L’augmentation du prix du carburant à un moment où la Guinée est confrontée à une résurgence inquiétante de la pandémie de Covid-19 a creusé davantage le fossé entre gouvernants et gouvernés. Les premiers sont conscients que les seconds les vouent aux gémonies. Mais, dans un pays où le chef du gouvernement a une préférence de l’ordre par rapport à la loi, la population est consciente qu’aucune réaction de protestation ne sera tolérée. C’est pourquoi, le gouvernement parvient à lui faire avaler des couleuvres.
Cette décision impopulaire vient s’ajouter à toutes les autres difficultés qui assaillent les Guinéens. Entre autres, les difficultés à se déplacer, celles de manger à sa faim, à se soigner ; et, le plus paradoxal, celle d’avoir accès à une eau potable à un moment où le pays entier est arrosé par des grandes pluies.
Même s’il semble être coupé des réalités du pays, Alpha Condé n’ignore pas les difficultés auxquelles ses concitoyens sont confrontés. Récemment, le vieil homme est monté au créneau pour dénoncer la dégradation des routes. En outre, il ne cesse de faire observer les tares de son gouvernement et de son administration. Toute chose qui laisse présager l’imminence d’un remaniement de son gouvernement.
En ligne de mire, certains départements ministériels dont la contreperformance crève les yeux. Quelqu’un faisait remarquer que trouver un ministère performant est un exercice qui ressemble à trouver le plus beau parmi un troupeau de chimpanzés. Malgré tout, il y a certains qui sont si inutiles qu’on se demanderait pourquoi ils sont encore maintenus dans la structure gouvernementale.
Sans jeter la pierre à quelqu’un, le guinéen se demande quel est le rôle d’un ministère comme celui des Transports. En effet, dans un pays où il n’existe ni le transport maritime, ni le transport ferroviaire encore moins le transport aérien, on se demande quel est le transport géré par ce ministère. D’autant plus que même le transport routier, confronté à ses pires difficultés de l’histoire, est géré entièrement par les privés.
Si le ministre est le premier responsable de la contreperformance de son département, la réalité est beaucoup plus profonde. C’est toute l’équipe gouvernementale qui est responsable de la situation. Y compris le chef de l’Etat. On se souvient du lancement avec tambour et trompette du projet mort-né de la voie ferrée Conakry-Kankan avec comme invité de marque Lula Da Silva, ancien président du Brésil. Et que dire du défi que le nouvel élu, Alpha Condé, jurait de relever avec le projet, tout aussi mort-né de la création d’une nouvelle compagnie aérienne dénommée Guinée Airlines. Ce projet était une réponse à un ancien Premier ministre, accusé d’avoir liquidé Air Guinée. Bref, rendre l’actuel ministre des Transports responsable de la situation actuelle consisterait tout simplement à lui trouver des poux dans un cran nu.
Un autre département jugé inutile est celui du Commerce. Quel est le commerce géré par ce département ? Comme le transport, le commerce est entièrement entre les mains des privés. Le ministère se contentant de temps en temps de rappeler à l’ordre les industriels qui n’ont d’autres choix que d’augmenter le prix. C’est ainsi qu’il est souvent aux prises avec les usines de ciment et surtout celles de farine quand celles-ci augmentent le prix de leurs produits impliquant, pour la farine, la hausse du prix du pain. D’ailleurs, la dernière augmentation du prix de la farine avait été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase dans le départ de l’ancien ministre du Commerce.
Enfin, le ministère du Tourisme est lui aussi pointé du doigt comme étant un département peu ou pas utile. La raison est simple. La Guinée a un potentiel touristique d’une rare richesse. Mais, ce potentiel n’est pas utilisé à bon escient. Des sites touristiques comme la voile de la mariée de Kindia, les chutes de Ditinn dans Dalaba, celles de Saala, la dame de Mali et beaucoup d’autres sont abandonnés à eux-mêmes. Alors qu’ils peuvent être une source importante de revenu pour l’Etat guinéen.
Mais encore une fois, ces départements ne sont pas les seuls qui brillent par leur immobilisme. D’autres, comme celui de la Sécurité ou de la Justice ne sont pas mieux lotis. La justice est mise à rude épreuve pour obtenir son hypothétique indépendance. Les récentes libérations de prisonniers sur la base d’une simple demande de pardon au chef de l’Etat sont aussi révélatrices d’un profond malaise. Que dire sur la récente évasion spectaculaire de celui qui est présumé être le cerveau de tous les enlèvements de ces derniers temps ? La liste n’est pas exhaustive.
Bref, si le critère du maintien ou du départ d’un ministre du probable prochain remaniement ministériel est la performance, le locataire de Sékoutouréya risque de renvoyer toute l’équipe. Si, en revanche, l’objectif de ce remaniement serait de faire entrer certains opposants dans le gouvernement dans le seul but de restaurer la pensée unique ; alors, la fin de la souffrance à laquelle les Guinéens sont confrontés ne sera pas pour demain.
Habib Yembering Diallo pour Guineematin.com