Guinée : escalade et surenchères se succèdent

Elhadj Cellou Dalein Diallo, président de l'UFDG
Elhadj Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG et de l’ANAD

Devant l’impasse politique et le maintien d’une bonne partie de cadres du principal parti de l’opposition en détention, les militants dudit parti réclament à cor et à cri la reprise des manifestations. Une exigence qui oblige les responsables de céder bien malgré eux. Avec l’arrestation et la détention des uns et la restriction de liberté de mouvement des autres, les responsables de l’UFDG, encore en liberté, savent qu’avec la reprise des manifestations le nombre de pensionnaires de Coronthie pourrait augmenter.

C’est peut-être pour cette raison que l’alliance nationale pour l’alternance démocratique (ANAD), qui n’était au départ qu’une simple alliance électorale, est aujourd’hui transformée en une alliance politique. Rompant ainsi l’isolement de l’UFDG, devenue la bête noire de la grande innovation de la gouvernance Condé : l’opposition à l’opposition.

En effet, cette opposition, dite constructive, s’oppose plus à l’opposition, qu’elle qualifie de radicale, qu’au pouvoir. Ce qui fait d’elle une opposition toute particulière sur le continent, voire dans le monde. Cette opposition, dite constructive veut caresser le pouvoir dans le sens du poil pour obtenir un changement dans le pays. En réalité, elle s’est rendue compte que pour être en odeur de sainteté avec Sékoutouréya il faut tout simplement marquer sa différence, son différend, voire son hostilité avec celui qui est susceptible de s’installer dans ce palais par les urnes.

Seulement voilà, les fruits de son opposition à l’opposition tardent à venir. Pire, le pouvoir semble avoir compris l’opportunisme de ceux qui insultent l’autre camp pour se faire une place au soleil. Ce pouvoir ignore la main indirectement tendue et semble s’inspirer du slogan de Donald Trump en disant RPG first. Il privilégie ses militants au détriment des opportunistes de tout acabit.

C’est pourquoi, la décision de l’UFDG d’exercer à nouveau un droit constitutionnel qui est la manifestation, apporte de l’eau au moulin de l’opposition à l’opposition. Laquelle estime qu’une manifestation est inopportune. Cette opposition ne se contente pas de renvoyer dos à dos le pouvoir et la vraie opposition. Elle condamne la seconde, à laquelle sera imputée les morts d’hommes et les dégâts matériels qui en découleront. Depuis 2010, le pouvoir a réussi à ancrer dans la tête de beaucoup de nos compatriotes que celui qui a appelé à manifester est aussi –sinon plus- coupable que celui qui a tiré à bout portant sur un manifestant.

De cause à effet, on entend ici et là des appels pour supplier Cellou Dalein à revenir sur sa décision. Ou plus exactement à ignorer le cri de cœur de ses militants. Parmi les nouveaux pacifistes, qui appellent au boycott des manifestations, il y a paradoxalement un des anciens et parmi les plus farouches partisans de manifestations. En l’occurrence Boubacar Diallo, alias Grenade qui a bénéficié récemment d’une grâce présidentielle.

L’ancien prisonnier politique ne s’arrête pas là. Il promet de s’opposer à une manifestation. Mais d’autres, plus représentatifs que lui, comme l’ancien ministre Mouctar Diallo, avaient promis au pouvoir de mettre fin aux manifestations sur la roue le Prince. La réalité fut aux antipodes de cette promesse.

Sachant qu’il a réussi par les arrestations et les intimidations là où ses transhumants ont échoué par la sensibilisation et la distribution de quelques billets de banques à certains jeunes leaders de l’axe, le pouvoir a décidé à nouveau  d’user de la méthode qui a produit ses effets : l’arrestation de certains opposants. C’est dans ce cadre qu’il faudrait mette l’arrestation du responsable de communication de l’ANAD.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’augmentation du nombre de détenus politiques à la Maison centrale pourrait produire des effets contraires à ceux escomptés par le pouvoir. La venue d’autres remontera le moral de ceux qui croupissent en prison. Et les nouveaux venus savent qu’ils rejoignent d’autres qui tiennent bon. En outre l’opposition ne manquera pas de brandir ces arrestations comme étant la preuve du décalage entre le discours officiel, qui appel au dialogue, et la vraie nature du pouvoir. Lequel, en augmentant le nombre de détenus politiques, se fragilise et devient le plus grand perdant.

Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com

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