je prends soins de consulter et de me concerter avec des personnes averties comme toi.

Devant l’urgence, j’attends impatiemment ta réponse. Même si le problème n’est pas posé en conseil interministériel, je voudrais faire une proposition solitaire pour apporter la réponse du berger à la bergère. Sous aucun prétexte je ne dois rater cette occasion pour me refaire une place au soleil. Et je voudrais que tu m’apportes les suggestions nécessaires que la proposition que je vais faire fasse l’unanimité devant mes collègues. Ou à défaut, qu’elle retienne l’attention de mon patron. Parce que, finalement, c’est l’avis de celui-ci qui compte. Pas celui d’un autre.

Cher cousin, je me rends compte que, devant mon indignation, j’ai complètement occulté mon sujet. Mais ce n’est que partie remise. La prochaine fois je te parlerai de cet autre sujet.

Ton ami le ministre.

Habib Yembering Diallo,

Téléphone : 664 27 27 47

Toute ressemblance entre cette histoire et une autre n’est que pure coïncidence.

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